Je rebondis sur un billet que Rémy Besson consacre au petit ouvrage de Pierre Bourdieu sur la télévision, qui avait suscité chez moi une grande déception. J’avais rapidement rangé Sur la télévision, opuscule rapide et pas à la hauteur de la réflexion acérée de Bourdieu sur les mécanismes culturels, parmi les symptômes du désintérêt des lettrés pour le petit écran.
Ce désintérêt renvoie selon moi à un contexte plus global. Pour le dire à mon tour de façon excessivement rapide, mon impression est que la télévision n’a jamais réussi à créer une culture – au sens d’un ensemble identifié d’œuvres ou de référents partagés, unis dans une réception valorisée, disons une culture construite.
Signifiés par les expressions de « cinéphilie » ou de « discophilie », le film ou la musique enregistrée ont été des créations technologiques qui ont été très tôt accompagnées de systèmes de valorisation de leurs contenus par une sociabilité spécialisée, l’organisation de clubs, de publications, et l’émergence d’une critique des contenus. La photographie est probablement la plus ancienne des activités techniques à avoir généré spontanément, dès 1851, une activité culturelle sur le modèle du connoisseurship des œuvres d’art.