Self-made nécro

28 février. Apprendre la mort d’Annie Girardot par un signalement sur Facebook. Aller sur Wikipédia pour se remémorer sa filmographie, redécouvrir des pans inconnus de sa carrière. Visionner quelques extraits de films et interviews sur YouTube, tomber sur une chanson très société du spectacle. Search et ressources encyclopédiques font mieux que le sujet du JT du soir. Souvenirs en forme d’hommage, nécro self-made en 2011.

Le bio ne se dévore pas des yeux

Complément à la discussion sur l’imagerie alimentaire, esquissée ici. Alors qu’une visualisation généreuse nous paraît indispensable pour éveiller le désir dans le cas de l’aliment industriel, le produit bio adopte au contraire une stratégie de restriction visuelle, marquée par le rétrécissement voire la disparition de tout appel photographique, au profit d’un design volontairement appauvri ou « primitivisé ».

Le produit bio se mérite. Il faut manifester son austérité militante, gage de sa qualité. D’où la disparition de la photo dans son rôle traditionnel de figuration du produit, comme si la fonction même de représentation visuelle trahissait une contamination avec le gaspillage consumériste. Pour un produit tout aussi industriel et tout aussi marketé (mais sans pesticides), écarter la séduction de l’image, c’est suggérer que le produit se défend par ses seules qualités, en refusant la tricherie des apparences. L’absence d’image est encore une image.

L'art, c'est toujours un peu la même chose

Gros buzz sur les surimpressions de photos amateur de sites touristiques par Corinne Vionnet. Dont le principe confirme chacun dans l’idée que le touriste est un abruti dépourvu de toute imagination, qui ne fait que reproduire à l’identique ce qui existe déjà en cartes postales, ce qui est bien bête.

Mais où est la bêtise? Dans le fait d’ignorer que la construction des images du tourisme est un processus commencé il y a quelques siècles par les peintres et les graveurs, qui ont établi avant tout le monde les images de référence des sites? Dans la méconnaissance du mécanisme de l’appropriation qui permet à chacun de nous de transformer en expérience personnelle un spectacle institutionnalisé? Dans l’inconscience du caractère inédit du partage en ligne de ces images, qui crée de nouvelles circulations et de nouveaux usages? Ou bien dans l’oubli du caractère finalement très banal et très paternaliste des opérations de récupération par le Fine Art des productions industrielles ou amateurs, considérées comme un vulgaire matériau transcendé par le regard de l’artiste?

Peut-on vendre sur papier sans s'afficher en ligne?

Confirmation par sondage express à partir de l’échantillon Gunthert: Boulet (Gilles Roussel) est un nouveau grand de la BD! Déjà qu’on ne pouvait pas attendre pour acheter le cinquième volume de Notes, fraîchement paru (« Quelques minutes avant la fin du monde« , éd. Delcourt). Mais depuis qu’on l’a, c’est pire: on n’arrête pas de se le piquer, les gosses et moi, il a fallu instaurer un tour de lecture pour ne pas pourrir le week-end.

L’inventivité, le dessin, l’humour, l’auto-dérision: tout est parfait chez Boulet. Mais à ces qualités classiques s’ajoute un trait qui mérite qu’on s’y attarde: depuis l’origine, l’auteur partage ses Notes graphiques sur son blog, Bouletcorp – c’est là que je les ai découvertes en 2005.

Un tel exemple a de quoi rassurer tous les éditeurs inquiets de la concurrence web/papier. Non, le codex n’est pas redondant avec la lecture sur écran: il redonne du volume à l’œuvre, il en permet une consultation plus souple et une lecture plus confortable, il offre le plaisir de la possession. Les deux médias s’épaulent et se confortent. Ce qu’on a aimé en ligne, on l’aimera plus encore sur papier.

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Le contraire de la photo, c'est encore de la photo

Le photographe Olivier Aubert critiquait récemment sur Acrimed une couverture du magazine Politis, dénonçant le recours aux banques d’images et à la logique du « low cost« . Même s’il ne prenait pas la peine de le préciser, le lecteur comprenait bien que, du haut de la noblesse du reportage et de la photographie d’information, de telles pratiques bassement illustratives ne pouvaient que susciter le mépris.

