Papa, c'est quoi ce journal?

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Retombé par hasard sur l’une des pubs les plus réussies des années 1990, le clip du lait Lactel à la réplique fameuse (« Papa, c’est quoi cette bouteille de lait? »), définitivement passée à la postérité grâce à sa parodie par les Nuls.

Cela fait des années que je n’ai pas revu ce film. Et ce qui me frappe – que je n’avais pas prévu –, c’est cette scène désormais incongrue: le père qui lit son journal à la table du petit déjeuner. Posture jadis si familière, cette façon pour l’homme de se dérober à l’échange familial, abrité derrière les pages sports, et qui semble à présent si étrange.

Devant cette image d’un autre temps, comme quand je vois des gens fumer dans une voiture fermée, je me dis sans arriver à y croire: moi aussi, j’ai été comme ça. 1990, vingt ans juste. Autant dire le jurassique – l’ère où UN journal dictait notre vision du monde.

A quoi ressemblent nos matins? Dans un an ou deux, sans doute, l’iPad ou un autre lecteur aura pris la place de ce bouquet de papier bruissant, à côté du bol de café au lait. Surprenante accélération du quotidien, petit voyage dans le temps: un présent jusque là invisible vient brutalement d’être emporté dans le passé. L’histoire apparaît comme comme un glaçon qui fond.

YouTube passe au "like"

YouTube vient de toiletter son habillage. On note une simplification de la page de présentation des vidéos: la colonne de droite n’affiche plus que les contenus suggérés, les vidéos locales disparaissant sous un index à cliquer. Les dimensions de la fenêtre restent de 640 pixels de large par défaut.

Suivant la tendance actuelle, une large place est faite aux fonctions de signalement sur les réseaux sociaux (« Partager »), désormais séparés des options de lecture exportable (« Intégrer »).

Mais le changement le plus visible est probablement le passage de l’ancien système de rating, par l’intermédiaire d’une série de 5 étoiles, à celui du « like » (« J’aime »), copié de Facebook et figuré par le traditionnel pouce levé. Un passage non sans valeur symbolique, qui atteste du renoncement à toute procédure d’évaluation. Héritier des systèmes de tournois ou de hit-parades visant à créer des hiérarchies, le rating représentait une opération autonome, dédiée à la fonction d’évaluation. Toute la force du like est de réduire celle-ci à un simple signal, la trace d’un passage individuel. Avec le « like« , il n’y a plus d’évaluation, mais l’enregistrement d’une interaction (ce qu’on appelle en anglais l’engagement). Ce système plus simple est aussi plus puissant, puisqu’il profite de l’interaction pour créer une valorisation, plutôt que d’isoler cette fonction. C’est ce qui explique son adoption sur de nombreuses plate-formes.

Notons toutefois que, contrairement à Facebook, qui s’y est jusqu’à présent refusé, YouTube a choisi d’associer au « J’aime » un « Je n’aime pas », figuré par un pouce baissé qui se colore en rouge. On vérifiera les effets de l’introduction d’un signal négatif (que le rating ne comprenait pas), potentiellement ravageurs.

Télé 7 Jours teste le plus-produit en réalité augmentée

«C’est une première, et Télé 7 Jours a sans doute eu du flair en choisissant de tester, à l’occasion de ses 50 ans, une des technologies les plus prometteuses et les plus excitantes pour cette année : la réalité augmentée. Concrètement, celle-ci permet de passer d’une image imprimée (ou une photo prise avec son mobile, ou encore une image saisie avec sa webcam) à une image animée en trois dimensions (3D), grâce à un logiciel. Du coup, elle fournit des informations complémentaires en surimpression d’un écran, voire de lunettes. Sur les écrans d’ordinateur, la réalité augmentée donne l’illusion d’interagir avec des objets virtuels.»

Par Capucine Cousin, 30/03/2010, Miscellanées.net

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Retrouver la peau

Alexie Geers, qui consacre sa thèse à l’image du corps dans les magazines féminins, a observé le dernier numéro de Marie-Claire, prétendument « 100% sans retouches », et noté avec justesse qu’un certain nombre de biais faussaient l’application du principe revendiqué par la rédaction – à commencer par la forte présence de la pub, qui ne couvre pas moins d’un tiers de la surface du numéro. Faire photographier de superbes jeunes femmes, dont le vêtement ou le maquillage ont fait l’objet des soins de toute une équipe, sous un éclairage impeccable, par des professionnels rompus à l’exercice, n’est sans doute pas la prise de risque la plus téméraire de l’histoire du magazine.

