Si Sarkozy m'était conté (2007-2012)

Petite compilation de couvertures mettant en scène le personnage Sarkozy, de 2007 à nos jours (cliquer pour agrandir). On observera ici qu’un seul et même visage peut raconter toutes les histoires, selon les choix de la rédaction. Du sourire à pleines dents à la colère, en passant par le doute, l’embarras ou la fatigue, les mines de l’acteur se conforment à la gamme des titres, qui lui imposent leur scénario. Le journalisme est aussi un art de la physionomie et de l’apparence.

De haut en bas et de gauche à droite: 1) L’Express, 23/08/2007; 2) Libération, 18/10/2007; 3) Paris-Match, 20/12/2007; 4) Paris-Match, 06/02/2008; 5) Le Point, 07/02/2008; 6) L’Express, 07/02/2008; 7) Libération, 21/04/2008; 8) Le Point, 17/06/2010; 9) Le Nouvel Observateur, 15/07/2010; 10) Le Nouvel Observateur, 09/09/2010; 11) L’Express, 03/10/2010; 12) L’Express, 29/10/2010; 13) Le Nouvel Observateur, 10/03/2011; 14) Le Point, 07/04/2011; 15) Paris-Match, 13/07/2011; 16) Marianne, 07/10/2011; 17) Le Point, 12/01/2012; 18) Libération, 30/01/2012; 19) Le Point, 16/02/2012; 20) Paris-Match, 29/03/2012.

Un people, c'est quelqu'un

Qu’est-ce qui sépare la notoriété de l’état de « people » – personnage médiatique de plein exercice? Le traitement appliqué par la machine médiatique à François Hollande depuis son investiture comme candidat officiel du parti socialiste permet de préciser ce statut.

Depuis jeudi dernier, les gazettes ont fait apparaître à ses côtés sa compagne, la journaliste Valérie Trierweiler – en images pour Le Point, Match ou Le Monde Magazine, dans les titres pour L’Obs, tandis que L’Express affiche « Hollande intime »…

L’heure n’est plus à l’examen du programme. C’est bien son nouveau statut de présidentiable à part entière (et compte tenu du discrédit élyséen, de quasi-président avant l’heure), qui vaut à Hollande ce traitement de star, cette exposition qui le dote d’une personnalité, d’un statut plus dense que la simple publication de son portrait lorsqu’il n’était que candidat à la candidature.

Un people, c’est quelqu’un: pas seulement une fonction, une silhouette, mais un être au complet, dont on souligne l’épaisseur existentielle de mille manières, à commencer par sa vie familiale. Il est significatif de noter que les magazines d’actualité se rapprochent à ce moment précis du traitement des magazines people, dont cette métamorphose est la spécialité. C’est avec des photos d’album de famille qu’Hollande entame sous nos yeux sa présidentialisation – qui est d’abord une pipolisation.

Le retour du Perv?

Dans l’ensemble, le traitement visuel de DSK par la presse française est resté jusqu’à présent plutôt mesuré. Si l’on a pu observer une accentuation progressive de la sévérité des images, l’iconographie n’a pas pour autant versé dans l’irrespect généralisé qui avait affecté la représentation du président de la République l’été dernier suite au discours de Grenoble.

La dernière couverture du Point franchit un pas dans la direction de la caricature, qui manifeste la réprobation morale. On y voit un DSK de profil, courbé et comme vieilli (alors que François Hollande nous est présenté de face, dans un élan vigoureux), arborant une mine défaite qui rappelle la Une du New York Daily News du 16 mai, intitulée « Le Perv », qui avait alors fait scandale.

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L'image ventriloque

Et hop, encore une belle pour ma collection! A la Une du Point du 7 avril 2011, une trogne particulièrement sinistre, emprunt recadré et détouré à Eric Feferberg (AFP), en illustration d’un titre qui semble désigner la descente aux enfers du futur ex-président Sarkozy: « La malédiction ».

