Depuis trente ans, chaque mois, l’excellente revue médicale Prescrire publie des articles détaillés qui dénoncent l’inefficacité ou démontrent la nocivité de tel ou tel médicament. Hier, pour la première fois, tous les grands médias français ont repris et abondamment cité la dépêche AFP listant les spécialités douteuses pointées du doigt par la revue. Cette attention inédite est évidemment liée au scandale du Médiator et montre un des mécanismes typiques de la construction de l’information. Un nouveau schéma interprétatif s’est construit en l’espace de quelques semaines, avec d’abord l’attestation que la remise en cause d’un médicament dangereux pouvait constituer un sujet grand public. De nombreux spécialistes sont intervenus pour montrer les limites du système d’évaluation ou le rôle des laboratoires. La plupart ont cité en exemple la revue Prescrire, seul organe effectivement indépendant, et loué son travail critique. Muni de ces clefs d’interprétation, les journalistes peuvent maintenant engager la phase deux: l’identification et la dénonciation du prochain Médiator, et la transformation de ce sujet inédit en marronnier récurrent.