Rêver avec YouTube

Quelles sont les motivations de la consultation de YouTube? Principalement le loisir, le jeu, pensons-nous, accessoirement la recherche d’informations.

Ce matin, je trouve mon fils de 11 ans, à peine levé, devant l’écran de son ordinateur. Noël approche. Hier soir, nous avons évoqué les vacances de neige, il a demandé s’il pourrait faire du snowboard.

Ce matin, au saut du lit, c’est à YouTube qu’il a demandé de lui apporter l’image de son désir. Simple: taper « snowboard« , choisir une vidéo, cliquer sur la touche grand écran. Pour un garçon de son âge, habitué à recourir à cette boîte à trésors, quoi de plus normal que de rêver avec YouTube?

Un blogueur sachant bloguer

Je ne me suis jamais considéré comme un photographe. Tout juste quelqu’un qui, comme beaucoup d’autres, aime à produire ces images – un amateur, au sens premier du terme. C’est pourquoi j’ai décidé, il y a quatre ans, en ouvrant mon compte Flickr, de placer mes photos sous licence creative commons, autrement dit d’en autoriser la reproduction gratuite.

Depuis, plusieurs dizaines de mes photos se sont trouvées reproduites ici et là. Selon deux scénarios, et toujours la même ligne de partage. D’un côté l’internaute souhaitant illustrer son site, qui m’en fait au préalable la demande, ou m’en informe a posteriori, par un mail sur mon compte Flickr, ou encore le site de presse anglophone, toujours scrupuleusement poli, bien outillé, qui me permet de confirmer d’un clic mon accord pour la reproduction. Dans tous ces cas, c’est un plaisir de voir mes images reprises, employées dans des contextes particuliers, de façon aimable et respectueuse.

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Un graphique est un monstre comme les autres

Derniers préparatifs pour Copenhague. Je viens de lire l’article de Sylvestre Huet sur Sciences2, bourré de graphiques tous plus alarmants les uns que les autres. Courbes qui montent, descendent, ou se croisent: terrible efficace de la concrétisation visuelle des données et des scénarios. La mise en scène du graphique, comme dans le film d’Al Gore, An Inconvenient Truth (2006), où le conférencier atteint le haut de l’immense courbe en crosse de hockey à l’aide d’un élévateur (voir ci-dessus), fonctionne comme une matérialisation du pouvoir imaginaire bien réel – mais souvent méconnu – du tableau scientifique. Une courbe peut être un monstre comme les autres – pas moins puissant, pas moins évocateur qu’une image en 3D de dinosaure.

Croissance des formats visuels: avantage vidéo

La comparaison des tailles d’images sur les plates-formes visuelles montre une évolution intéressante. Alors qu’en 2005, le format photo de Flickr, avec une largeur standard de 500 pixels, dépassait le format vidéo de YouTube (450 px) ou Dailymotion (360 px), la situation s’est aujourd’hui inversée. Le lecteur de Dailymotion s’est élargi à 600 px, celui de YouTube à 640 px. Depuis 2008, Facebook surclasse ses rivaux avec une largeur vidéo de 760 px (600 px pour les photos). Pendant ce temps, Flickr est resté scotché à 500 pixels: les tailles d’image sont le résultat d’un redimensionnement du fichier original, décliné en 5 copies au moment du téléchargement. Le format Flash, lui, est un format virtuel: il est possible d’en améliorer l’affichage, en fonction des aménagements de la plate-forme. Alors même qu’elless partaient d’une qualité d’image et d’un format inférieurs, les plates-formes vidéo ont fait mieux que rattraper leur retard, et proposent un confort de lecture supérieur.

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De la retouche avant la photographie

venus_medicisQuatremère de Quincy, De L’imitation, 1823, par. IX, p. 343-345.

« J’ai en vue maintenant de combattre les préventions de ceux qui, dans l’imitation des corps, ramenant tout à la matière, regardent comme violation de la vérité tout changement d’apparence opéré sur les objets et les sujets que le système métaphorique de l’art peut atteindre et modifier.

Rien de plus général et de plus répandu que cette sorte de répugnance à la métaphore dans les arts du dessin. On s’imagine que leur imitation, dès qu’elle emploie les formes corporelles, doit se renfermer dans les bornes de la réalité matérielle. Comme on vit en société continuelle avec presque tout ce qui compose les modèles physiques de ces arts, on se familiarise à une manière d’être et de voir qui s’identifie avec les habitudes de l’instinct et l’on ne veut admettre d’imitation que celle dont l’instinct aussi reçoit l’impression. Ainsi le commun des hommes se refuse à reconnaître comme légitime et permis, dans l’image des personnes et des sujets, tout changement qui peut être dû à la métaphore du style de dessin idéal, aux transpositions de l’allégorie, aux conventions sur lesquelles nous verrons que se fondent les divers styles de composition qui entrent dans les moyens de l’imitation idéale.

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Opacité de l'électron

oeilcameraDe Balzac à Freud en passant par Bergson, les principes de fonctionnement des cameras photographiques ou cinématographiques ont largement alimenté la pensée théorique ou la spéculation intellectuelle. Lorsqu’arrive la télévision, on ne voit guère d’écrivain ou de philosophe recourir à ce nouvel objet technique pour décrire ou illustrer un phénomène.

Ce processus s’est reproduit avec la transition numérique. Alors que la matérialité du support photographique a nourri bien des récits, la méconnaissance du fonctionnement des photocapteurs a empêché de les intégrer à des schémas explicatifs à caractère culturel. Comme la télé, le CCD est resté un objet strictement technique.

