Une icône a-t-elle besoin d'auteur?

L’auteur de ce qui est probablement la photographie la plus connue du XXe siècle (avec Albert Einstein tirant la langue et Marilyn Monroe retenant sa robe), Nick Ut, était invité jeudi dernier à Sciences Po, à l’occasion d’une exposition de ses photographies du Vietnam à la mairie du XIIIe arrondissement. La disproportion entre la notoriété d’une icône mondiale et la modestie de l’accueil du journaliste sautait aux yeux. Pas un officiel ni une télé pour saluer la venue à Paris du photographe ni pour célébrer l’anniversaire des quarante ans de l’image de la petite vietnamienne… Une icône a-t-elle besoin d’auteur? Les historiens d’art qui citaient récemment en bonne place cette image pour justifier leur utilité pédagogique n’avaient en tout cas pas jugé bon de faire le déplacement…

Voici le sein que je ne saurais voir

Très joli coup photographique de Voici, qui pour répliquer à l’exclu de Closer, a annoncé jeudi soir la publication de photos de Kate et William entièrement nus dans son numéro du lendemain.

Il s’agit évidemment d’une autre Kate et d’un autre William (Kate Moss et William Carnimolla), Voici n’ayant à aucun moment précisé qu’il s’agissait des membres de la famille royale. Mais pendant une heure, le magazine a affolé toutes les rédactions grâce au floutage intégral de ses photos (voir ci-dessus), dont le visage n’a été révélé que vers 17h.

Une blague en forme de canular photographique, qui nous vaut la reproduction sur plusieurs blogs people, dont l’inévitable Jean-Marc Morandini, d’un paysage de pixels des plus abstraits, censé préserver comme par magie le pouvoir de preuve que lui confère le dispositif photographique…

Souvenons-nous du monde avant internet (suite)

Répliquant à mon billet « Souvenons-nous du monde avant internet« , qui relève une intensification de la curiosité produite par les outils en ligne, un commentateur affirme:

«Avant internet, on pouvait répondre à toutes ces questions… Seulement c’était moins immédiat, ça prenait plus de temps. On devait hiérarchiser et laisser tomber certaines questions ou problèmes jugés secondaires. Nombreux services internet existaient déjà sur le Minitel et avant on avait recours aux dictionnaires, encyclopédies, cartes, revues…
On n’a pas attendu Google maps et mappy pour se déplacer et parcourir le monde.
On n’a pas attendu accuweather pour savoir le temps du week-end.
On n’a pas attendu Wikipédia pour connaître le nom de l’oiseau du jardin.
»

Il y a deux erreurs de jugement dans cette affirmation. La première est que la disponibilité d’une information n’est pas indépendante de ses conditions d’accès: elle est au contraire définie par ces conditions. Mais il est tout aussi faux de croire qu’internet n’a fait que vulgariser un savoir existant, maîtrisé de longue date par les spécialistes de l’outil documentaire. Exemple.

En lisant un billet sur le blog de Patrick Valas, signalé par un contact Facebook, je remarque l’image qu’il a choisi en bandeau, qui représente des promeneurs au bord d’un fleuve (la promenade est un loisir très ancien qui m’intéresse beaucoup).

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Souvenons-nous du monde avant internet

Mon beau-père, allemand, m’a envoyé récemment un courrier pour me signaler l’exposition à Mannheim du plus ancien essai photographique conservé, le fameux « point de vue du Gras » de Niépce, montré pour la première fois en Europe depuis soixante-dix ans. Avec sa carte d’accompagnement et sa coupure de presse, cet envoi a la forme classique d’un signalement du XXe siècle (voir ci-dessus). L’effort mobilisé le réservait aux nouvelles d’importance. Je ne recevais que quelques envois semblables par an.

Les interfaces numériques et la mise en ligne des contenus ont permis de réduire à quelques clics cette opération, devenue la brique élémentaire de l’échange social. Si je tente d’évaluer le nombre de signalements dont je prends effectivement connaissance par le biais des réseaux sociaux, l’ordre de grandeur de la multiplication est largement supérieur à 1000.

Une comparaison terme à terme est évidemment impossible, car les outils de communication ont modifié l’ensemble de notre rapport à la connaissance. Mais si j’isole cette expérience devenue rare, c’est pour mettre en évidence le dénuement informationnel que le fétichisme de la déconnexion nous fait un peu vite oublier.

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Des fantômes qui bougent encore

Remarquable conjonction du rarissime déplacement des deux principales reliques des origines de la photographie cet été: la sortie des réserves de la Société française de photographie du plus ancien daguerréotype conservé de Daguerre, daté de 1837, exhibé pour la première fois depuis des décennies à l’occasion de la remarquable exposition proposée par Luce Lebart au festival d’Arles, et celle de la seule héliographie photographique conservée de Niépce, datée de 1827, conservée depuis 1973 à l’université d’Austin, Texas, et exposée depuis quelques jours à Mannheim dans le cadre d’une présentation de la collection Gernsheim (« Die Geburtsstunde der Fotografie. Meilensteine der Gernsheim-collection« , Reiss-Engelhorn-Museen, 09/09/2012-06/01/2013).

Une sortie qui permet de constater que l’état visuel de ces deux pièces historiques a malheureusement convergé vers une à peu près complète invisibilité. Helmut Gernsheim a raconté ses déboires pour arriver à produire une copie photographique d’un document si peu lisible que c’est une image  largement retouchée à la gouache qui a orné pendant des décennies les histoires de la photographie (( Cf. Helmut Gernsheim, « La première photographie au monde« , Etudes photographiques, n° 3, novembre 1997.))… Quant au daguerréotype, encore distinct en 1920, il a subi un éclaircissement marqué au cours du XXe siècle, probablement dû au vieillissement ainsi qu’à des tentatives malencontreuses de restauration au cours des années 1980.

Le Hollande-bashing, en attendant l'antihollandisme

Au fur et à mesure que se précisent et se concrétisent les mesures du nouveau gouvernement, la déception s’installe, le mécontentement grandit. Pour Edwy Plenel, peu suspect de complaisance envers l’opposition de droite, sarkozysme et hollandisme prennent désormais des chemins dangereusement proches.

Plutôt que de s’interroger sur le bien-fondé de la critique, les avocats du régime ont choisi de souligner son unanimisme, sous le nom de « Hollande-bashing« . Air connu: chaque fois que les diatribes pleuvaient sur Sarkozy, ses soutiens dégainaient l’arme de l’antisarkozysme, destinée à neutraliser toute forme de désapprobation, renvoyée à une opposition atavique, une négation réflexe.

Le critique montre la lune? On est prié de regarder le doigt! Désignant les livraisons récentes des hebdos, les pro-Hollande révèlent le fond de l’affaire: il s’agit bien sûr d’exploiter un « filon ». Le burlesque de cette ligne de défense s’accroît d’un argument particulièrement bouffon: après cinq années d’hystérie sarkozyste, les médias serait en état de manque!

Etant donné la récession prochaine, le mécontentement actuel n’est encore qu’un aimable badinage. On devrait donc voir se propager le néologisme d’antihollandisme, déjà testé ici et là, pour contrer le futur tsunami de plaintes. Peut-on rappeler à ceux qui tentent d’ériger ce piteux rempart que l’accusation d’antisarkozysme n’a nullement suffi à protéger l’ancien président de la défaite?