Owni soluble dans le journalisme

Bye Bye, la soucoupe! Owni.fr, le laboratoire génial et foutraque inventé en 2009 par Nicolas Voisin vient d’annoncer, avec sa séparation de sa maison-mère, 22mars, qu’il rentrait dans le rang du journalisme traditionnel.

Depuis l’été 2011, cette évolution semblait inéluctable. Dans la foulée du succès médiatique apporté par la collaboration avec Wikileaks et la croissance incontrôlée d’une équipe brutalement surdimensionnée, l’équation économique n’était plus tenable. Le retour aux fondamentaux, sous la direction du journaliste d’investigation Guillaume Dasquié, paraissait réunir les conditions du sauvetage.

Pourtant Owni, au printemps 2009, ça n’était pas un pure player de plus, créé à l’imitation d’un modèle américain par de riches investisseurs, mais un projet original et brillant, appuyé sur une vraie ambition technique et graphique, et sur la rencontre de rédacteurs, de développeurs associés à l’éditorial et du concours actif des principaux blogueurs français. Un espace de liberté propice à l’analyse de la nouvelle économie numérique, où l’on pouvait croiser aussi les énervements du Monolecte ou le mauvais esprit de nombreux contributeurs bénévoles, illustré de bonhommes Star Wars en Lego. Un bouillonnement fidèle à l’énergie chaotique du web, plein de scories et de faux-pas, mais cent fois plus intéressant et éclairant sur le monde contemporain que le journalisme conforme qu’on lit sur les sites fabriqués, dirigés et contrôlés par des professionnels blanchis sous le harnais de Libé et du Monde.

Je souhaite le meilleur au nouveau pure player, qui reste quoiqu’il en soit un des lieux où il se passe quelque chose en ligne. Mais je ne peux que regretter l’explosion en vol du média social collaboratif, où s’écrivait l’avenir d’une nouvelle conversation. C’est d’un peu de cet ADN qu’a hérité la plate-forme Culture Visuelle, élaborée avec l’aide des magiciens de la soucoupe. Le poids économique du journalisme est peut-être ce qui rend impossible sa refondation par le web, raison pour laquelle celle-ci s’écrit aujourd’hui – bénévolement – sur les réseaux sociaux. Owni première manière restera comme la tentative de faire se rencontrer les deux mondes, une expérimentation unique en son genre, un moment de l’histoire du web francophone. Merci Nicolas, Tom, Loguy, Aurélien, Guillaume et les autres. Je suis fier d’avoir pu participer à cette aventure.


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Je ne sais plus lire le journal

Je ne lis plus la presse papier qu’en prenant le train ou l’avion – qui sont parmi les derniers environnements qui interdisent la connexion internet, et perpétuent le système aujourd’hui bien étrange d’une offre culturelle limitée et présélectionnée. Je me suis donc retrouvé récemment à feuilleter un exemplaire papier du Monde (donné gratuitement par la compagnie aérienne, mais néanmoins compté parmi les ventes).

Comme de coutume, lors de la confrontation avec ces dinosaures, je saute les pages et les articles, cherchant désespérément un contenu qui intéresse les moins de soixante ans parmi les pubs de montres tape-à-l’oeil ou de voitures diesel. Jusqu’à croiser un intitulé qui me cligne de l’oeil (« Un nouveau discours politique a émergé », par Henri Pena Ruiz – que j’avais en fait déjà lu en ligne…).

Au moment de commencer ma lecture, je suis interrompu par l’interposition d’un écran mental tout droit sorti de Twitter: mais qui donc m’a recommandé cette lecture? Désemparé par l’absence de réponse à ce nouveau réflexe cognitif, j’ai un moment de flottement – et passe à la page suivante… La dynamique si puissante et si claire de la recommandation est devenue mon premier filtre médiatique. Je ne sais plus lire un journal papier.

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La preuve par les Télétubbies

Hier soir, au moment de se coucher, j’évoque je ne sais plus pourquoi le dessin animé Le manège enchanté. On se retrouve évidemment avec Charles et Louis devant YouTube, à surfer d’Aglaé (et Sidonie) à Zébulon en passant par Chapi Chapo (apapo). Et puis, en se laissant porter par le marabout-de-ficelle de la plate-forme, voilà que surgissent les Télétubbies. Ce n’est plus mon enfance qui s’anime à l’écran, mais la leur. Leur premier programme télé, consommé en VHS (qui doivent encore traîner dans la cave), vers l’âge de deux ans.

On les a aimé, en famille, Tinky Winky, Dipsy, Laa-Laa et Po, sautillantes peluches toujours ravies, qui ont fait partie des premiers mots articulés par nos bambins. Et puis nous les avons oubliées. Une douzaine d’années plus tard, c’était la première fois que nous rouvrions ensemble la boîte à souvenirs.

Chatouillés par le générique, un peu émus, Charles et Louis s’esclaffent rapidement. Ils ne dansent même pas en rythme! Louis dit: maintenant, je ne vois plus que des gens dans un costume, qui s’agitent de façon ridicule. Et moi aussi, à côté de lui, je ne vois en fait que ça: les marques qui trahissent les défauts des rembourrages, et qui désignent les acteurs engoncés dans leur déguisement. Ils doivent avoir chaud! dit Charles. Continuer la lecture de La preuve par les Télétubbies