Carnet de campagne

Se faire un film

A l’occasion de la sortie du film Sur la piste du Marsupilami d’Alain Chabat, qui suscite des avis divergents, je remarque cette introduction par Guillaume Defare sur le Plus. Qu’un film soit rêvé avant d’être vu est un ressort crucial de sa prosécogénie, mais il est rare qu’on raconte sa représentation intime, effacée par la confrontation avec l’œuvre. La formule de clôture résume magnifiquement le but du travail imaginaire de la promotion cinématographique. Accessoirement, ce témoignage montre l’inadéquation du terme de « réception », puisqu’il s’agit bien ici d’anticipation, et plus encore, de participation au travail du film (tout ce à côté de quoi Jacques Aumont est systématiquement passé).

«Ça fait longtemps que j’attendais ce « Marsupilami » par Alain Chabat. J’en ai pensé un peu tout et son contraire avant sa sortie: d’abord, j’ai eu peur du syndrome « Astérix au jeux Olympiques », puis je me suis rassuré en me disant que Chabat avait tout de même réalisé la meilleur adaptation de BD franco-belge avec « Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre » (le « Tintin » de Spielberg ne compte pas, n’étant pas vraiment un film live).

Puis, j’ai frémi d’angoisse en repensant à « Rrrrrrr » qui était quand même sacrément nul, et je me suis rassuré en me disant que ce n’était qu’un accident de parcours. Ensuite, je me suis demandé pourquoi ne pas plutôt adapter « Spirou et Fantasio », la BD d’origine du Marsupilami. Enfin, j’ai eu peur pour le visuel du Marsupilami en lui-même, avant d’être rassuré par les petits génies de BUF, la société qui a pris en charge les effets spéciaux du film. Bref, je ne savais pas trop ce que j’allais voir, mais j’avais sacrément envie de le voir.»

Guillaume Defare, « Sur la piste du Marsupilami: à laisser aux tout petits! » 07/04/2012.

Un changement de statut absolu

«Les femmes ont connu une aventure humaine incroyable depuis cinquante ans, un changement de statut absolu. Or, je ne vois pas comment les femmes peuvent changer sans changer les hommes… Est-ce que l’on va continuer à dire que les femmes sont formidables et qu’elles vont gérer la société en laissant aux garçons la bière et le foot? Continuer ainsi, c’est transformer le féminisme en un nouveau sexisme. Or, combattre un groupe sexiste par un autre groupe sexiste n’est pas un progrès. Il me semble plus intéressant de réfléchir au nouveau statut des hommes. L’ancien statut reposait sur la violence, celle du quotidien ou celle des guerres. L’homme devait être violent pour être prêt à se défendre et défendre les siens. Aujourd’hui, la violence n’est plus une vertu masculine. Dans notre culture, elle est devenue un outil de destruction. Du couple, de la famille et des hommes eux-mêmes. Du coup, l’«héroïsation» des hommes n’a plus de sens. D’ailleurs, c’était une mauvaise affaire pour les femmes, parce qu’elle légitimait leur domination. D’où la nécessité, après le féminisme, d’inventer le « masculinisme ».»

(Montage d’un visuel de la campagne de promotion du football féminin par la FFF avec une citation de Boris Cyrulnik piquée chez Olympe et le plafond de verre…)

MàJ: lire chez Kalista, « Un clou chasse l’autre« , Journal en noir et blanc, 25/09/2010.

Libé n'aime pas les bavures

A Libération, il n’y a pas que les photographies qui sont retouchées. Comme nous l’apprend le dessinateur Patrice Killofer sur son compte Facebook, l’illustration publiée aujourd’hui en Une du quotidien a été corrigée. La bave aux lèvres a été ôtée et le rictus a été atténué, ce qui confère au dessin un aspect plus politiquement correct. La bave étant notoirement associée aux caricatures de Le Pen, la version originale (ci-dessus, à gauche) avait pourtant le mérite de souligner le dérapage du chef de l’Etat. Mais le journal de Laurent Joffrin a préféré effacer cette allusion gênante.

Flickr agrandit son format standard

Mise à jour d’importance de l’interface de Flickr. Pour la première fois depuis 2004, le format standard de présentation des photos s’agrandit, passant de 500 px à 640 px: un nouveau format, /sizes/z/, qui s’ajoute à la série des réductions automatiques produites au moment du téléchargement (1024, 640, 500, 240, 100, 75 px). Un bouton loupe permet en outre d’ouvrir directement une fenêtre au format 1024 px sur fond anthracite, qui témoigne du souhait d’améliorer le confort de consultation.

Cette modification permet à Flickr de rattraper son retard sur les formats de visualisation de Youtube (640 px) ou de Facebook (720 px). Contrairement à Facebook, qui n’a pas procédé à l’agrandissement des photos téléchargées à l’ancien format (600 px en 2009), Flickr effectue progressivement la conversion en remontant des photos récentes vers les plus anciennes.

Une disposition améliorée des fonctions et des informations autour de l’image (avec notamment l’introduction du menu « Actions ») complète cette évolution. On notera l’apparition au dessous du choix d’attribution des licences Creative Commons d’un bouton « Want to license your photos through Getty Images?« , qui devient donc un choix par défaut pour n’importe quel contenu. Un tournant dans la philosophie de la plate-forme, qui la redéfinit comme un acteur de l’industrie des contenus visuels.

