Zahia, ou le remords du journalisme lol

C’est probablement parce que le spectacle footballistique n’est pas mon passe-temps favori que je n’ai d’abord accordé qu’une attention distraite à l’affaire Zahia D. Jusqu’au jour où j’ai lu l’article que lui consacrait Vincent Glad sur Slate.fr. Etoile montante du journalisme en ligne, Vincent est un ami dont j’admire le talent et l’esprit. Outre la pertinence de son expertise webistique, ses fans apprécient son ironie volontiers mordante et son art du second degré.

C’est pourquoi j’ai été quelque peu surpris de lire sous sa plume le constat désabusé de la mèmification de Zahia, où semblait se nicher comme un regret de l’emballement médiatique. Etait-ce bien mon Vincent, jamais assez vif contre les contempteurs de l’exposition online et autres adeptes du pour-vivre-heureux-vivons-cachés, qui citait ici Nathalie Kosciusko-Morizet? Comme un remords, plutôt qu’une image de l’accorte jeune femme, l’illustration du billet affichait le « coup de boule » de Zidane – ce qui a certainement détourné bien des lecteurs de Slate de la lecture de l’article.

Continuer la lecture de Zahia, ou le remords du journalisme lol

Mise en ligne de cours: l'image toujours à la traîne

Constat: malgré tout notre outillage électronique et toutes les promesses du web 2.0, mettre en ligne la version multimédia d’un cours illustré reste la croix et la bannière.

Depuis deux ans, nous avons testé au Lhivic diverses solutions. L’enregistrement vidéo présente des défauts importants: le son laisse généralement à désirer et l’éclairage est problématique en cas de projection. Il faut choisir entre voir le conférencier ou son diaporama. On peut remédier à ce défaut en post-production, en récupérant le Powerpoint projeté, mais le travail de montage requiert alors plusieurs heures. Si l’on ajoute la durée non négligeable de la compression et du téléchargement, il faut compter au moins une journée pour diffuser une version correcte d’un séminaire d’une heure ou deux.

Continuer la lecture de Mise en ligne de cours: l'image toujours à la traîne

Conversation "La photographie vue par les blogs"

Dans le cadre des conversations proposées par la Fondation Henri Cartier-Bresson, Sam Stourdzé m’a invité à débattre avec deux prestigieux blogueurs: Rémi Coignet (Des Livres et des photos) et Marc Lenot (Lunettes rouges), tous deux hébergés sur la plate forme du Monde.fr, sur le thème: “Quelle critique pour la photographie? La photographie vue par les blogs”. Premier sujet de controverse: sous-domaine ou sous-dossier? Le mercredi 2 juin de 18h30 à 20h (Fondation HCB, 2, impasse Lebouis, Paris 14e. Réservation contact(à)henricartierbresson.org).

Laissez parler les photos

A quoi sert la photo dans la presse? Dominique Strauss-Kahn apparaît comme le favori socialiste des sondages pour 2012. Une côte suffisamment élevée pour inquiéter le Figaro.fr. Pendant qu’un papier intitulé « La candidature DSK à l’épreuve de la crise » aligne quelques arguments rationnels, la photo d’illustration tape sous la ceinture. Le portrait du patron du FMI le montre le regard fuyant, un œil globuleux, l’autre éteint, la joue tachée, le menton luisant (photo AFP). Pas vraiment une photo de vainqueur. Mais qui apporte de façon subliminale la réponse à la question. DSK peut-il gagner en 2012? Mais non, regarde comme il est vieux et décati! Le journalisme visuel ou l’art de la suggestion.

Laisser des traces

Discuté aujourd’hui avec Christian Ingrao de nos pratiques automémorielles respectives. En historiens accoutumés à l’apport crucial pour nos travaux des correspondances privées, c’est avec préoccupation que nous observons la désintégration de cette ressource, menacée par l’entropie que génère l’usage de la palette de plus en plus étendue de nos outils de communication (e-mail, SMS, chat, messagerie de réseau social, forum, commentaires, etc.).

Face à cette évolution, nous avons opté pour des stratégies diamétralement opposées, mais qui témoignent chacune à sa manière de notre souci de préserver des traces de l’activité personnelle. Christian a choisi d’archiver systématiquement ses e-mails (il a même tenté, si j’ai bien compris, d’archiver ses SMS) – soit quelque 80.000 messages à ce jour.

Continuer la lecture de Laisser des traces

Seul… ou presque

Chronique du mensonge ordinaire (suite). A l’occasion de la sortie du film Comme les cinq doigts de la main, d’Alexandre Arcady, le dernier numéro de Paris-Match propose un entretien biographique avec Patrick Bruel, illustré de photos de Floriana Pasquier qui peignent l’acteur en aventurier au cours d’un séjour en Namibie, où il est allé «se ressourcer» (n° 2533, 29 avril 2010).

Se détachant sur un magnifique décor montagneux, seul, les yeux fermés, les bras en croix, Bruel incarne la communion avec la nature vierge, «loin de tout et proche de soi». Une très belle image – dont la magie ne fonctionne que si l’on oublie l’opératrice, juchée sur un promontoire, au-dessus du comédien, pour créer cette vue en plongée qui inscrit son corps sur la majestueuse perspective des reliefs étendus jusqu’à l’horizon.

Nul doute que Bruel a bien été faire son trekking en Namibie. Et pourtant, voici un portrait qui, sans la moindre retouche, est à proprement parler une fiction. Non pas un instantané pris sur le vif au moment où le comédien inspire l’air pur, mais une reconstitution pour la prise de vue, habilement cadrée pour suggérer cette impression de solitude aventureuse – par une photographe de l’agence H&K, consacrée au people chic, spécialement dépêchée dans l’autre hémisphère pour réaliser ce publi–reportage qui a coûté bonbon. Une mise en scène qui repose sur cette caractéristique essentielle de la photographie: se faire oublier comme dispositif.