Et pourtant, même dans ces conditions optimales, sur quelques photos, l’absence de la retouche se fait clairement sentir. La jolie Louise Bourgoin prend 5 ans de plus. Et sur l’épiderme parfait d’un mannequin, on aperçoit des effets de matière auxquels nous ne sommes plus habitués – une texture plus marquée, une granulation plus présente, quelques traces de duvet ou de cheveux follets, des veines bleues sous la peau (ci-dessus, cliquer pour agrandir).

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Lady Gaga killed the music star

Du temps du Scopitone, les petits films de variétés n’étaient qu’un produit dérivé de la chanson. Avec MTV, qui installe le format du clip musical, la relation entre ces deux volets de l’industrie du disque devient plus étroite et plus complexe. Mais la diffusion gratuite de Thriller par les chaines de télévision reste un support de promotion étroitement lié à l’album éponyme du King of pop. Musique et spectacle sont dans le même bateau.

En affichant l’ambition d’une superproduction, avec Jonas Akerlund dans le fauteuil de John Landis, « Telephone », la nouvelle vidéo de Lady Gaga, diffusée sur YouTube (12 millions de vues depuis vendredi), propose une nouvelle étape. Ici, il est clair que la chanson n’est plus qu’un support destiné à agrémenter la présentation d’une galerie d’images choc, comme l’illustration musicale d’un défilé de mode.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=GQ95z6ywcBY[/youtube]

Poussant au bout la logique testée par Madonna, le Lady Gaga look and feel met le format du vidéo clip tout entier au service de l’imagerie. Une imagerie constamment au second degré, dont le modèle de référence est moins l’esthétique cinématographique que la permanente recherche d’effets de style des magazines de mode. Un art qui n’est plus celui du montage ni de la citation, mais celui du défilé des images et de la stupéfaction. Un art que Lady Gaga, phénomène pop, incarne à la perfection.

Qui a peur du réchauffement?

walter

Sylvestre Huet s’est amusé à produire une carte météo de prévision du climatoscepticisme. Ca fait déjà un moment que je me dis que l’hiver 2009-2010 – plutôt froid dans les régions où le « réchauffement planétaire » (global warming) figure au top ten de l’agenda médiatique – est le pire ennemi d’un récit qui prédit la montée des températures. Les gens cultivés savent bien qu’il y a une différence entre météorologie et climatologie – que les variations locales n’ont pas de signification à l’échelle des évolutions globales du climat. Mais la carte de Sylvestre Huet montre que cette affirmation scientifique pèse de peu de poids face à la sensibilité la plus immédiate et à la facture du chauffage.

Ainsi qu’en témoigne exemplairement une affiche du concours étudiant du festival de Chaumont (Alice Walter, école des Beaux-arts de Rennes, 2007, voir ci-dessus) qui se voulait au second degré, le problème du réchauffement, c’est qu’il ne fait pas vraiment peur aux habitants des zones tempérées. Il est probable que la plupart d’entre eux (Floride et côte d’Azur mis à part) ne verraient pas d’un mauvais œil leur thermomètre remonter de quelques degrés.

La perspective du réchauffement paraît difficile à transformer en menace tangible. Un téléfilm français (Les Temps changent, Marion Milne, Jean-Christophe de Revière, 2008) a tenté d’illustrer à grand renfort de sauterelles l’assèchement du sud de la France, sans réussir à nourrir l’inquiétude. Le premier blockbuster à exploiter la thématique de la catastrophe climatique (Le jour d’après, Roland Emmerich, 2004), proposait au contraire une inversion du schéma. Plutôt que d’affoler par le chaud, le dérèglement climatique y provoquait une vague d’un froid polaire, plus spectaculaire et plus effrayante qu’une hausse des températures.

C’est idiot, diront les climatoconvaincus – oubliant que le thème du réchauffement ne s’est véritablement installé dans l’agenda médiatique qu’à la faveur d’une série d’étés particulièrement chauds, depuis 2003. Le risque est réel que quelques hivers froids enterrent le sujet – aussi longtemps qu’une meilleure pédagogie des enjeux ne sera pas proposée.

