Saboter Wikipedia, ou l'école vengée

Le succès rencontré par l’expérience du prof qui a « pourri le web » (pour piéger ses élèves, Loys Bonod a disséminé de fausses informations sur le web) a le goût de la vengeance. Il révèle un monde scolaire qui n’a toujours pas assimilé la révolution numérique, et qui continue de percevoir comme une dangereuse concurrence la diffusion non institutionnelle de la culture, dont Wikipédia reste le symbole honni. Humiliés par leur disqualification technique, de nombreux professeurs savourent le retournement des armes du web (anonymat, libre contribution…) contre lui-même, et apprécient comme de justes représailles la compétence digitale du prof justicier.

Le plagiat a bon dos. Proposer des sujets auxquels on peut répondre par le copier-coller témoigne de l’anachronisme des pratiques évaluatives, qui reposent sur des principes issus d’un monde où l’information était rare et son accès contrôlé. Comme le note Damien Babet, «L’école soumet les élèves à des injonctions contradictoires: pensez par vous-même, répétez ce qu’on dit. Prenez des risques, ne vous trompez pas. Apprenez par cœur, ne plagiez jamais. Ces contradictions sont structurelles, inscrites dans les fonctions ambivalentes de l’institution. D’un côté, on impose aux élèves une culture dominante de pure autorité. De l’autre, on leur demande d’entretenir la fiction selon laquelle cette culture est librement choisie, aimée, appréciée comme supérieure par tous.»

Pourrir le web, comme pourrir la vie, l’arme des vaincus. Qui dit en creux à quel point la nouvelle structure de l’information a déjà gagné. Du coup, l’enthousiasme suscité par cet acte de vandalisme culturel dans une partie de la communauté enseignante (contrebalancé, il faut le souligner, par de nombreux témoignages en sens contraire) fait peur. Il ne suffira pas de remettre 60000 emplois dans l’éducation pour modifier son statut de citadelle assiégée. Il faut l’admettre, rien, dans les dynamiques actuelles, ne laisse entrevoir ce qui enrayera le lent suicide de l’école, institution malade de la disparition du contrat républicain.

MàJ: Trois analyses détaillées:

Une mise au point de Loys Bonod:

44 réflexions au sujet de « Saboter Wikipedia, ou l'école vengée »

  1. Je partage votre analyse mais je veux y mettre un bémol ! Je suis enseignant documentaliste et j’appartiens à une profession sinistrée car sans légitimité.

    Moi la question que me pose la réflexion de cet enseignant, c’est qu’est-ce qu’apprennent les élèves aujourd’hui et quels sont les savoirs que l’école doit faire apprendre aux élèves aujourd’hui ?

    Et à un moment, il va falloir dire qu’apprendre relève d’un effort et n’est pas une immanence. Il ne suffit pas d’être sur le web pour apprendre, mais il faut bien commencer par lire. Si le web m’a permis d’apprendre, c’est parce que j’ai en amont une culture que j’ai acquise dans le monde du livre, donné par l’école républicaine. J’ai le même profil que vous et le même que tous ceux qui s’affrontent aujourd’hui autour de cette expérience.

    On voit arriver quelque chose, et on ne sait pas ce qui arrive. On est comme lovecraft devant cette couleur qui tombe du ciel. Bon je poétise et c’est peut être nulle comme analogie, mais comme la plupart des profs, et j’estime être un expert du web, comme la plupart des parents, je ne sais pas comment faire !

  2. Pendant ce temps, des classes de CP apprennent à se servir de ces outils: https://twitter.com/…
    Démarche pédagogique qui a une autre allure que les discours alarmistes sur les dangers de Facebook que les dirigeants d’établissement sont sommés de faire à leurs classes.

  3. On ne peut quand même pas se vanter de piéger des élèves comme méthode pédagogique, si ?

  4. @jadlat: Je cite Bonod: «Sur 65 élèves de Première, 51 élèves – soit plus des trois-quart – ont recopié à des degrés divers ce qu’ils trouvaient sur internet, sans recouper ou vérifier les informations ou réfléchir un tant soit peu aux éléments d’analyses trouvés, croyaient-ils, au hasard du net.»

    Première question: si ces élèves ne « réfléchissent pas » aux éléments d’analyse trouvés, est-ce la faute d’internet, ou de l’enseignement qu’ils (n’)ont (pas) reçu?

    Deuxième question: faut-il considérer que les 14 élèves qui n’ont eu aucune démarche documentaire, et pensaient trouver par la seule mobilisation de leur activité mentale les ressources d’un commentaire pertinent, ont mieux réussi l’exercice que les autres?

  5. Analyse à deux balles. Vous écrivez trop et trop vite M. Gunthert. Quelle suffisance, quel ton condescendant pour les enseignants du secondaire (dont je suis), « humiliés par leur disqualification technique »! Vous croyez à ce que vous dites ? Vous croyez vraiment au mythe des élèves « digital natives », virtuoses de la toile, se jouant des archéoprofs qui en sont restés à la ronéo ? Savez-vous que c’est l’ignorance technique des élèves dans les matières techniques et numériques qui est abyssale ? Le seul point sur lequel on pourrait s’accorder, c’est qu’il faudrait leur donner un solide enseignement dans ce domaine. Ah les « injonctions contradictoires » ! Ca fleure bon le double bind des années 70. Les sociétés, et les interactions humaines en général, sont des tissus d’injonctions contradictoires, – ça n’a jamais empêché personne d’y tracer son chemin. « Proposer des sujets auxquels ont peut répondre par le copier-coller témoigne de l’anachronisme ». Comprenez-vous que les élèves de ce prof seront évalués à la fin de l’année en passant le bac français, qu’ils devront réaliser en temps limité, sans aucun document ni accès au réseau, le type d’exercice que leur prof leur a donné à faire ? Que ce n’est pas leur prof qui a décidé des modalités de l’examen, mais qu’en revanche il est payé pour essayer de les y préparer ? Enfin, j’arrête, chaque phrase est impayable. Un étonnant condensé de prêt-à-penser sur l’école. Vous démontrez que même lorsqu’on ne fait pas consciemment de copier-coller, on en fait quand même. Mais c’était peut-être votre but.