Jean-François Leroy donne son avis sur Twitter

Longtemps après les débuts du contentieux (décrit par Gilles Klein sur Arrêt sur images le 10 mai dernier), Le Monde se penche à son tour sur le procès qui oppose le photographe haïtien Daniel Morel et l’AFP à propos des conditions d’exploitation de la plus fameuse icône du tremblement de terre du 12 janvier (voir ci-contre).

On se souvient que, dans le chaos des premières heures, l’AFP avait commercialisé un peu vite une photo mise en ligne sur Twitpic, en l’attribuant faussement à Lisandro Suero. Face au refus de l’agence de lui octroyer un paiement, Daniel Morel fait monter les enchères par avocat interposé, ce qui lui vaut d’être à son tour attaqué par l’AFP pour « revendication de droits abusive ».

Après un résumé sommaire, sans illustration, l’article du Monde se clôt bizarrement par une mise en cause de Flickr, dont on se demande ce qu’elle vient faire ici: «Le cas de M. Morel n’est pas isolé. Sur Internet, les sites de partage d’image comme Flickr, alimentés surtout par des amateurs peu soucieux de leurs droits, ont favorisé la diffusion et la copie effrénée des images. Face à ce flot, pressés par les délais de bouclage et par la concurrence, les médias sont devenus moins regardants sur leurs sources».

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Le musée d’Orsay interdit les photos

«Il n’y a pas longtemps, le Louvre s’y était essayé. En vain. Après avoir interdit durant quelques mois toutes photos dans la partie la plus visitée du palais, le musée y avait renoncé. Par impossibilité de faire appliquer la mesure. D’un point de vue humain, les gardiens devenaient fous à courir après tout le monde, comme d’un point de vue technologique, chaque téléphone portable comportant désormais un appareil photo. Le musée d’Orsay argue du même prétexte pour éradiquer ce geste ô combien contemporain: des problèmes de circulation dus aux prises de vue des visiteurs. Phénomène d’embouteillage qui ne gêne plus du tout la direction du musée dans les espaces d’exposition temporaire à succès où pourtant la photo, de manière constante, est interdite. Là, aucune mesure n’est prise et il devient infernal, compte tenu de la densité de la foule, de visiter ce type d’exposition.»

Par Bernard Hasquenoph, Louvre pour tous, 11/06/2010
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La science qui se fait (sur Facebook)

Illustration du billet d’Olivier Ertzscheid « Pourquoi je suis « ami » avec mes étudiants » (Affordance.info, 31/03/2010) à propos des nouvelles médiations de l’activité scientifique sur les réseaux sociaux. Après avoir présenté hier soir en séminaire une nouvelle théorie du succès social des récits, je reproduis ce matin sur Facebook une photo du cours qui me représente sur fond de Powerpoint (ci-contre).

Cédant à un réflexe typique, un de mes friends recherche sur Google le terme étrange qui apparaît sur l’écran, et découvre que « prosécogénie » (qualité de ce qui suscite l’attention) n’a aucune occurrence. Pour lui expliquer sommairement ce néologisme, je résume en commentaire: «Comme les espèces biologiques sont en compétition pour le partage des ressources, les récits sont en concurrence sur le marché de l’attention. La sélection des récits s’effectue donc en fonction de leur prosécogénie, ou capacité à susciter l’attention».

Il n’en fallait pas plus à Olivier pour épingler sans délai cette citation sur son wall – mention qui provoque une nouvelle discussion sur les mérites de la métaphore et la dangerosité des modèles biologiques en sciences humaines. Ce qui fait qu’une théorie dont il n’existe qu’une trace photographique et un résumé en commentaire a déjà été citée et discutée sur Facebook avant même d’avoir été rédigée. Pendant que l’AERES s’échine à classer et à compter les publications, la réactivité des réseaux favorise le «déplacement de la médiation» qu’évoquait Olivier.

Post-scriptum. Toujours sur Facebook, Patrick Peccatte me signale que je me suis trompé dans ma graphie, qui devrait s’écrire « proséchogénie » (la graphie exacte du terme grec signifiant « attention » étant par ailleurs: « prosochè »). Le fait qu’elle ait commencé à circuler sous cette forme va-t-il m’obliger à conserver la graphie fautive? A suivre…

PPS. Une proposition de définition

France-Inter, fini de rire

Dire « j’encule Sarkozy » n’est pas du meilleur goût. Mais saisir illico ce prétexte pour signifier son congé à l’auteur de la saillie est franchement dégueulasse. Didier Porte n’avait pas fait dans la dentelle dans sa chronique du 20 mai dernier. Mais faut-il que nous vivions dans une démocratie malade pour que l’offense d’un humoriste au chef de l’Etat débonde aussitôt la peur et l’autocensure? Sur France-Inter, l’humour sera désormais cul serré. On est prié de rire au claquement de bottes. La station n’était pas gaie, elle sera sinistre. A l’image de son directeur, qui sursaute dès qu’on ouvre un Carambar. L’exécuteur de Siné avait été nommé directement par Sarkozy. De bons esprits s’étaient demandé ce que ça changerait. Ils ont maintenant la réponse. Il ne manque plus que de reboulonner le sigle ORTF.

Test comparatif: Culture Visuelle contre Arrêt sur images

A ma gauche, Olivier Beuvelet: une analyse comparative argumentée, appuyée sur une théorie des usages visuels du journalisme, le 4 juin. A ma droite, Alain Korkos: le rapprochement de deux images, à peine commenté, le 5 juin. L’abonnement au premier site est gratuit, le second est payant. Choisissez votre camp!