Totem, 2 ans et toutes ses dents

Destiné à la veille et à l’exploration, Totem a été le premier blog créé sur la plate-forme Culture Visuelle, avant même que celle-ci ne soit pleinement opérationnelle, le 29 octobre 2009.

En deux ans, Totem totalise 188 billets et 1630 commentaires, 172.500 pages vues et 54.855 visiteurs uniques (données Google Analytics). Il est classé 4e blog de sciences humaines par Wikio. Billets les plus consultés: « Stéphane Guillon, le sketch qui tue » (14/04/2010, 6720 vues); « L’histoire revue et corrigée » (10/09/2009, 6522 vues); « Le populisme expliqué aux enfants » (22/01/2011, 4303 vues).

Parmi les requêtes menant le plus souvent ici, on trouve: « syndrome du larbin » (210), « le mariage de Kate et William » (120) ou « prosécogénie » (77). Au-delà du monde francophone, on peut noter un nombre significatif de visites venues du Japon (1135), de Grande Bretagne (939), des Etats-Unis (887), d’Allemagne (757) et d’Italie (689).

De nombreuses idées qui charpentent mes théories, alimentent mes séminaires et les travaux de mes étudiants ont été testées ici pour la première fois.

Totem est le seul blog d’histoire de l’art qui vous parle des panneaux d’autoroute, des calendriers, de la peinture de cabinet, de la Joconde, du fétiche Arumbaya, des T-shirts de la chaîne KFC, de l’icono bio, de Star Wars, de Columbo, de Liz Taylor, de Lady Gaga, de Lady Di, du Petit journal de Canal +, des affiches de cinéma, d’illustrations alimentaires, des cubitainers de vin, de Silvio Berlusconi, de Dan Brown, de Quatremère de Quincy, des électrons, des soucoupes volantes, de l’eau sur la Lune, des exoplanètes, de 3D, des fausses bandes-annonces, de l’horreur du poil, des body scanners, du Flashcode, de la bouteille de lait Lactel, de Boulet, de Michel Sardou, de Mélanie Laurent, de téléphobie, de xénophobie, des commentaires sur Facebook, du bruit des images, de Chomsky & Sarkozy, des aliens, du non-dit, du 1er avril ou de l’avenir.

Un people, c'est quelqu'un

Qu’est-ce qui sépare la notoriété de l’état de « people » – personnage médiatique de plein exercice? Le traitement appliqué par la machine médiatique à François Hollande depuis son investiture comme candidat officiel du parti socialiste permet de préciser ce statut.

Depuis jeudi dernier, les gazettes ont fait apparaître à ses côtés sa compagne, la journaliste Valérie Trierweiler – en images pour Le Point, Match ou Le Monde Magazine, dans les titres pour L’Obs, tandis que L’Express affiche « Hollande intime »…

L’heure n’est plus à l’examen du programme. C’est bien son nouveau statut de présidentiable à part entière (et compte tenu du discrédit élyséen, de quasi-président avant l’heure), qui vaut à Hollande ce traitement de star, cette exposition qui le dote d’une personnalité, d’un statut plus dense que la simple publication de son portrait lorsqu’il n’était que candidat à la candidature.

Un people, c’est quelqu’un: pas seulement une fonction, une silhouette, mais un être au complet, dont on souligne l’épaisseur existentielle de mille manières, à commencer par sa vie familiale. Il est significatif de noter que les magazines d’actualité se rapprochent à ce moment précis du traitement des magazines people, dont cette métamorphose est la spécialité. C’est avec des photos d’album de famille qu’Hollande entame sous nos yeux sa présidentialisation – qui est d’abord une pipolisation.

Tintin pas encore général

Une note rapide. A 10 jours de la projection du Tintin de Spielberg, je suis plutôt surpris de la modération de la pression marketing.

En conservant à ma veille sur cet objet une dimension généraliste, j’ai essayé d’éviter l’écueil d’une spécialisation qui aurait fait loupe, pour demeurer autant que possible sur le terrain d’une réception grand public. C’est ainsi que je n’ai appris qu’hier (via le très généraliste Google News) que la première projection de presse avait eu lieu le mercredi 12 octobre. Les premières critiques semblent enthousiastes (comme pour Cannes, je ressens une gêne face au décalage d’un spectateur professionnel qui a déjà eu accès à un contenu qui m’est pour l’instant interdit).