  6. je suis en train de lire cet excellent article de David Monniaux – http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/post/2012/03/22/Un-prof-trolle-ses-eleves-sur-Internet%2C-la-belle-affaire%C2%A0! – cité dans ce texte des clionautes que donne André Gunthert dans cet article

    il dit au final en conclusion ce que je pense fondamentalement

    « Ma principale critique contre l’action de ce professeur est qu’au fond elle n’incite pas les élèves à se poser la vraie question, à savoir celle de la fabrication de l’information et du savoir, de ses mécanismes réels (et non idéalisés). »

  7. @gunthert je partage vos questions ! je vous l’ai dit, je suis d’accord avec vous. Ce que je dis, c’est qu’il faut, à mon avis mettre à jour les savoirs qu fondent notre société et pas rester à la surface des choses.

    Si j’ai parlé de profession sinistrée, c’est qu’une partie dont je fais partie dit qu’il faut travailler autour de la conclusion de David Monniaux dont je viens de parler à savoir un travail sur la matière première qu’est l’information. ELle est sinistre car ce désir n’est partagé par personne, ni par l’institution qui préfère des logiques structurelles, ni par les collègues qui ne pensent qu’à défendre leur pré carré.

  8. Dans la mesure où elle consiste en un piège qui s’appuie sur une anticipation des réactions naturelles des élèves, cette expérience ne vaut rien… L’enseignant se masque et prend un air docte sur des forums pour évoquer un auteur que seule une poignée de spécialsites connaît… les élèves font confiance… c’est très facile et cela ne prouve rien… Voulait-il qu’ils aillent tous à la BNF pour vérifier matériellement les informations ?

    Il est très aisé de toute façon de retrouver des bribes de copies d’élèves sur le net… et je sais par expérience que le recopiage des exercices et autres devoirs, à l’intercours ou pendant les récréations, ainsi que l’intervention des parents ou des grands frères ou grandes soeurs lettré(e)s dans la rédaction des devoirs-maisons, sont plus courants que le pompage de paragraphes ou même de commentaires entiers sur le net… Simplement, Internet est un outil efficace pour retrouver la trace des sources des élèves et être convaincu de l’ampleur du problème… qui n’est pas Internet mais le pompage et le renoncement devant la difficulté de formuler sa propre pensée.

    Le vrai problème c’est la difficulté pour les élèves à être sujet d’une pensée… et le conformisme scolaire rendu tout puissant par le culte de l’évaluation et son rôle social… difficulté qui est à mon avis liée à une immense angoisse du déclassement ou du rejet devant un monde adulte professionnel qui leur paraît très dur et injuste… Il n’y a pas de place pour tout le monde… et ceux qui ont les bons tuyaux (milieu social) s’en sortent mieux…
    C’est dans ce contexte de compétition exacerbée (et l’ère Sarkozy aura vu le triomphe idéologique de l’évaluation et de la compétition…) qu’Internet devient, parmi d’autres, un moyen de trouver des « bons tuyaux » pour ceux qui n’en ont pas par ailleurs…
    Les enfants qui ont une aide humaine à la maison ne vont pas pomper sur Internet… et ils ne se font pas prendre…

    Le problème c’est la triche généralisée due à une peur du rôle ségrégateur de l’évaluation et à un manque de confiance généralisé dans le système éducatif… Les élèves confiants dans leur avenir (et dans l’école) ne trichent pas.

    Internet est une chance extraordinaire pour les élèves, comme pour les enseignants, nous vivons une Renaissance des humanités mais il faut apprendre à en profiter pleinement… et cela passe par un changement de position du professeur qui ne peut plus cacher ses sources et faire comme s’il était « le maître du document » mais doit peut-être lui-même développer sa propre réflexion critique vis-à-vis du système et en faire part aux élèves, en tant que sujet pensant.

    En vertu des lois de la conduction subjective, un professeur critique et sujet de sa pensée formera des élèves critiques et sujets de leur propre pensée qu’ils prendront plaisir à élaborer comme ils le peuvent, un prof mouton et idolâtre de la Culture leur apprendra au mieux à singer l’extase esthétique au pire à répéter des singeries…

    Il faut que le professeur accepte d’être un pont et donc d’être franchi… (Kazantzakis)

    Plutôt que démontrer une évidence « les élèves utilisent les ressources d’internet pour se confronter à l’inconnu », il aurait mieux valu créer avec eux une page d’encyclopédie en ligne ou un blog collaboratif sur ce poète inconnu qu’ils auraient été heureux de faire connaître… Le fait de leur donner accès à la source est plus formateur que de leur rappeler que le professeur est le « maître absolu du document » comme c’est le cas dans cette expérience vengeresse…
    qui ne démontre qu’une chose ; la douce perversité de certains profs… 😉

  9. Ce débat rejoint finalement celui entamé autour de l’usage des outils internet notre pédagogie. Quelque soit le niveau, secondaire ou universitaire, le constat me semble être le même: l’urgence est d’accompagner les élèves dans leur maîtrise de la culture numérique. Car ce que nous enseigne l’école républicaine, c’est finalement une hiérarchie de valeur qui nous permets d’identifier les discours légitimés comme fiables. Le même travail reste à faire sur Internet.

  10. Ce piège tendu sur le web ne démontre en réalité que cet écart de représentations entre l’idée que se font les prescripteurs de savoir et celle de ceux qui, dans leur majorité, la subissent. Internet ne constitue finalement qu’une réponse parmi d’autres pour essayer de faire croire aux premiers qu’on s’intéresse à leurs questions. Alors la question, finalement ce serait plutôt: si les ressources abondantes mais inégales rend fénéants les élèves naturellement peu portés à contester la réalité, que ce soit un prof qui pose des questions d’une autre planète, ou que ce soit un poète qui ne tient pas trop la route ( ici, les deux à la fois). Pour ma part j’ai l’impression que la « révolution numérique » réussit aussi bien à me donner un pouvoir critique normalement réservé à des moines qu’à me faire avaler comme une évidence la pensée la plus réactionnaire. Le paradoxe étant que le réflexe le plus réactionnaire est souvent, très souvent, de penser que la réponse est dans mon petit nuage numérique bien doux, bien confortable.

