Haïti: dès le début, un flot d’images. Pourtant, pour la première fois, la thématique de la production visuelle par les amateurs n’a pas fait recette (on a plutôt observé le développement d’une critique interne de l’usage médiatique des documents de provenance privée, qui signifiait à sa manière que cette catégorie était réintégrée parmi les sources « normales », qu’il appartient au journaliste de gérer). On percevait déjà un affaiblissement de ce récit lors des manifestations iraniennes de juin 2009, largement balancé par la curiosité pour un autre phénomène médiatique: la circulation des informations via Twitter.
Comme je l’indiquais en décrivant l’une des principales étapes de la fondation de ce récit, celle des attentats de Londres de 2005, il est désormais clair que « l’intrusion des amateurs » est une mythologie, une construction médiatique, qui débute avec Abou Ghraib et se clôt avec Neda.
J’ai tenu sans le savoir la chronique de ce métarécit, depuis ses origines. L’histoire n’est pas fonction de l’éloignement dans le temps, elle apparaît à l’instant où un phénomène cesse d’appartenir au présent. Ou plus précisément: on peut commencer à faire de l’histoire dès qu’un métarécit se périme. Dans cette période d’extraordinaire accélération de la production des récits, nous ne cessons de produire de l’histoire, nous fabriquons du passé à cent à l’heure.
la « fabrication du passé à cent à l’heure » nous immobilise alors dans un présent perpétuel où la mémoire des faits disparait aussi à cent à l’heure…..
…D’où l’utilité des historiens, archivistes et autres conservateurs de la mémoire 😉
Et on ne revient pas à la notion du « circulez, y’a plus rien à voir » ?
Classer et archiver les images suivant un mode bibliothécaire, éloigne l’événement dans le passé, n’est-ce pas ? « Garder la mémoire, c’est méditer l’oubli » : toujours d’actualité.
La production des métarécits est le résultat d’un processus collectif genéralement involontaire, qui ne peut apparaître qu’à la faveur d’une nouvelle médiation. Il faut des archivistes pour conserver les traces de ces processus, et des historiens pour en reconstituer la trame. Je ne crois pas qu’on puisse dire de mon séminaire qu’il soit gouverné par l’impératif du « circulez, y’a plus rien à voir ». Plutôt par celui du « regardons à nouveau ce que nous n’avions pas aperçu ».
Oui. Totalement d’accord, je suis témoin de cette ligne de temps du séminaire et du mythe de l’amateur, terme qui devient davantage daté. Il me semble que ce n’est pas évident de faire une ligne de temps des métarécits… affaire à suivre, non?
André Gunthert Says:
« Haïti: dès le début, un flot d’images. Pourtant, pour la première fois, la thématique de la production visuelle par les amateurs n’a pas fait recette…./…
il est désormais clair que « l’intrusion des amateurs » est une mythologie, une construction médiatique, qui débute avec Abou Ghraib et se clôt avec Neda. »
N’est-ce pas tout simplement la démonstration que pour qu’il y ait « l’intrusion des amateurs », encore faudrait-il qu’il y ait des amateurs équipés d’outils vidéo ?
Ne serait-ce pas plutôt qu’à l’inverse de la Thaïlande pendant le Tsunami, Haïti n’est pas une destination touristique d’une part et que d’autre part, le taux d’équipement des Haïtiens en téléphones portables offrant la fonction vidéo est très faible ?