La fécondité narrative ou intellectuelle d’un dispositif technique repose visiblement sur sa simplicité (ou le cas échéant sa simplification). On voit bien que, du photographique, c’est principalement le schéma optique et le modèle de l’empreinte qui ont alimenté l’imaginaire. Plus difficile à comprendre, la partie relative au développement de l’image latente est restée en retrait. La technique qui parle aux intellectuels demeure assez largement newtonienne. Une machine newtonienne est une machine aimable, dont on peut ouvrir le ventre et dont les fonctionnements, comme ceux de l’antique mécanique, ont l’air de pouvoir être appréciés à l’oeil nu. Le passage à l’électron rend la machine opaque. Seul le technicien y aura désormais accès. Et les philosophes qui se hasarderont à en invoquer les principes se feront taper sur les doigts.

La joie des Algériens après la victoire des Fennecs

Un reportage de Tatif sur Flickr.

« Après quatre jours de grande pression et de tension extrême, c’est la délivrance.
L’équipe nationale a réussi son pari de se qualifier en Coupe du monde 2010. Une bande de jeunes qui ne payaient pas de mine au départ, tant leur football était au creux de la vague, vient de prouver que l’on pouvait lui faire confiance.
l’Algérie ne pouvait rater cette rencontre avec l’histoire du continent qui organise pour la première fois une phase finale de la Coupe du monde. »

A quoi ressemble Lady Gaga?

Je ne connais pas très bien Lady Gaga. Entrevue ça et là. Mais l’impression demeure de ce jeu de cache-cache, un peu différent des autres. Madonna aussi se déguisait de mille manières, mais il n’y avait jamais le moindre doute: blonde ou brune, sans hésitation, c’était bien elle. Lady Gaga, c’est autre chose. Au-delà des costumes ou des masques, c’est parfois d’une image sur l’autre qu’on ne le reconnaît plus. Cette infidélité à son image, qui ressemble bien à une nouvelle stratégie médiatique, est déroutante. Nous avons tellement l’habitude d’une identité visuelle assignée: celle du visage – et probablement, par-dessus tout, d’une expression stabilisée et contrôlée –, comme une signature, qui a pour fonction de permettre de reconnaître le produit dans toutes les situations. La collection des portraits de Françoise Giroud à l’IMEC fait peur par la stabilité robotique de l’expression. Sans oublier l’impressionnante vidéo du sourire invariable d’Obama – mais ce cas extrême ne fait que souligner la demande que génère l’existence publique, qui réclame comme un dû cette constance d’un choix d’image. Lady G, c’est plutôt au fait qu’on ne la reconnaît pas qu’on la reconnaît. A quoi ressemble-t-elle au juste? Je ne suis pas sûr de le savoir.

La presse en ligne ou le parasitage visuel

Au moment du bouclage d’une publication papier, les rédacteurs en chef examinent avec un soin fébrile le « chemin de fer » constitué par toutes les pages d’une édition mises bout à bout, chassant la moindre erreur de titraille, vérifiant l’équilibre visuel de la maquette.

Est-ce qu’il arrive aux éditeurs web de regarder le résultat de leurs mises en page sur écran? Arrivé via un signalement sur une page du Monde.fr, je m’aperçois que je viens de moins en moins souvent sur un site de presse. Quoi d’étonnant? Cette accumulation de signaux clignotants, de bannières animées qui s’agitent aux quatre coins de l’écran, chacun réclamant mon attention de manière impérative, ressemblent à la place Pigalle à l’heure de la sortie des bureaux et ne me donnent qu’une envie: celle de fuir cet envahissement agressif.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=X3XwSC3afPA[/youtube]

C’est le souhait de lire l’article qui me retient. Mais ce n’est pas facile. Tous ces clins d’œil intempestifs éparpillent ma vigilance et gênent constamment ma lecture. Le papier de Véronique Maurus porte sur le commentaire d’une photographie. Statique, en noir et blanc, si petite qu’elle est à peine lisible, cette illustration requiert une concentration et un travail analogue à celui de se frayer un chemin dans la foule.

A moins de procéder à une capture d’écran pour figer cette agitation sautillante, lire la presse en ligne demande un vrai effort. De là à penser que les éditeurs préfèreraient nous voir reprendre le chemin du kiosquier…

L'oasis de nos rêves

Aujourd’hui, le moteur de recherche Google a changé son visuel pour saluer la confirmation par la NASA de la présence d’eau sur la Lune. L’eau, dans l’univers extraterrestre, c’est comme le sang chaud dans celui des dinosaures: la promesse d’une proximité, la signature d’une dynamique, le symbole de tous les possibles. L’eau, c’est le récit sous l’image, l’oasis de nos rêves.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=YrLuOFoPlRc[/youtube]

(CBSNewsOnline, 13 novembre 2009)

MàJ 15/11/2009 – Deux liens en complément:

  • la vision orthodoxe, par Pascal Riché sur Rue89, selon laquelle « la découverte d’eau par la Nasa pourrait ouvrir la voie à une future colonisation de la Lune ».
  • une version plus critique, par Sylvestre Huet sur Sciences2, qui laisse entendre à demi-mot que la photo « preuve » a fait l’objet d’une retouche attentive.

Les lecteurs de Tintin se souviennent que l’idée de la présence d’eau sur la Lune ne date pas d’hier. En faire aujourd’hui le ressort d’une nouvelle colonisation est évidemment burlesque. Accréditer cette théorie se fait essentiellement par l’image – par la fabrication (coûteuse) d’une science-fiction de synthèse qui a pour mission de donner corps au fantasme. Bref, rien de changé depuis 1952.