  11. Il ne faut pas, je crois, oublier qu’il s’agit de la démarche d’un seul enseignant : il n’est pas question pour lui de redéfinir les exercices et la façon dont les élèves en général, les profs en général, voire le système éducatif du monde occidental agissent et suivant quels principes. Il est question pour lui de les préparer au bac de français, puis à leurs études et donc à la rencontre des autres enseignants ; il ne les suivra qu’un an.
    Ce qu’il leur a montré, c’est les règles d’un système dans lequel lui, et eux, sont pris. Un seul prof ne peut pas changer les exercices qui seront proposés au bac…

  12. Dès le titre on sent pointer une forme de « désamour complet » de l’enseignement tel qu’il est pratiqué. Sans revenir là dessus (et le nombre de critiques viables qu’on peut faire) le point de l’exercice c’est justement de leur montrer qu’ils peuvent être trompés par les ressources numériques… autant que par leur prof. Ce n’est pas mettre wikipedia à l’index (ce qui serait tout aussi absurde) mais leur apprendre à être prudents à se poser des questions.

    Justement vous ne comprenez pas que ces deux « exigences » ne sont pas contradictoires: allez chercher les informations mais soyez malins dans votre utilisation, soyez intelligents dans votre capacité à les utiliser les critiquer.

    Et c’est clairement quelque chose de délicat à enseigner au niveau universitaire (alors au niveau du lycée).

    Un peu de nuance vous ferait du bien.

  13. @Cardamome: Comme je le précise explicitement à deux reprises ci-dessus (mais tous les profs ne savent pas forcément lire correctement un texte… 😉 c’est moins l’initiative de Bonod que le succès qu’elle rencontre qui me paraît inquiétant. Avant de me reprocher mon exagération, il serait utile d’aller consulter le détail de commentaires où l’on voit les profs bien contents du bon tour joué à l’ennemi héréditaire… La vengeance de Bonod lui a valu passage immédiat au JT de France 2. Voici comment il décrit lui-même sur son site le « maelström médiatique » (sic) qu’a déclenché son billet:

    «En quelques jours à peine l’article « Comment j’ai pourri le web » a généré des centaines de milliers d’affichages, des dizaines de milliers de « J’aime » sur Facebook, des milliers de tweets. Publié sur Rue89, il a dépassé les 230.000 lectures. Je dois donc vous remercier tous pour l’intérêt que vous avez témoigné pour cette « petite expérience amusante ». La presse en ligne, les radios et même la télévision s’en sont emparés. Comme le standard de mon lycée, qui n’avait rien demandé et à qui je présente mes humbles excuses, j’ai été submergé de mails et de coups de téléphones de journalistes. Des blogs ont reproduit mon article, j’ai reçu des demandes d’autorisation pour le traduire pour l’étranger. Inutile d’énumérer tous les journaux qui ont évoqué ou résumé cet article.»

  14. @Bishop: Voir ma réponse à Cardamome pour ce qui est des nuances. Si l’expérience de Bonod avait visé à apprendre aux élèves à se servir avec intelligence des ressources en ligne, je pense qu’il aurait dû s’y prendre différemment, en les formant à l’enquête, plutôt qu’en truquant les sources.

    Pourquoi enseigner que les ressources en ligne sont plus trompeuses que les ressources pédagogiques officielles ou les outils de vulgarisation traditionnels? Une enquête de la revue scientifique Nature montrait en 2005 que la qualité des articles de Wikipedia est proche de celle de l’Encyclopedia Britannica.

    Il n’y a aucune volonté pédagogique documentaire dans le piège de Bonod (il le dit lui-même: «aucune recherche n’était nécessaire»). Il n’y a qu’une tentative de se rassurer sur les usages de ses élèves, par la maîtrise complète des sources, puisqu’elles sont autoproduites. C’est un fantasme de prof vexé que ses élèves ne passent pas par les fourches caudines de l’institution, les seules légitimes à ses yeux («je ne crois pas du tout à une moralisation possible du numérique à l’école. Et je défends ce paradoxe: on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui»). Puisqu’il ne peut pas les forcer à abandonner ces outils, alors il va manipuler le web pour que celui-ci présente des sources faussées. Ainsi truqué, le web rejoint la vision qu’en a ce professeur: il ne présente aucune légitimité, ses ressources, apparemment inépuisables, sont en réalité fallacieuses. Quant à ses élèves, il leur a prouvé qu’il est plus malin qu’eux, et que le web est une source trompeuse – la démonstration rêvée par tout enseignant mis en difficulté par « la vie moderne », qui replace l’école sur son piédestal. Le paradoxe est que cette démonstration ne repose que sur le trucage préalable des sources et sur un usage déloyal des logiques collaboratives.

    Enseigner l’enquête en ligne aurait demandé au contraire de comprendre le fonctionnement des moteurs de recherche, d’apprendre à multiplier les requêtes, à comparer et à critiquer les sources, à assimiler l’organisation des wikis et les principes contributifs, à faire la différence entre sites commerciaux et sites collaboratifs, etc., etc. Un travail qui aurait certainement plus intéressé (et enrichi) ses élèves qu’une dissertation sur un poème de Charles de Vion d’Alibray – et qui aurait de surcroît démontré la capacité de l’école à maîtriser et à enseigner la nouvelle écologie numérique…

  15. Depuis 2009 j’ai eu l’occasion de donner une séance méthodologique « comment faire de la recherche en ligne » aux étudiants en Master Sciences Po Rennes. Ca continue à m’épater à quelle point ils sont en manque et avides de connaître comment tous ces outils peuvent être si précieux pour la recherche (Twitter, wikis, delicious, diigo, Google Scholar, Google by images,etc.). Ils ne connaissaient même pas Sudoc, et cela n’est pas (que) leur faute.

