Le bruit disparu de l'instrumentation

Un blog peut servir à noter des questions ou des observations. Il sert souvent à enregistrer des agacements. Pourquoi est-ce que m’arrête la question du bruit de l’instrumentation chez Ridley Scott? A vrai dire, je n’en sais rien. Mais ça m’agace.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=wL96XnTwJsU[/youtube]

Dans Alien (1979) ou dans Blade Runner (1982), on peut constater que Scott donne vie à divers outils électroniques en les dotant d’une activité sonore paradoxale (voir ci-dessus). Un trait qui n’est pas si fréquent en SF. Il y faut d’abord le goût du silence. Star Wars (1977) est un film bien trop bruyant (dialogues, musique, combats…) pour qu’on y discerne le clic d’un bouton. Dans 2001 (1968), l’interaction avec la machine qui forme le fil rouge du scénario ne laisse que peu de place à la commande manuelle, dont la dimension sonore reste discrète.

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Politique fiction

Pour François Hollande, les jeux sont faits: Sarko est cuit, et quelles que soient les péripéties qui nous séparent de mai 2012, ce sera un socialiste qui occupera le fauteuil présidentiel au tour prochain.

La claque qu’a pris l’UMP et la colère qui monte du terrain, que les cantonales ont manifesté de plusieurs manières, semblent conforter cette vision. Mais on peut faire une autre lecture. Politiquement, l’alliance Sarko/Marine a déjà gagné la première manche, en imposant au PS son candidat le plus à droite. Tous les sondages le disent: pour éviter le risque d’un 21 avril, DSK est la meilleure assurance. La précampagne d’Aubry a fait flop, Ségolène est aux fraises, reste Hollande en embuscade, ce qui ne changerait pas grand-chose au scénario selon lequel le candidat gagnant de la gauche serait un centriste très medefo-compatible.

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Degré zéro de l'image

La fonction décorative de l’image est souvent traitée avec mépris par les historiens d’art. Mais il existe un no man’s land encore plus fangeux, que l’on hésite même à nommer, souvenir lointain de l’idée de décorum, qui n’est plus qu’une sorte de sous-présence, une trace quasi effacée de ce qu’a pu être l’image.

Au café du coin, près du 105, bd Raspail, une telle relique est accrochée sur le mur de faïence, dans l’escalier qui mène aux toilettes, à un emplacement si improbable qu’il ne correspond à aucun point de vue possible (cliquer pour agrandir).

Souvenir d’une image, cette reproduction industrielle d’un paysage un peu trop chargé – dont Didier Rykner arrivera peut-être à identifier l’origine – correspond à ce qu’exprimait le vocable « chromo », image couleur de mauvaise qualité.

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L'autre moitié du cinéma

«Toute l’histoire de l’art, toute l’histoire de la philosophie de l’art, nous a habitué à considérer qu’une œuvre vaut par ce qu’elle signifie, ou par ce qu’elle exprime, ou par la qualité d’émotion qu’elle suscite en nous, ou par les pensées qu’elle produit – et non par son aspect luxueux, par la richesse de ses matériaux, par le travail de celui qui l’a faite» (Jacques Aumont, De l’esthétique au présent, De Boeck, 1998, p. 15).

L’autre soir, expérience mille fois refaite, on passe en revue avec les mômes la collec’ de DVD pour décider ce qu’on va regarder. Collec’ qui comprend évidemment une brochette des plus grands succès des quinze dernières années, des films qu’on s’est précipité pour aller voir à leur sortie. Et comme toujours, le choix est difficile. Les arguments sont rationnels, il y a les préférences des différents membres de la famille, l’élimination des films récemment revus. Le désir est comme éteint. Toute la machine qui l’a éveillé et entretenu au moment de sa sortie est loin derrière. On a vu le film, l’inconnu a disparu, reste le souvenir objectif d’un degré de plaisir. Une connaissance, pas une excitation.

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Des images criantes de vérité

«Des images criantes de vérité», énonce ce matin le journaliste de France-Inter pour commenter le lancement de la nouvelle revue de photoreportage 6 Mois de Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry. Eh oui! On le sait, la photo ne fait qu’enregistrer la réalité, comme le fameux miroir que l’on promène le long de la route.

Pourtant, de droite à gauche, du Figaro (Une du 15/03) à L’Humanité-Dimanche (Une du 17/03), une même image, un même drame peut faire l’objet de lectures bien différentes. Que nous crie cette photo de Hiroto Sekigushi (AP)? « Le drame japonais menace l’avenir du nucléaire »? Ou: « Japon, ils supportent l’insupportable »? Peut-être qu’en vérité, elle ne dit rien du tout. Mais que, comme pour toute image, on a vite fait de parler à sa place…

En attendant la catastrophe

Pour traiter de la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima, le Monde.fr a remplacé pendant plusieurs jours sa maquette habituelle de Une par l’association d’un flux live (essentiellement composé de dépêches AFP et de leurs commentaires par les journalistes et les abonnés) et d’un couple titre/illustration régulièrement mis à jour, en fonction de l’évolution de l’actualité (cliquer sur le diaporama pour faire défiler).

