Pourquoi l'iPhone est le meilleur appareil photo

Parti faire des emplettes en ville, je croise une fanfare de Maubeuge qui pousse le flonflon avec enthousiasme. Dilemme. J’ai dans ma poche l’excellent appareil photo compact Fujifilm X10, qui fait des images magnifiques. Oui mais cette scène, je voudrais la partager avec ma femme, restée à la maison. Un petit coucou instantané, pour dire je pense à toi, regarde ce que je vois. Il me faut donc abandonner à regret le superbe appareil, et me rabattre sur mon iPhone, qui seul permet de transmettre sur le champ la photo.

Le succès de l’iPhone, y compris sur le terrain du photojournalisme, fait grincer les dents des puristes. Qui ne comprennent pas ce qu’on trouve à un outil médiocre et n’y voient qu’un effet de mode. Moi, ce que je ne comprends pas, c’est comment des fabricants d’appareils photo osent aujourd’hui proposer des machines non communicantes. La photo a changé d’ère. Il serait temps qu’ils s’en aperçoivent.

Sarkozy est-il bon pour le cinéma?

Reprenant une photo déjà utilisée en couverture de Télé 2 semaines le 3 décembre, Paris-Match sacre à son tour Intouchables comme « phénomène ». Ayant dépassé la barre des 13 millions d’entrées en 6e semaine, le film tutoie désormais les plus grands succès du box-office français (Bienvenue chez les Ch’tis: 20 millions; La Grande Vadrouille: 17 millions; Astérix et Obélix, mission Cléopâtre: 14 millions; Les Visiteurs: 13 millions).

A noter que, dans les films récents, ni le succès des Visiteurs ni celui d’Asterix et Obélix n’avaient fait l’objet de tentatives d’interprétation à caractère sociétal. En revanche, la solidarité surlignée des Ch’tis avait permis de le décrire comme un exutoire à l’égoïsme sarkozyste. L’éloge de la « fraternité » d’Intouchables s’inscrit dans la même veine d’une fiction venue racheter la brutalité du monde contemporain. Une lecture que pourrait confirmer le classement final en 2e ou 3e position du film, venant renforcer le constat que les années Sarkozy auront été plutôt fastes pour les comédies à prétexte social.

Cette interprétation est-elle pertinente? Difficile de dire si Les Neiges du Kilimandjaro auraient fait moins d’entrées (près de 500.000 en 4 semaines) sous Chirac. On peut par contre en déduire que le consensus est acquis sur le caractère barbare du régime.

Le Scrabble, degré zéro de l'illustration?

Domaine technique et immatériel, l’économie apparaît comme un univers particulièrement difficile à mettre en images. Forcée d’illustrer coûte que coûte des situations abstraites, la presse n’a à sa disposition qu’un répertoire visuel particulièrement étroit, composé pour l’essentiel de graphiques, d’écrans d’ordinateurs, de pièces et billets ou de facepalm.

Au vu des dernières tentatives de l’AFP pour fournir un matériel figuratif à la crise de la dette, sous forme d’assemblages de lettres de Scrabble (voir ci-dessus, photo Thomas Coex), il est grand temps d’ouvrir un concours photographique pour renouveler un imaginaire visiblement épuisé.

Que la force soit avec le boson de Higgs

On attend pour mardi la présentation des derniers travaux des physiciens du LHC et l’annonce possible de l’observation du boson de Higgs, événement scientifique majeur. Anticipant sur cette découverte, le journalisme de vulgarisation s’enthousiasme: «La Force de Star Wars pourrait bientôt livrer ses secrets

Au comble de l’excitation, François Léger explique dans le Reviewer: «Le boson de Higgs est un peu l’équivalent de la Force dans Star Wars, et sa présence reste théorique depuis près de 50 ans. En gros, le boson serait le vecteur d’un champ de Higgs, qui donnerait aux particules une masse. Sans lui, rien ne pourrait exister. Dans Star Wars, le boson de Higgs serait un Jedi par rapport à la Force. On appelle aussi le boson de Higgs « la particule de Dieu ».»

Comme personne ne sait très bien comment marche la Force imaginée par George Lucas, il n’est pas certain que cette mention à vocation pédagogique contribue véritablement à éclairer le lecteur. Eric Randall, dans The Atlantic Wire, raillait déjà l’omniprésence de la référence à la saga la plus rentable du cinéma dans les annonces scientifiques (encore sollicitée récemment à propos de la découverte d’un système à deux soleils, immédiatement rebaptisé Tatooine). Il est temps de renouveler le répertoire, comme Michel de Pracontal, qui renvoie plutôt à Inception (Christopher Nolan, 2010) pour expliquer des essais de contrôle du processus onirique.

Des jambes de prostituées

La prostitution est un sujet complexe qui soulève les passions. Pour les magazines, il présente aussi l’avantage de pouvoir servir d’alibi à une iconographie attractive. Exemple avec la dernière tribune abolitionniste publiée par Jarod Barry, que Slate.fr intitule drôlement « Regardons la prostitution telle qu’elle est« . Une bien jolie photo décore cet article, de jambes nues sur un lit aux coussins rouges, sagement légendées: « Des prostituées roumaines en Allemagne, en 2009 » (Reuters, Hannibal Hanschke).

On peut se rincer l’oeil sans honte, puisque ces belles gambettes sont des jambes de prostituées – information visuelle issue d’un reportage précisément situé dont la nature documentaire garantie autorise un usage sans arrière-pensées. Accessoirement, cette illustration choisie pour exciter l’imagination contredit quelque peu le propos de l’article. Supprimer la prostitution? Mais que restera-t-il pour émoustiller légitimement le bon père de famille lecteur de Slate?

MàJ: Patrick Peccatte me signale que cette photo sexy a déjà servi à plusieurs reprises, notamment pour illustrer des articles sur les maisons closes, le sexe low cost, ou le porn business

Influence de la fréquentation sur le consensus critique

Discussion l’autre jour à La Grande Table (France-Culture) avec Alain Kruger et Pascal Ory, consacrée au succès d’Intouchables. La comparaison avec le Tintin de Spielberg, diffusé simultanément, s’impose d’elle même dans la conversation. Sans qu’aucun des participants ne s’appesantisse sur le sujet, il me semble que le consensus critique sur Le Secret de la Licorne, qui ne me paraissait pas encore établi il y a 3 semaines, est maintenant fixé – de façon négative.

Les mêmes intervenants ayant participé à une émission de commentaire du Spielberg peu après son lancement, on pourra utilement comparer les avis exprimés. Quoique cet échantillon n’ait aucune valeur représentative, il paraît logique de déduire de l’évolution du jugement critique l’influence primordiale de la fréquentation du film – qui s’est définitivement effondrée en 5e semaine, tombant à 138.000 spectateurs, chute spectaculaire pour un film ayant débuté à 3.158.318 entrées (927.520 en 2e semaine, 650.052 en 3e semaine, 271.343 en 4e semaine). L’hypothèse conclusive peut donc être formulée comme suit: pour un film populaire, le consensus critique s’établit principalement à partir de l’observation a posteriori de sa réception publique. L’évolution de la discussion critique à propos d’Intouchables, dont la courbe de fréquentation est inverse, corrobore d’une autre façon le même constat (lire à ce sujet la réflexion développée d’Olivier Beuvelet).