On peut s’appeler Sébastien Fontenelle et n’en être pas moins sensible à la contrefaçon. Accueillant avec ironie la Une du dernier numéro d’Alternatives économiques, composée de portraits encadrés sur fond blanc, Sébastien la rapproche de la couverture des Editocrates, en laissant entendre que le magazine a puisé son inspiration dans le réjouissant pamphlet qu’il a co-écrit avec Mona Chollet, Olivier Cyran et Mathias Reymond.
Je laisse de côté le débat classique en histoire de l’art des sources et des influences (non sans noter toutefois que l’interprétation du motif de la galerie des ancêtres par AE, avec sa légère ombre portée et ses noms propres disposés dans des cartouches, est plus réussie que celle des éditions Press Pocket).
Ce que le rapprochement des couvertures manifeste, c’est une légère différence de posture entre les deux catégories de modèles. Alors que les capitaines d’industrie affichent la sereine frontalité (le cas échéant soulignée par des bras croisés) de ceux qui affrontent les tempêtes sans sourciller, la majorité des éditorialistes (6 sur 9) se caractérise par un appui ou un geste de la main, poncif qui s’interprète dans le portrait classique comme la connotation de l’activité intellectuelle, typique des écrivains, des savants ou des peintres (cliquer pour agrandir).
A l’orée du XXIe siècle, les vielles conventions du portrait peint n’ont pas disparu. Elles perpétuent les distinctions de classe, d’activité ou de statut que nous savons reconnaître d’un seul coup d’œil. Ce qui donne une solide raison pour les encadrer de bois doré.
Une petite remarque toutefois: Si dans le cas des éditorialistes ce sont bien des portraits posés, à part dans le cas des héritiers Bettencourt et Dassault, les héritiers semblent être surtout des photos « sur le vif ».
@Thomas: Bien vu, mais quoiqu’il en soit, le choix des éditeurs des deux couvertures ont été effectuées en respectant les fonctions traditionnelles du portrait « statutaire » – ce qui fait évidemment partie du jeu dans le contexte de la reprise du motif de la galerie des ancêtres.
Je note davantage de contre-plongée dans les portraits des héritiers qui, assez « naturellement », nous regardent de haut. Les éditorialistes semblent davantage s’adresser à nous, les yeux dans les yeux, sur le mode de la conversation inspirée.
Je pense que l’on a besoin des cadres pour identifier immédiatement la référence parce que la plupart des portraits sont de trop gros plans pour que la convention du portrait peint soit immédiatement identifiable.
A l’exception notable du portrait de Françoise Bettencourt (splendide!).
Le signe qui les associe à cette convention est extérieur à la représentation photographique.
Pour ma part ce que je remarque est dans la posture des personnages des éditorialistes. Surtout Philip Val, qui avec sa tête penché sur le côté laisse signifier un « je veux être aimé » ou apprécier. D’une manière générale on a l’impression qu’ils cherchent a plaire. Du côté héritier c’est un peu moins évident.