  16. Marrant !

    Ça me rappelle ma jeunesse lointaine et mes humanités, papier, Gaffiot, crayon. Le bouche à oreille du lycée (qui, aujourd’hui, serait un collège) révélait l’existence de petits opuscules contenant les textes latins traduits, certains même bilingues. On ne les trouvait pas partout, et je pense que c’est à la recherche de ce fruit défendu que j’ai dû pénétrer pour la première fois dans ces temples qu’étaient les librairies du boulevard Saint-Michel. Librairies avantageusement remplacées depuis par des marchands de fringue ou des banques.

    On apprenait beaucoup de choses à cette occasion. La première, en général, c’est que le prof connaissait AUSSI l’existence de ces fascicules, voire en possédait un exemplaire. Ensuite, que la recopie servile n’était pas d’un rendement extraordinaire pour la note et qu’il fallait modifier astucieusement le texte. La possession d’un exemplaire par un petit camarade lui conférait un statut particulier et structurait la classe en diverses camarillas.

    Enfin, certains professeurs savaient calmer les tentations de triche en choisissant soigneusement les extraits de texte à traduire qui s’arrêtaient exactement au début des extraits traduits…

    À titre d’illustration, une édition vétuste des Classiques Hatier.
    http://www.amazon.fr/Cic%C3%A9ron-Catilinaires-Traduites-Jean-Guillon/dp/B0014XO5OE
    J’ai d’ailleurs été longtemps fascinés par les modernisations successives des jaquettes de ces classiques.

  17. @Andre Gunthert: Au sujet de Britannica, elle suit une évolution préoccupante (rédaction d’articles par des non-spécialistes, sans pour autant l’admettre publiquement), voir
    http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/post/2012/03/19/La-transformation-de-l-Encyclop%C3%A6dia-Britannica

    Sinon, je me pose une question. Je lis en ce moment un ouvrage assez épais de théorie de la complexité. J’arrive au chapitre « calcul quantique ». Je me dis que si les auteurs avaient volontairement dit des bêtises sur ce sujet, je ne m’en apercevrais pas… Il y a un moment où il faut faire confiance!

  18. Bonjour,

    Je partage votre analyse, mais une objection me vient à l’esprit : de mon temps (je suis un « vieux » de 30 ans !), le web balbutiait encore, mais ce n’est pas pour cela que le « pompage » n’existait pas : que ce soit sur les potes, sur la « grosse tête » de la classe, sur l’encyclopédie universalis (version papier, bien sûr), qui n’a jamais recopié des paragraphes entiers à la virgule près, en n’y comprenant rien, mais avec la satisfaction d’avoir « fait ses devoirs », qu’importe si on n’a pas réfléchi par soi-même, ce qui compte c’est de rendre une copie ? Je pense qu’au-delà de ce que vous voyez comme une volonté de revanche sur un média qui le dépasserait, ce professeur a avant tout voulu mettre un avant le principal problème du travail scolaire : on demande à l’élève de rendre de la copie, de penser comme le système veut qu’il pense, et très peu de réfléchir par lui-même, ce qui a comme conséquence presque inéluctable, le plagiat, la copie. Je ne sais âs si c’est le but qu’il poursuivait, mais c’est en tout cas celui qu’il a atteint.

  19. « Proposer des sujets auxquels on peut répondre par le copier-coller témoigne de l’anachronisme des pratiques évaluatives, qui reposent sur des principes issus d’un monde où l’information était rare et  »

    Rien que cette phrase prouve que vous n’avez absolument rien compris à la démarche de ce prof. Et cela m’a dispensé d’aller plus loin dans ma lecture. Je lis régulièrement vos écrits, j’ai souvent des désaccords avec vous, mais là, la coupe déborde. En tant que littéraire, je découvre depuis deux ou trois jours que tout un tas de gens diplômés ne sont pas fichus de lire un texte et de comprendre ces véritables enjeux, ni d’avoir la moindre empathie, pour un prof, dont je ne partage pas forcément les idées (concernant en particulier la conclusion qu’il tire de son expérience)mais qui lui au moins sait lire un texte, et essaye de développer l’esprit critique de gamins malléables. Et surtout il expérimente, et il ose remettre en cause la vache sacrée du web et des nouvelles technologies, crime impardonnable pour cette bande de geeks fanatiques qui peuplent la toile. C’est sur en groupe on se sent plus fort, et on fait surtout semblant de ne pas comprendre et on se défoule sur un prof. Mr Gunthert, relisez le texte drôle et très bien écrit de ce prof, et répondez à la question qu’il pose. Et évitez le hors sujet s’il vous plaît. Comme je le disais sur un autre blog, avec une gauche pareille, le système marchand a de très beaux jours devant lui.

  20. @Raskolnikov: «Il ose remettre en cause la vache sacrée du web et des nouvelles technologies, crime impardonnable pour cette bande de geeks fanatiques qui peuplent la toile.» En tant que littéraire et lecteur attentif des textes, il ne vous aura pas échappé que votre formule confirme rigoureusement, jusque dans son excès injurieux, mon analyse.

    Soyez rassuré! La « bande de geeks fanatiques » où vous me rangez ne fait pas la loi au-delà de quelques sites, blogs et wikis. En revanche, le peuple des ministres, éditocrates et responsables de tout poil partage très majoritairement votre sensibilité – et votre agressivité – face aux outils numériques (malédiction venue des USA et du monde marchand…). Ce n’est pas de sitôt que nous verrons les choses bouger…

    Vous exprimez votre désaccord avec moi. Ai-je le droit, sur mon blog, de dire le mien avec l’expérience de ce professeur? Il ne lui est pas venu à l’idée – et à vous non plus – qu’apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes pouvait se faire avec le web, et non pas contre. Alors qu’il reproche à ses élèves de ne pas penser par eux-mêmes, son expérience si ingénieuse est nourrie de préjugés. La meilleure preuve qu’il se trompe, c’est que les siens ne doivent rien au web.