Des images pour salir l'image

De retour de Suisse, où j’ai été confronté pour la première fois aux nouveaux paquets de cigarettes illustrés d’avertissements visuels. L’impression est violente. Comme le notait avec justesse Béat Brüsch sur Mots d’images, le phénomène est sans précédent: «Imaginez un produit à consommer, en vente libre, dont la moitié de la surface de l’emballage vous dit qu’il est mortel!»

Pas le temps d’un billet développé, on y reviendra en séminaire le mois prochain. Mais le cas est passionnant car, dans le long combat (près d’un siècle) contre l’industrie du tabac, l’image n’avait jamais joué un rôle déterminant ((cf. Robert L. Rabin, Stephen D. Sugarman (dir.), Regulating Tobacco, Oxford University Press, 2001.)). La construction imaginaire était plutôt située du côté des cigarettiers – puissamment appuyés par le cinéma. Est-ce à cause de cette forte occupation du terrain iconique que la stratégie des « antis » avait jusque-là privilégié l’information scientifique et le lobbying politique? D’autres campagnes de santé publique, comme celle contre l’alcoolisme en France à la fin du XIXe siècle, ont pourtant utilisé l’image, notamment dans son volet pédagogique ((cf. Michael R. Marrus, « L’alcoolisme social à la Belle Epoque », Recherches, n° 29, décembre 1977, p. 285-314.)). Quoiqu’il en soit, le choix de l’OMS d’imposer des messages visuels sur le corps même du délit constitue un tournant.

Une telle stigmatisation vise moins à propager une information qu’à s’attaquer à ce qui reste de l’image positive de la cigarette, notamment chez les plus jeunes (dont la consommation de tabac aurait augmenté ces dernières années). Salir le geste même de fumer, par association répétée d’une icône repoussante, est une tactique originale qui interroge au plus profond les théories de l’efficacité de l’image. On y revient dès que possible.

Photoshop 20th anniversary. Startup memories

In this documentary, the founders of Adobe Photoshop – John Knoll, Thomas Knoll, Russell Brown, and Steve Guttman – tell the story of how an amazing coincidence of circumstances, that came together at just the right time 20 years ago, spawned a cultural paradigm shift unparalleled in our lifetime. (17:49, 02/18/2010), consulter: http://tv.adobe.com/…

Comment le visuel deviendra grand

Impeccable démonstration de Patrick Peccatte sur l’usage pour la recherche en études visuelles des nouvelles possibilités de l’archivage intégral sur Google Books. Il faut relier ce billet à la critique justifiée que faisait Audrey Leblanc du support microfilm pour comprendre à quel point tout ce que décrit le chercheur n’a jamais été possible à partir de l’outil d’archivage qui reste aujourd’hui encore le vecteur privilégié de l’accès à la presse – et donc à l’image d’illustration. Ou pourquoi les visual studies sont restées si longtemps dans l’enfance.

Oui, les conditions matérielles d’accès à la mémoire visuelle sont décisives pour la conception même de la recherche. Parce que travailler sur l’image est travailler sur les relations entre les images, et parce que ces relations, nulle métadonnée n’est encore capable de les isoler. Parce que travailler sur l’image se fait, comme au temps de Winkelmann, avec l’œil et la mémoire, oui, trois fois oui, la taille des illustrations et la facilité de circulation au sein du corpus, qui permet de comparer des images entre elles, sont des conditions essentielles de l’analyse. Ce que nous font entrevoir les modes de consultation des magazines sur Google Books est sans précédent. Seuls ceux qui n’ont jamais effectué de recherche en matière visuelle y resteront insensibles.

Star Wars, ou la nostalgie de l’avenir

« Impossible à prédire est l’avenir », énonce dans son baragouin le sage Yoda. Tu ne crois pas si bien dire. « Il est tout pourri son hologramme », assènent mes fils dans un français guère plus correct. Dans Star Wars, en effet, les projections holographiques tressautent comme de bonnes vieilles images vidéo noir et blanc des années 1950. Une figure de style typique du réalisme lucasien, qui consiste à « salir » la représentation pour la rendre plus crédible.

Problème: la manifestation du « bruit » de la transmission reproduit un effet de sautillement caractéristique du signal électronique, qui a totalement disparu des écrans. Plus habitués à l’affichage à retardement de quelques paquets de pixels, trace d’une inhomogénéité de diffusion, mes enfants n’ont jamais vu l’image qui leur permettrait de comprendre ce clin d’œil référentiel, issu du passé de George Lucas.

On l’avait déjà vu avec les androïdes de Blade Runner, rien ne vieillit plus vite que l’avenir.