Voici maintenant une image passionnante: le visage grimaçant de Sylvio Berlusconi, choisi aujourd’hui par LeMonde.fr pour illustrer un nouvel épisode de la déchéance du cavaliere: sa comparution immédiate en procès pour abus de pouvoir et relations sexuelles avec une prostituée mineure (voir ci-dessus). Patrick Peccatte, qui avait déjà étudié  l’étape précédente du calvaire, sous la forme classique du facepalm, me signale que cette photo de l’Associated Press a déjà été utilisée par les Canadiens, plus rapides à la détente.

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Pour la révolution, tapez 1

L’image du jour n’est pas un extrait de la poussive émission présidentielle, mais la capture au Blackberry tweetée hier soir par le journaliste Nicolas Cori d’un brouillon d’éditorial pour Libération, avec cette légende: «Prévoyant, Joffrin avait fait deux éditos sur Moubarak. Voici celui qui va à la poubelle» (voir ci-dessus, cliquer pour agrandir).

On peut y lire l’annonce enthousiaste de ce qui se serait passé si le dictateur avait été démis hier soir: «Et de deux! Avec un courage hors du commun, le peuple égyptien a obtenu en dix-sept jours la chute d’un homme qui avait gardé le pouvoir près de trente ans. Les agressions des nervis, les intrigues de palais, les atermoiments de la nomenklatura militaire n’y ont rien fait. Le tyran a cédé. L’Egypte a gagné. Victoire!»…

La comparaison avec le texte publié ce matin permet de comprendre ce qui fonde l’exercice de l’éditorial, vigie qui surplombe l’actualité et indique les enjeux à venir. Pour le futur ex-directeur Laurent Joffrin, la faculté d’élaborer deux réalités imaginaires opposées résulte des contraintes pratiques du bouclage. Mais on ne peut qu’admirer cette illustration du journalisme comme il se fait, qui sait mettre chiffres et dates au service d’une capacité d’interprétation à proprement parler fabuleuse.

Une photo qui ne veut visiblement rien dire

A Culture Visuelle, nous avons pris la (mauvaise) habitude d’interpréter le surmoi médiatique à partir des messages cachés dans l’illustration. Mais si l’on essaie de décrypter le regard franc et le bon sourire du portrait choisi pour la promotion du nouveau directeur de la rédaction de Libération (ci-dessus, cliquer pour agrandir), ce qui frappe le plus est l’impression de neutralité affichée – également soulignée par les titres.

Au moment où les allées et venues du mercato agitent quotidiens en magazines, la venue de l’ex-animateur de la matinale de France-Inter, dont on sait qu’elle trouble les meilleurs esprits, est visiblement traitée avec des pincettes, sans mot de trop ni sourire qui en dirait trop long. A moins qu’il ne faille interpréter l’origine de la prise de vue reprise par les deux journaux (par Miguel Médina/AFP, le 6 septembre 2009 sur le plateau de C Politique sur France 5) comme le rappel discret de l’ADN audiovisuel du nouveau dirlo.

Mieux vaut être riche et bien portant…

Le site « Photos non contractuelles » a été signalé récemment par plusieurs de mes contacts. Celui-ci déclare recenser «les pires différences que l’on peut observer entre les publicités et la réalité» et appelle ses lecteurs à lui faire parvenir des photos.

«La ruine de la théorie indicielle», commente ironiquement un ami. Ce qui n’est qu’à moitié vrai, car si l’illustration de gauche est en effet supposée menteuse, la photo de droite a bien pour mission de rétablir la vérité en dévoilant l’image réelle du produit.

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Metaconversations

L’équipe des blogueurs animateurs de Culture Visuelle entretient également des liens étroits sur Facebook. Ce qui explique le peu d’usage du réseau social de la plate-forme, qui apparaît superflu. Mais cette situation permet aussi d’observer de plus près la fameuse articulation blogs/réseaux sociaux (habituellement interprétée sur le mode du « ceci tuera cela« ). Il arrive souvent qu’un billet génère deux conversations parallèles, l’une sous la forme habituelle des commentaires sur le blog, l’autre à partir du signalement effectué sur Facebook.

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