  21. Dans le cas d’un commentaire composé, le recours au web n’était d’aucune utilité. Quand on parle d’un sujet, il faut le connaître. On ne demandait pas aux élèves d’avoir de la documentation, mais de penser. Je vous remercie de me ranger dans les rangs des éditocrates, je suis très touché. mais quand on a un comportement d’animal en meute, je pense qu’on pourrait se dispenser d’une telle comparaison et balayer devant sa porte.
    Je n’ai absolument rien contre les outils numériques et Loys non plus d’ailleurs, il tente juste, à sa manière, peut-être maladroitement de transmettre à ces un de esprit critique, quel réac ! Quel suppot de Finkielkrault ! Haro sur le baudet, jamais vu une telle ordure, qu’on le brûle ! Alors que pendant ce temps des sites humanistes proposent aux élèves des commentaires ineptes (ce n’est pas lui qui a inventé le procédé ce que vous ne semblez pas vouloir comprendre), mais ce n’est pas très grave, puisque vous allez me répondre qu’il faut commenter un texte avec le web.

  22. @Raskolnikov: Je m’interroge sur votre méthode. Me prêter des insultes que je n’ai pas écrit est-il représentatif de votre manière d’analyser les textes? Une façon de rétablir la balance pour accorder mon expression à la vôtre? Etes-vous sûr que c’est bien à moi que s’adressent vos commentaires, ou bien les recopiez-vous à la chaîne sur plusieurs sites à la fois pour défendre votre ami?

    Quoiqu’il en soit, l’expérience de Bonod est très étrange. S’il s’était agi d’apprendre à ses élèves à se servir intelligemment des ressources en ligne, auxquelles ils ont recours de manière sauvage, n’aurait-il pas été plus pédagogique de mettre sa science du web au service d’une analyse ou d’une leçon de choses qui aurait à la fois enrichi ses élèves et prouvé la maîtrise de l’école sur cet univers? A la limite, on aurait pu imaginer qu’il réalise avec ses élèves une expérience de falsification contrôlée et temporaire, pour en mesurer les effets viraux et démontrer les limites de l’exercice collaboratif.

    Mais choisir de les piéger, et dire avec gourmandise: « j’ai pourri le web! » est une démarche qui me paraît témoigner des préjugés de l’auteur plus que de sa volonté pédagogique. De la part d’un littéraire qui, vous le soulignez, maîtrise son langage, « pourrir » est une expression particulièrement suggestive, qui me paraît entrer pour une large part dans la réception de son billet (qui est, je le rappelle, le véritable objet de ma réaction, beaucoup plus que la critique de l’expérience – mais lire correctement un texte n’est pas un exercice à la portée du premier venu…). On peut relever que ce titre a été adouci lors de la reprise du billet sur Rue89.

    Je ne pense pas qu’un article intitulé « Contre les corrigés de dissertations » aurait suscité un tel buzz. Il est facile aujourd’hui de jouer les naïfs et les étonnés, à propos d’une « petite expérience amusante », mais La vie moderne (titre ironique, précise l’à propos, qui cite Philippe Muray) est bien un « site militant de profs opposés aux nouvelles technologies » (Damien Babet). Voir notamment: http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/005-les-portables-de-multiplication.html

  23. “pourrir” est une expression particulièrement suggestive, qui me paraît entrer pour une large part dans la réception de son billet (qui est, je le rappelle, le véritable objet de ma réaction, beaucoup plus que la critique de l’expérience – mais lire correctement un texte n’est pas un exercice à la portée du premier venu…).

    Je suis sur ce point d’accord avec vous. Cela correspond à ce que j’ai désigné, comme étant des maladresses (volontaires ?) de sa part.

    Pour ce qui concerne le web en étant un utilisateur assez assidu, mon comportement qu’on pourrait qualifier d’ addictif m’amène à m’interroger, sur ce qu’est le web, sur l’utilisation que nous en faisons (et c’est pour cela que je lis votre blog régulièrement) et j’avoue que plus le temps passe, plus je suis critique vis à vis de l’utopie numérique. Les possibilités d’émancipation que semblaient offrir cet outil, me semblent plus relever de l’utopie que de la réalité.Lorsqu’on passe sa vie à communiquer pour ne rien dire, on ne pense plus, et dire cela ne fait pas de moi un réac en puissance. En ce qui concerne le portable, je suis désolé mais je souscris entièrement au discours de La Vie Moderne, ne possédant moi même pas de portable (et ne m’en portant pas plus mal). Avoir le sentiment de vivre dans un monde de zombie, ne m’encourage à en devenir un. Excusez l’agressivité de mes précédents messages, mais j’avoue que voir fleurir sur Rezo.Net, toutes ces critiques contre ce type(que je ne connais pas) avec ses qualités et ses défauts m’a un peu hérissé le poil. D’autre part, je pense que nous ne tomberons jamais d’accord, sur tout ce qui concerne les réseaux sociaux et autres utopies numériques, mais je continuerai quand même à lire votre blog. Bonne continuation.

  24. On ne peut pas saboter Wikipédia (comme ça). Modifier une page qui est conçue pour être modifiée par n’importe qui n’est pas franchement un acte subversif…

    Le réseau numérique fonctionne ici comme un piège (à qui ?), puisque ce professeur a juste utilisé le Web pour ce qu’il est, et Wikipédia de même, se retrouvant piégé dans l’idéologie même de cette encyclopédie, sans la critiquer à aucun moment.

    Alors que cette idéologie peut être discutée.
    Mais cet acte vaniteux n’a fait qu’apporter une preuve possible du bien-fondé des principes des fondateurs de Wikipédia :

    Un professeur peut y raconter des âneries, car un professeur peut raconter des âneries…
    Tout le monde peut donc raconter des âneries, quelle que soit son autorité.

    Donc (selon Wikipédia) la seule autorité qui vaille est celle du savoir partagé et collectivement validé

    C’est discutable (la Terre est plate, tout le monde peut le vérifier). Et pourtant, ce professeur a démontré que, détenteur de l’autorité du savoir, il a menti, intentionnellement (pour reprendre autorité sur sa classe ?), et donc prouvé que Wikipédia a raison de proposer une alternative aux autorités autorisées. Et il ne l’a utilisé que pour ce qu’elle est, et en effet, on peut y mentir intentionnellement. Ce n’est ni le premier ni le dernier !