Ce traitement de type breaking news, à ma connaissance le plus long du genre, s’est étendu de lundi à jeudi. Quatre longs jours d’attente de la catastrophe, qui ne s’est finalement pas produite – ou en tout cas pas selon le bon tempo. L’urgence s’éloignant, le site a repris ce matin son organisation habituelle.

A noter que ce genre de dispositif ne peut faire l’objet d’une sauvegarde selon les modalités classiques, et s’efface au fur et à mesure de son renouvellement.

Le séisme japonais sur Google Maps

Remarquable réactivité des services d’imagerie satellitaire de Google Earth/Maps, dont les équipes ont obtenu en urgence de leurs fournisseurs une série de vues postérieures au passage du raz-de-marée, permettant d’effectuer des comparaisons avant/après.

Cette iconographie peut être consultée en haute résolution soit sur des mises à jour de Google Earth/Google Maps, ou encore par l’intermédiaire d’un album Picasa. Le site d’ABC News propose également un diaporama avant/après à partir de ce matériel (voir ci-dessus). Ces images sont mises à la disposition des médias et des organisations travaillant sur le terrain. La comparaison est saisissante, et la vision des zones côtières comme nettoyées par la vague permet de saisir l’ampleur d’un désastre que les premières images avaient paradoxalement banalisé et atténué.

Oui, le sondage est une "photo" de l'opinion

«Il faut qu’elle croisse et que je diminue»: le visage géant de Marine Le Pen penché sur le petit président de la république qui fait la couverture de la dernière livraison de l’Obs (n° 2418, 10/03/2011) semble inspiré de la parole biblique (Jean 3, 22, 36).

Un seul hebdo à osé donner figure à la menace brandie par le fameux sondage Harris Interactive (( Sondage Harris Interactive réalisé en ligne du 28 février au 3 mars auprès de 1 618 personnes, publié le 5 mars par Le Parisien, donnant Marine Le Pen 1e à 23%, et Sarkozy et Aubry à égalité à 21%.)) qui a secoué la classe politique cette semaine – les hebdos de droite, Le Point et L’Express, ayant préféré faire l’impasse sur cette actualité un peu trop brûlante…

Montage formé d’une photo récente de Marine Le Pen par Philippe Sautier (Sipa) et d’un portrait plus ancien de Sarkozy par Christophe Guibbaud (Abaca), la composition sur fond noir et le regard douloureux de la présidente du FN donne un aspect dramatique à une confrontation dont on comprend qu’il ne faut pas la prendre à la légère.

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Pour une narratologie de l'information

Voilà du titre qui en jette! En tout cas pour un colloque… Mais est-il pertinent pour un petit billet rapidement griffonné? C’est ce qu’on va essayer de vérifier.

Il arrive souvent que des billets rédigés sur Culture Visuelle soient repris sur Owni. Depuis peu, la rédaction, qui comprend des journalistes professionnels, a entrepris de donner un tour un peu plus sexy à nos intitulés qui fleurent bon la craie et le tableau noir. C’est ainsi que le billet « Un Godard, du texte et des images: réflexions autour de l’épisode 2A des “Histoire(s) du Cinéma” de Pier-Alexis Vial est devenu: « Godard, le hackeur du cinéma »

Un toilettage qui ouvre de nombreuses questions. Je ne connais pas de narratologie du titre. Il semble que celui-ci soit généralement considéré comme une sorte de synthèse du contenu, sans que soit interrogé ni ses choix stylistiques ni la nature du rapport supposé lier l’un à l’autre. Pourtant, on voit bien qu’une modification de l’intitulé influe considérablement sur la perception du contenu. Lit-on le même article avec un titre différent?

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Comment être clairement ambigu

Buste au regard frontal, sérieux adouci d’un léger sourire monalisant, veste sombre sur fond blanc, bijou discret: le portrait épuré choisi par la rédaction du Monde dans son édition du 3 mars pour mettre en avant l’entretien exclusif avec la première secrétaire du PS joue clairement la carte de la présidentiabilité.

La publication de l’ouvrage collectif Pour changer la civilisation (Odile Jacob), le grand entretien donnant libre cours à une vague vaste réflexion d’ensemble, illustré d’une nouvelle photo spécialement réalisée pour l’occasion par Paolo Verzone (VU): tout concourt à donner à cette intervention de Martine Aubry l’allure d’un lancement de campagne.

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