Pour le reste, une couverture du Figaro Magazine par ci, une pile de coffrets à la librairie du MK2 par là (voir ci-dessus), des affiches bien sûr, mais l’impression reste celle d’une empreinte globalement plus modeste que ce à quoi je m’attendais, d’une présence moins insistante que, mettons, celle du dernier Harry Potter.

En même temps, je me demande quelle balance me permet de formuler un tel jugement. A l’évidence, je réagis de manière très globale en collectionnant un ensemble de signaux éparpillés. L’empreinte de Tintin reste confinée pour l’essentiel au monde culturel et se manifeste par des produits d’édition. La lecture du billet de Rémy Besson sur la promotion de The Artist me fait prendre conscience que je n’ai pas encore aperçu de présentation télévisée du futur film. Tintin est une information culturelle, pas encore une information générale. C’est visiblement cette caractérisation, et tout particulièrement le passage au journal télévisé du soir, qui fait effet de seuil et envoie le signal décisif.

A signaler le livre de Philippe Lombard, Tintin, Hergé et le cinéma (Democratic books, 2011), synthèse bien informée quoiqu’un peu pédestre. La conversation de la Grande Table du vendredi 28 octobre sera consacrée à la sortie du Secret de la Licorne.

Voter, la rage au cœur

Je n’ai rien entendu. Rien du souffle nouveau qu’impose à l’évidence la litanie des crises des dernières années. A commencer par la critique du volontarisme, méthodiquement détruit par l’expérience Sarkozy. Comment peut-on encore sérieusement proférer « je serai le/la président/e de ceci ou de cela »? La plus inaudible dans l’incantation restant Ségolène, mais pas un des candidats socialistes n’a résisté à prendre la pose d’un bonapartisme pourtant exsangue. Qui parlait de 6e République? Je n’ai rien entendu.

J’irai voter tout à l’heure à la primaire, pour le plus à gauche des candidats, pour tenter de peser arithmétiquement sur les orientations futures, mais sans enthousiasme et sans illusions. Non, aucun n’a été à la hauteur de mes attentes – pas plus que Mélenchon ou Eva Joly.

Continuer la lecture de Voter, la rage au cœur

Steve Jobs, l'informatique comme un des beaux-arts

Son récent retrait le laissait craindre. Steve Jobs est mort à l’âge de 56 ans. Fascinant de voir à quel point cet entrepreneur, de la carrure d’Edison ou de Ford, laisse une empreinte profonde sur nos vies. Même ceux qui vomissent le Mac travaillent dans l’environnement graphique d’Apple, incarné par le bureau et la souris, par lequel Jobs a légué à la Terre entière son goût pour la typo. Du Macintosh, premier ordinateur qui faisait envie, à ses fameuses keynotes en passant par le secret hystérique imposé aux employés, Jobs a promu l’informatique comme une superproduction hollywoodienne, avec la même démesure.

Le match PC/Mac, le plug-and-play, les icônes, les polices, les imprimantes laser, l’OSX, l’iBook, la suite iLife avec GarageBand, iPhoto et iMovie, l’iPod et iTunes, l’iPhone et l’iPad sont autant d’étapes remémorées sans effort, qui ont scandé les vingt dernières années d’innovations toutes plus ébouriffantes les unes que les autres, et ont accompli la métamorphose de l’informatique, passée d’un triste outil de productivité bureautique au support naturel de toutes nos pratiques culturelles.

Après avoir redessiné l’ordinateur personnel, le commerce de la musique et la téléphonie, Steve jobs a fini par faire disparaître l’informatique dans les usages. De quoi se faire haïr à jamais par les puristes de l’outil. Plutôt que la religion de l’outil, Jobs pratiquait celle de l’usager. Plutôt qu’au geek barbu, il pensait à sa mère.

Quatre environnements ont changé nos vies: Apple, le web, Google et Facebook. Quatre environnements qui ont lié comme jamais industrie et culture, et sont chacun marqués par la vocation hégémonique qu’impose la logique industrielle. Des quatre, Apple est sans aucun doute celui qui est resté le plus lié à la signature de son fondateur. L’aventure de l’informatique comme un des beaux-arts est la dernière grande aventure américaine, à laquelle nous avons tous participé. Toutes les heures passées sur nos si belles machines à rêve sont des heures que nous lui devons.