    Sauf que Wikipédia met le mensonge individuel sous le joug (quasi immédiat/rapide, selon la marginalité du sujet) d’une correction collective. Et donc qu’une erreur, si elle est considérée par la majorité des « savants » (ceux qui savent) comme erreur, sera rapidement corrigée (donc, Wikipédia aura du mal à dire que la Terre est ronde, puisque tout le monde voit bien qu’elle est plate !).

    Wikipédia pose un problème, problème inclus dans celui de l’épistémologie depuis bien longtemps, donc.
    Ce qui ne veut pas dire que Wikipédia est un problème
    Mais que Wikipédia est une réponse possible à la question (pour ma part, toujours ouverte)

    Quant à ce professeur, il s’est dispensé de faire son « vrai » travail, comme le signale André… mais s’est bien amusé à faire comme tout le monde : raconter n’importe quoi sur le Web, et par-dessus le marché, en faire la publicité.

    Zéro !

  25. J’ai un peu de mal à comprendre la violence de ce débat, et les réactions que suscite l’initiative de ce professeur.
    Que le titre « Comment j’ai pourri le web » soit maladroit, cela me semble évident. Que sa conclusion ne le soit pas moins aussi. Mais arrêtons de faire comme s’il avait profondément maltraité ses élèves, qu’il n’a pas noté et qu’il n’a donc pas réellement piégé. Ils s’en remettront.
    Bien sûr si son expérience ne se poursuit pas en leur montrant comment chercher sur internet, elle n’aura pas grande utilité pédagogique. Mais je reste persuadé que le résultat aura un effet tout à fait salutaire et les amènera à être beaucoup plus critique à l’avenir. On a vraiment l’impression en lisant les critiques qu’il les aurait traumatisés à vie… Ils en verront d’autres. Et personne ne peut me soupçonner d’être anti-internet…

  26. « J’ai un peu de mal à comprendre la violence de ce débat »: Encore une fois, mon interrogation porte sur ce débat, plus que sur le piège. J’étais tombé sur ce billet, signalé par mes contacts FB dès mercredi. Je n’ai pas accordé de signification particulière à cette expérience déplaisante, même si je me doutais que certains de ses aspects allaient déclencher le buzz. Ce n’est qu’après avoir aperçu le visage de Bonod au JT de France 2 (ceux qui veulent l’écouter peuvent le faire en ce moment même sur Europe 1), que j’ai cru bon de réagir. Ce qui fait que ce professeur est sollicité par télés et radios ne porte pas sur la maltraitance d’élèves, mais sur le développement de la triche à l’école, sur le recours systématique au web et sur le plagiat d’articles de Wikipédia.

    En pleine affaire Merah, ce cas a fait réagir très largement profs et documentalistes:
    http://www.scoop.it/t/l-affaire-du-pourrisseur-du-web-points-de-vue-critiques

  27. @Alain François: Attention, d’après les règles affichées sur Wikipédia, ce qui est accepté c’est le savoir validé *pas des sources adaptées* et en proportion des opinions rapportées. Autrement dit, sur un sujet scientifique, Wikipédia est censée rapporter les principales opinions scientifiques et non conduire un micro-trottoir.

  28. Il faut par ailleurs arrêter de penser que Wikipedia c’est le web…. Il ‘m’arrive de l’utiliser ponctuellement pour retrouver quelques faits très précis et surtout aisément vérifiables. Mais dans mon domaine, l’histoire de l’art (c’est peut-être différent pour d’autres, mais j’en doute), le contenu est franchement très médiocre.
    Je viens de revérifier quelques articles, en partant d’Ingres, et c’est un mélange d’approximations, de remarques pleines de naïveté, de phrases creuses et même, parfois, d’erreurs factuelles.
    La fameuse étude sur Wikipedia plus fiable que l’Encyclopedia Britannica, en tout cas si elle est vraie pour l’histoire de l’art, est inquiétante pour cette dernière plus que rassurante sur la permiëre.
    Je le répète. Tout n’est certainement pas à jeter dans Wikipedia. J’ai même renvoyé récemmment à un de ses articles pour connaître le parcours d’un homme politique fraîchement nommé à un poste dans la culture. C’est pour ce genre d’article d’actualité purement factuel et dont on peut facilement vérifier la pertinence que Wikipedia peut être bon. Mais dès que c’est compliqué et très spéciqlisé, à moins qu’un bon connaisseur ait écrit l’article – et souvent ils ont mieux à faire – c’est mauvais.

  29. @Didier Rykner: Je pense que tu pourrais avoir la même approche de n’importe quelle ressource documentaire vulgarisée, par définition moins précise qu’un savoir spécialisé. Le recours à une encyclopédie n’est pas utile pour son domaine de spécialité, mais justement pour ceux dont on ne maîtrise pas le savoir. Contrairement à la croyance que tentent de véhiculer les placiers de l’Universalis, une encyclopédie n’est pas un outil magique qui apporte tout le savoir du monde à domicile. La plupart des articles sur Wikipedia comportent des renvois qui permettent d’approfondir tel ou tel aspect. C’est évidemment la bonne façon de considérer un article d’encyclopédie: comme une porte d’entrée vers d’autres savoirs plus spécialisés, auxquels on aurait eu du mal à accéder sans cette forme de structuration de l’information.

    Wikipedia, qui applique très correctement les règles encyclopédiques (et quand ce n’est pas le cas, chacun est libre de proposer une amélioration), est bien plus vaste et traite plus de sujets que la Britannica ou l’Universalis. Elle est particulièrement pertinente dans les domaines de la culture populaire ou technologique récente, domaines où l’information est peu organisée et qui sont dépourvus d’outils scientifiques équivalents à ceux dont disposent les connaissances plus classiques. C’est là qu’on s’aperçoit de l’utilité de la proposition encyclopédique, tout simplement indispensable, et sans laquelle on perdrait un temps considérable à retrouver les informations simples de date ou d’origine qui mettent sur la bonne piste.