Le cas est plus complexe qu’il n’y paraît, puisque cette couverture, qui semble traduire l’ambiance de la semaine écoulée (marquée notamment par la publication du programme socialiste ou le départ de l’UMP de l’ancien ministre centriste Jean-Louis Borloo), constitue en réalité une accroche publicitaire pour présenter les bonnes feuilles du bouquin récemment paru de Franz-Olivier Giesbert (M. Le Président. Scènes de la vie politique, 2005-2011, Flammarion). L’auteur de l’ouvrage étant accessoirement directeur du Point, cette opération d’autopromotion sans vergogne est justement épinglée par Arrêt sur images.

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Comment être clairement ambigu

Buste au regard frontal, sérieux adouci d’un léger sourire monalisant, veste sombre sur fond blanc, bijou discret: le portrait épuré choisi par la rédaction du Monde dans son édition du 3 mars pour mettre en avant l’entretien exclusif avec la première secrétaire du PS joue clairement la carte de la présidentiabilité.

La publication de l’ouvrage collectif Pour changer la civilisation (Odile Jacob), le grand entretien donnant libre cours à une vague vaste réflexion d’ensemble, illustré d’une nouvelle photo spécialement réalisée pour l’occasion par Paolo Verzone (VU): tout concourt à donner à cette intervention de Martine Aubry l’allure d’un lancement de campagne.

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Le signe de la pensée

On peut s’appeler Sébastien Fontenelle et n’en être pas moins sensible à la contrefaçon. Accueillant avec ironie la Une du dernier numéro d’Alternatives économiques, composée de portraits encadrés sur fond blanc,  Sébastien la rapproche de la couverture des Editocrates, en laissant entendre que le magazine a puisé son inspiration dans le réjouissant pamphlet qu’il a co-écrit avec Mona Chollet, Olivier Cyran et Mathias Reymond.

Je laisse de côté le débat classique en histoire de l’art des sources et des influences (non sans noter toutefois que l’interprétation du motif de la galerie des ancêtres par AE, avec sa légère ombre portée et ses noms propres disposés dans des cartouches, est plus réussie que celle des éditions Press Pocket).

Ce que le rapprochement des couvertures manifeste, c’est une légère différence de posture entre les deux catégories de modèles. Alors que les capitaines d’industrie affichent la sereine frontalité (le cas échéant soulignée par des bras croisés) de ceux qui affrontent les tempêtes sans sourciller, la majorité des éditorialistes (6 sur 9) se caractérise par un appui ou un geste de la main, poncif qui s’interprète dans le portrait classique comme la connotation de l’activité intellectuelle, typique des écrivains, des savants ou des peintres (cliquer pour agrandir).

A l’orée du XXIe siècle, les vielles conventions du portrait peint n’ont pas disparu. Elles perpétuent les distinctions de classe, d’activité ou de statut que nous savons reconnaître d’un seul coup d’œil. Ce qui donne une solide raison pour les encadrer de bois doré.

A quoi ressemble Lady Gaga?

Je ne connais pas très bien Lady Gaga. Entrevue ça et là. Mais l’impression demeure de ce jeu de cache-cache, un peu différent des autres. Madonna aussi se déguisait de mille manières, mais il n’y avait jamais le moindre doute: blonde ou brune, sans hésitation, c’était bien elle. Lady Gaga, c’est autre chose. Au-delà des costumes ou des masques, c’est parfois d’une image sur l’autre qu’on ne le reconnaît plus. Cette infidélité à son image, qui ressemble bien à une nouvelle stratégie médiatique, est déroutante. Nous avons tellement l’habitude d’une identité visuelle assignée: celle du visage – et probablement, par-dessus tout, d’une expression stabilisée et contrôlée –, comme une signature, qui a pour fonction de permettre de reconnaître le produit dans toutes les situations. La collection des portraits de Françoise Giroud à l’IMEC fait peur par la stabilité robotique de l’expression. Sans oublier l’impressionnante vidéo du sourire invariable d’Obama – mais ce cas extrême ne fait que souligner la demande que génère l’existence publique, qui réclame comme un dû cette constance d’un choix d’image. Lady G, c’est plutôt au fait qu’on ne la reconnaît pas qu’on la reconnaît. A quoi ressemble-t-elle au juste? Je ne suis pas sûr de le savoir.