Lorsque les parents parlent de leurs ados, on dirait qu’ils ne voient que leurs mauvaises manières. Leur repli, leurs jeux, leurs codes. Et bien sûr internet, Facebook, les mobiles, tous ces outils qu’ils maîtrisent si bien, ces instruments d’inculture et d’entre-soi derrière lesquels ils s’abritent et dont nous sommes exclus (( Cf. par exemple le dossier « Nos enfants et la culture », Télérama n° 3247, 7 avril 2012, p. 22-28.)).
Une fois n’est pas coutume, je vais faire la promo du travail vidéo de Charles et Louis, 14 ans (x 2), qui montre l’autre versant de la génération YouTube, et combien la culture audiovisuelle dote les enfants d’aujourd’hui de formidables atouts.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=C6LK2RJZAIk[/youtube]
Charles et Louis font des films depuis l’âge de 10 ans. Ce qui a commencé comme un jeu est progressivement devenu une activité de loisir très structurée. Il y a deux ans, ils ont demandé en cadeau de Noël le logiciel d’effets spéciaux After Effects, dont ils ont appris seuls le maniement. Le Noël d’après, une caméra HD avec un pied et de bons micros. Depuis juillet dernier, ils se sont lancés avec un ami dans la production régulière de podcasts, sur le modèle popularisé par Norman Thavaud. Scénario, tournage, postproduction et mise en ligne sont effectués de manière totalement indépendante, sans un regard d’adulte. Je ne découvre le résultat qu’une fois la vidéo achevée (chaîne Yassine et Charly, voir ci-dessus).
C’est peu dire que je suis épaté par leur production. On y retrouve bien sûr des références structurantes, au premier rang desquelles Boulet ou Norman. Mais aussi une réutilisation imaginative de leur patrimoine culturel, une maîtrise remarquable des codes visuels, et un humour et une originalité d’autant plus marqués qu’ils s’expriment librement, dans leur environnement amical.
Je ne crois pas que j’aurais été capable à leur âge de produire un contenu de cette inventivité et de cette qualité. Les longues heures passées devant la télé n’ont visiblement pas été infructueuses. Et tout le réseau tissé par YouTube et Facebook a constitué un ferment et un encouragement constant, en fournissant à cette activité ses espaces d’exposition et de promotion autonomes. Le web n’étant pas le contraire de la vie, mais son prolongement, chaque podcast est aussi un événement social IRL, salué et commenté dans la cour de récréation du collège.
Plutôt que de tenter à toute force, comme nous le conseille Télérama, de rediriger la génération YouTube vers les « bonnes » sources culturelles, nous pourrions regarder ce qu’elle nous montre, et en prendre de la graine.