  30. Une question rarement abordée est celle de l’anonymat.
    Si, dans l’éducation aux images par exemple, nous sommes d’accord pour dire que l’auteur, la source, le contexte de production, le contexte de diffusion etc. sont des éléments déterminants dans l’interprétation, pourquoi pour un texte écrit sur le web ces éléments devraient être considérés comme sans importance. N’est ce pas là faire ressurgir l’immanence de la sémiologie des années 60 où le texte (et l’image) étaient considérés comme porteurs en eux-mêmes du sens. Les articles de Wikipédia sont présentés comme une construction coopérative qui serait le fruit de la bonne volonté des uns et des autres. On peut y voir aussi un mélange d’anonymat(s) qui décontextualise le texte et ses auteurs, ses sources, ses références et qui finit par se stabiliser sur un consensus à minima qui reflète en général les idées dominantes sur un sujet.
    Il m’est arrivé de vouloir apporter des précisions sur des articles de Wikipédia, mais qui furent peu de temps après modifiés par d’autres, puis re-modifiés par d’autres etc… pour qu’en fin de parcours Mr x, plus téméraire que moi, de guerre lasse, ait le dernier mot.
    Lorsqu’il s’agit de données factuelles ce mode d’écriture collective présente un intérêt certain, mais ce n’est plus du tout le cas lorsqu’on aborde l’histoire, la politique, les arts, les sciences, la(les) culture(s),… et plus généralement tous les domaines où le point de vue d’auteur apporte du sens, de la subjectivité, un point de vue, un contre-point…
    Et que dire aussi de milliers d’articles qui concernent les produits techniques ou commerciaux, les personnalités (dirigeants politiques ou d’entreprise , showbiz etc.) qui sont sous la surveillance et la réécriture de leurs services de com.
    Je suis de ceux qui militent pour que dans l’usage de chaque photo le nom de son auteur soit mentionné, d’une part pour faire reconnaitre le travail de cet auteur, et d’autre part et surtout pour signifier qu’elle n’est pas une image du réel mais une image d’un point de vue sur le réel et qu’un autre regard aurait conduit à une photo différente.
    On est exigeant sur la signature pour une photo, un film, un article… (je jette sans les lire les tracts anonymes), et je m’étonne donc beaucoup du peu de recul porté sur ces textes anonymes où celui qui « gueule le plus fort » ou qui a le plus de temps à passer (se cacher) dans cet anonymat a finalement le dernier mot pour des textes qui finissent en fin de compte par refléter les consensus mous de l’idéologie dominante.

  31. @André Gunthert. Ce qui m’ennuie, c’est que dans mon domaine, je m’aperçois qu’il y a beaucoup d’erreur. Dans d’autres domaines spécialisés où je ne connais rien où pas grand chose, je peux donc penser que ce n’est pas plus fiable. Ce qui encore une fois ne veut pas dire que Wikipedia n’est pas utile, simplement qu’il est essentiel de tout vérifier en se reportant aux sources qu’il doit normalement indiquer.
    Quant à dire que chacun est libre de proposer une amélioration, l’expérience de Jean-Paul Achard qui explique avec un exemple que ce sera le plus acharné à corriger, et non le plus compétent, qui l’emportera, relativise ce constat. D’autant qu’en général, les spécialistes n’ont pas le temps matériel (ni forcément l’envie) de corriger Wikipedia. Je pourrais, bien sûr, mettre mon nez dans la fiche Ingres pour corriger les approximations ou erreurs. Mais quel intérêt car cela va me prendre du temps que je n’ai pas, et qu’il va ensuite falloir expliquer à tous les rédacteurs antérieurs pourquoi j’ai modifié leur beau travail. Moi aussi, j’avais essayé une fois ou deux de le faire. J’ai vite renoncé.
    Enfin, je crois comme Jean-Paul Achard que la question de l’anonymat sur Internet est aussi un problème, très général, d’Internet, et on ne m’enlèvera pas cette idée de la tête. C’est le cas aussi bien pour Wikipedia que pour la plupart des forums et des commentaires.

  32. @Didier Rykner: La comparaison de Nature entre Britannica et Wikipédia portait sur la Wikipédia *en anglais* (qui me semble en général supérieure à celle en français) et sur des articles de sciences et d’histoire des sciences (biographies de scientifiques), ce qui n’est pas surprenant, Nature ne s’intéressant qu’aux sciences naturelles (pas de sciences humaines et sociales, pas de mathématiques).

    Les articles traditionnels de Britannica sont longs et écrits par des spécialistes, typiquement des universitaires. Problème : ils ne sont éventuellement pas remis à jour. Britannica a donc cru bon de faire rédiger des articles par des employés « vulgarisateurs » — hélas, ça produit des erreurs parfois grossières:
    http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/post/2012/03/19/La-transformation-de-l-Encyclop%C3%A6dia-Britannica

  33. @Didier Rykner: Une des principales difficultés pour les spécialistes intervenant sur Wikipédia est qu’ils ont tendance à écrire comme s’ils faisaient un cours de vulgarisation ex-cathedra (donc avec l’autorité que leur donne leur fonction), alors que la règle sur Wikipédia est de donner des faits et des sources pour ces faits, sans exprimer de jugement de valeur personnel. Si une information erronée était présente, et qu’il y avait une source respectable indiquée (ouvrage universitaire) pour cette information, et que vous l’avez remplacée par une information correcte mais sans source précise, le réflexe sera de supprimer votre modification.

    cf http://chronicle.com/article/The-Undue-Weight-of-Truth-on/130704/

    L’alternative serait de donner priorité aux spécialistes du domaine. C’est difficile à mettre en œuvre

    1) Il faut savoir les identifier. Contrairement à une idée courante, c’est compliqué ; il suffit de voir la complexité du recrutement des enseignants-chercheurs. Il faudrait des services pour contrôler les identités et les prétentions professionnelles des gens… difficile même dans des disciplines bien cadrées!

    2) Certains spécialistes ont des marottes ou théories personnelles qui n’ont pas à tenir une place disproportionnée dans Wikipédia.

