Jeune étudiant, mon premier vrai métier a été celui de secrétaire de rédaction pigiste à la Comédie-Française, où je secondais Jean-Loup Rivière dans la publication des organes maison. J’ai eu la chance d’y travailler en étroite collaboration avec le graphiste Jacques Douin, connu notamment pour ses couvertures de la collection J’ai Lu.
Je garde le souvenir très précis du jour où j’ai compris ce qu’était une illustration. C’était en 1986, nous préparions le numéro de la Gazette du Français consacré à la présentation de la saison suivante. Parmi les photos de scène, un portrait par Enguerand de Roland Bertin dans son costume de mamamouchi (Le Bourgeois gentilhomme, mise en scène de Jean-Luc Boutté).
Photoshop n’existait pas, la maquette se faisait encore à la colle et aux ciseaux. Et je revois maître Jacques, armé d’un pot de gouache blanche, repasser avec soin sur les contours de l’énorme chapeau, puis masquer le bas de la photographie. Faire apparaître une autre image, dessinée par son imagination, qui n’existait pas la minute d’avant.
Comme toutes les publications, la forme achevée de la couverture montre cette image tout en masquant le travail d’invention qui la crée. Pour l’apercevoir, il fallait être dans l’atelier, un soir de printemps, et regarder silencieusement la naissance d’une illustration.
(Extrait de la présentation, « Outils et problématiques de recherche« , masterclass Lhivic-Paroles d’images, 22/01/2010).