L'image vient-elle d'ailleurs?

Je n’ai jamais entendu personne dire que nous soyons envahis par le(s) texte(s). En revanche, l’envahissement par les images est une idée que l’on croise très souvent, largement alimentée par les pratiques numériques.

Rédigé par des historiens d’art, le Livre blanc sur l’enseignement de l’histoire des arts estime que nous vivons dans «un monde où la jeunesse est assaillie d’images». Un journaliste m’écrit: «Je vous contacte car je produis un webdocumentaire sur l’impact sur nos sociétés de la recrudescence d’images numériques dans le monde».

« Recrudescence » s’emploie habituellement dans un contexte médical ou judiciaire, où ce terme désigne des maux dont on veut se débarrasser. On ne peut être envahi que par un corps étranger. Tous ces réflexes langagiers disent chacun à leur manière que l’image est une menace venue d’ailleurs.

Il n’y a pas à se demander quelle balance permettrait de mesurer la quantité des contenus informationnels auxquels nous sommes exposés. Si personne ne pense que nous sommes menacés par le texte, c’est que celui-ci nous semble familier. Le logos appartient à notre univers, il est légitime, il n’est pas immigré: comment pourrait-il nous faire du mal? Il n’est qu’un outil à notre disposition, dont nous avons tous appris le maniement à l’école.

Je n’ai pas le sentiment que la jeune génération se sente agressée par les images, et je me sens moi-même parfaitement à l’aise dans notre monde visuel, dont je comprends les dynamiques. Il est vrai que je me suis penché avec attention sur ce paysage.

On n’a peur que de ce qu’on ne connait pas. L’énoncé de « l’invasion des images » n’est pas l’expression d’une analyse objective, mais plus simplement un aveu d’impuissance. Ceux qui se sentent agressés par les images contemporaines, qui croient qu’elles viennent d’une autre planète (ce sont souvent les mêmes qui disent avec fierté: « Je ne regarde pas la télévision »), sont les nouveaux illettrés prédits par Moholy-Nagy («L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, mais celui qui ignore la photographie»).

Fiction et hypothèse (notes)

Dimanche matin, théorie.

Le récit de Théramène (Phèdre) est donné comme un exemple typique de narration, qui a pour fonction de décrire un événement (la mort d’Hippolyte) à ceux qui n’y ont pas assisté («J’ai vu, Seigneur, j’ai vu votre malheureux fils»). Cet événement est le référent du récit, qui produit une représentation qui s’y substitue.

Une manière simple de décrire la fiction, d’un point de vue sémiotique, est de considérer qu’il s’agit d’un exercice qui a les mêmes aspects formels que la description, mais que celle-ci est déliée de toute obligation référentielle. La fiction est aréférentielle: elle se déclare pour telle par convention (selon la formule rituelle: «Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite»). C’est sa nature aréférentielle qui permet de qualifier la fiction de « création » (ou de « poétique »). Continuer la lecture de Fiction et hypothèse (notes)

Album "Mythes, images, monstres"

Album du séminaire « Mythes, images, monstres », 2009-2012, INHA. Dinosaures, conquête spatiale, évolution de l’homme, soucoupes volantes, Beatles, peinture d’histoire, superhéros, mèmes…: résumé de 3 ans d’exploration en culture populaire, en 160 diapos (blog, icono).

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Prosécogénie du mystère à deux balles

Rien compris. Je devrais me méfier des films annoncés comme l’attraction de l’année, mais comme tout le monde, je suis tombé dans le piège une fois de plus. Prometheus, produit dérivé du génial Alien par son créateur même, arrivait précédé d’un long buzz, que même les premières critiques (négatives) n’ont pas réussi à désarmer. Las, alors qu’Alien tirait toute sa puissance de l’extrême dépouillement d’une intrigue transformée en machine à happer le regard, la pile des fausses pistes issues des brainstormings que les scénaristes ont omis d’effacer pèse sur l’estomac du spectateur de tout son poids d’incohérences et de contradictions.

Pourquoi l’espèce de demi-dieu, blanc et musclé comme Superman, dernier représentant de son espèce (qui est par ailleurs supposée, par un incompréhensible tour de passe-passe biologique, avoir donné naissance à la vie sur notre planète, qui aurait donc passé par tous les stades de l’évolution, de l’amibe au rongeur en passant par le ver ou le poisson, pour revenir in fine à la forme parfaite de l’acteur mâle casté pour un rôle de super-héros à Hollywood), pourquoi, dis-je, cet Hercule d’une civilisation supérieure n’a-t-il rien de plus pressé que d’accueillir ses descendants (les héros humains du film) en tentant de les massacrer comme le plus vulgaire des monstres de foire?

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