    3) Certains spécialistes sont un peu « difficiles » — par exemple, refusent d’appliquer les règles de présentation générales de Wikipédia. (Rappelons que, quand un universitaire publie chez un éditeur scientifique, il doit se plier aux règles imposées…)

  34. La suite sur Clioweb: http://clioweb.canalblog.com/archives/2012/03/26/23859412.html

    « Le clash cherché est donc bien politique au plein sens du terme,
    entre les néo-cons (qui se baptisent abusivement « républicains »)
    et ceux qu’ils stigmatisent comme des « pédagos », en fait des militants d’une pédagogie active.
    Pour les néo-cons, et pour tous ceux qui ne supportent plus les excès des discours de promotion du Tout Numérique, la seule perspective, c’est de « Débrancher l’Ecole ».
    Pas de se soucier de mettre en place des usages pertinents d’outils disponibles, anciens ou nouveaux, avec ou sans numérique. »
    (Daniel Letouzey)

  35. @Didier Rykner: Britannica commence par
    « Ingres became the principal proponent of French Neoclassical painting after the death of his mentor, Jacques-Louis David. »

    Bref, en l’espèce, Wikipédia dit ce que disent les principales encyclopédies généraliste.

  36. @David Monniaux. D’abord, désolé de ne pas avoir répondu à votre mail, je vais le faire tout de suite.
    Je ne connais pas l’Encyclopédie Britannica que plusieurs commentateurs comparent à Wikipedia. Il ne me viendrait pas à l’idée d’aller consulter cette encyclopédie, pas davantage que Wikipédia, pour en savoir plus sur Ingres. En tout cas, la composante néoclassique existe en partie chez Ingres, et si ce qu’écrit l’Encyclopedia Britannica est faux, ça l’est moins que ce que dit Wikipédia…

  37. Didier Rykner n’a pas foncièrement tort en disant que Wikipédia est mauvais en histoire de l’art. Un très grand retard a été pris. Pour à mon avis deux raisons qui ne feront pas plaisir à Didier Rykner :
    1/les spécialistes contribuent très peu, par rapport à d’autres domaines.
    2/le grand public est en fait peu intéressé

    Le premier point m’inquiète beaucoup car c’est directement lié à la recherche. C’est le même esprit, à mon avis, qui fait que les historiens d’art veulent à tout prix publier sur papier malgré les énormes contraintes que cela impose et donc la perte en scientificité. Pire : qui fait qu’ils publient des inventaires sur papier, perdant ainsi 80% des informations que l’on pourrait tirer des données recueillies. Ou qu’ils remplissent des pages pour attribuer un dessin à X ou à Y (qui ont de toute façon eu la même formation au même endroit) au lieu de prendre du recul sur la période, le contexte, etc.
    Si on veut travailler sérieusement, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Personnellement, je crée un à un tous les articles sur les graveurs du XVIIe à partir de l’IFF et utilise systématiquement les articles des Nouvelles de l’estampe pour enrichir Wikipédia au fur de leur sortie.

    Le second point vaut tout autant pour la littérature et pas mal de choses littéraires. Il faut croire que l’histoire de l’art n’intéresse pas tant que ça les gens. Si sur un million de personnes qui vont voir Monet au Grand Palais et plusieurs dizaines de milliers qui achètent le catalogue, pas un n’améliore l’article… c’est peut-être qu’ils ne sont pas vraiment allé à l’expo par intérêt pour Manet et que le catalogue est, dans le meilleur des cas un livre d’image, dans le pire un symbole de culture à poser dans le salon. C’est sans doute très inquiétant, mais Wikipédia constitue en réalité un bon thermomètre de l’intérêt de la société pour des sujets. Société sans doute déformée (plutôt des 25-35 ans urbains et diplômés), mais finalement vision pas plus déformée que celle donnée par les médias sur ce qui est important ou pas. Et surprise, on se rend compte que ce qui intéresse les gens n’est pas toujours ce que l’on croit.

  38. @Didier Rykner: Ce que démontre ton exemple, c’est que les gens qui se prononcent si libéralement sur Wikipedia ne connaissent rien aux encyclopédies (que plus personne n’utilise, puisqu’il y a le web…). Il y aurait une thèse intéressante à rédiger sur Wikipedia comme marqueur des antagonismes culturels et révélateur des fantasmes sur la circulation du savoir…

  39. @RM Je pense que vous avez raison sur les deux points, que cela me fasse ou non plaisir. En réalité, le second point ne me fait évidemment pas plaisir, mais je crois hélas que c’est la réalité.

    Quant au premier point, je ne sais pas s’il faut regretter qu’ils ne publient pas davantage sur Wikipédia. En revanche, il est regrettable effectivement qu’ils ne publient pas plus sur Internet, ce qui n’est pas contradictoire.
    Cependant, des blogs comme le vôtre, ou comme Aficion (http://www.aficion.fr/) devraient être plus nombreux, et à mon avis le seront. De plus en plus de revues sont accessibles sur Internet ou sont créées uniquement sur ce support, j’en ai déjà signalées de nombreuses et je vais continuer. Mais tant que la Revue de l’Art, pour ne prendre qu’elle, continuera à publier ses articles sans photos… (on est d’ailleurs les seuls en France à faire ça).

    Quant aux problèmes d’attributions, qui semblent moins vous intéresser, qu’on les privilégie ou non n’a pas de rapport à mon avis avec le support. Et je m’étonne toujours qu’on puisse disserter doctement sur X ou sur Y à partir d’oeuvres qui ne sont pas dues à ces peintres. Qu’ils aient eu la même formation au même endroit ne veut pas dire qu’ils sont interchangeables, c’est une opinion qui me paraît curieuse. Ou alors Ingres est vraiment un peintre néoclassique…
    Un seul exemple : l’exposition Artemisia Gentileschi, pleine d’attributions douteuses ou d’œuvres faibles ou d’atelier empêche de réfléchir réellement sur l’artiste et sa place dans la peinture en Italie au XVIIe siècle (bien loin de se limiter aux peintres influencés par le Caravage comme semble le penser Philippe Dagen).

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