La preuve par les Télétubbies

Hier soir, au moment de se coucher, j’évoque je ne sais plus pourquoi le dessin animé Le manège enchanté. On se retrouve évidemment avec Charles et Louis devant YouTube, à surfer d’Aglaé (et Sidonie) à Zébulon en passant par Chapi Chapo (apapo). Et puis, en se laissant porter par le marabout-de-ficelle de la plate-forme, voilà que surgissent les Télétubbies. Ce n’est plus mon enfance qui s’anime à l’écran, mais la leur. Leur premier programme télé, consommé en VHS (qui doivent encore traîner dans la cave), vers l’âge de deux ans.

On les a aimé, en famille, Tinky Winky, Dipsy, Laa-Laa et Po, sautillantes peluches toujours ravies, qui ont fait partie des premiers mots articulés par nos bambins. Et puis nous les avons oubliées. Une douzaine d’années plus tard, c’était la première fois que nous rouvrions ensemble la boîte à souvenirs.

Chatouillés par le générique, un peu émus, Charles et Louis s’esclaffent rapidement. Ils ne dansent même pas en rythme! Louis dit: maintenant, je ne vois plus que des gens dans un costume, qui s’agitent de façon ridicule. Et moi aussi, à côté de lui, je ne vois en fait que ça: les marques qui trahissent les défauts des rembourrages, et qui désignent les acteurs engoncés dans leur déguisement. Ils doivent avoir chaud! dit Charles. Continuer la lecture de La preuve par les Télétubbies

Les Inrocks communiquent: Laetitia n'aime pas la télé

Un article des Inrocks multi-signalé parmi mes contacts tente d’expliquer « Pourquoi les jeunes regardent de moins en moins la télé » en interviewant Laetitia, 24 ans, étudiante en philosophie ou Antoine, 23 ans, étudiant en lettres.

Voilà un papier qui n’a pas les idées claires. Pour faire simple, la télé, c’est d’abord pour les vieux et pour les pauvres. Par rapport à la population totale, les jeunes sont déjà ceux qui regardent le moins la télé, dont la consommation augmente proportionnellement à la progression en âge et à la raréfaction des liens sociaux. Pas sûr que l’interview de jeunes surdiplômés constitue un échantillon très représentatif.

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Columbo, du grand art

«Le grand public le connaît surtout pour le rôle de l’inspecteur Columbo, mais l’acteur avait joué dans de nombreux films», écrit 20Minutes.fr pour saluer la disparition de Peter Falk, faisant écho à de nombreuses nécros pareillement balancées. Traduction: star de la télé, ça ne vaut pas une cacahouette; pour prouver qu’on a été un grand acteur, rien ne vaut Cassavetes…

A-t-on besoin de la bénédiction de la culture légitime pour reconnaître le talent? On peut aimer Cassavettes et trouver que Columbo a été un formidable rôle, incarné à la perfection par un comédien surdoué.

Comme souvent, Umberto Eco n’est pas tombé loin quand il décrit Columbo comme la nouvelle manifestation du petit homme, héros au rabais de la modernité télévisée (De Superman au surhomme, Grasset, 1993). Mais l’auteur du Nom de la Rose était déjà trop star lui-même pour être encore sensible à la part de revanche de classe que comporte le feuilleton.

En promenant son imper crade et ses manières de beauf dans les salons de grands bourgeois convaincus de leur impunité, l’inspecteur venge les prolos du monde entier, qui n’aimeraient rien tant que secouer la cendre de leur cigare à deux balles sur le tapis angora et faire trembler les puissants d’un «encore un p’tit détail» (« just one more thing« )…

Oui, la télé peut parfois venger les pauvres, et Columbo a été un de ces feuilletons universels qui a signé la montée en puissance de la culture télévisuelle, l’envers satirique du personnage incarné au cinéma par James Bond, avec épouse légitime invisible et moyens riquiqui, quand le grand écran affichait ses pin-up et ses dollars. Une création d’époque, un rôle comme il n’y en a que quelques-uns par génération, que Peter Falk incarnait visiblement avec un plaisir gourmand. Salut, l’artiste!

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=yuevpFTS_po[/youtube]

15 secondes pour France 5

Lorsqu’Andy Warhol énonce en 1968 l’aphorisme fameux selon lequel chacun aura droit à ses 15 minutes de célébrité (« In the future everyone will be famous for 15 minutes« ), la mention d’une durée si brève a pour fonction de ridiculiser cette gloire factice. Quelque quarante ans plus tard, « Médias, le magazine » (France 5) réduit à 15 secondes la durée moyenne d’expression de ses invités. On n’a pas intérêt à bafouiller.[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=G8Izpm_9n_w[/youtube]

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Téléphobie

Je rebondis sur un billet que Rémy Besson consacre au petit ouvrage de Pierre Bourdieu sur la télévision, qui avait suscité chez moi une grande déception. J’avais rapidement rangé Sur la télévision, opuscule rapide et pas à la hauteur de la réflexion acérée de Bourdieu sur les mécanismes culturels, parmi les symptômes du désintérêt des lettrés pour le petit écran.

Ce désintérêt renvoie selon moi à un contexte plus global. Pour le dire à mon tour de façon excessivement rapide, mon impression est que la télévision n’a jamais réussi à créer une culture – au sens d’un ensemble identifié d’œuvres ou de référents partagés, unis dans une réception valorisée, disons une culture construite.

Signifiés par les expressions de « cinéphilie » ou de « discophilie », le film ou la musique enregistrée ont été des créations technologiques qui ont été très tôt accompagnées de systèmes de valorisation de leurs contenus par une sociabilité spécialisée, l’organisation de clubs, de publications, et l’émergence d’une critique des contenus. La photographie est probablement la plus ancienne des activités techniques à avoir généré spontanément, dès 1851, une activité culturelle sur le modèle du connoisseurship des œuvres d’art.

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TF1 ne fait plus peur

La lettre d’Arnaud Montebourg au PDG de TF1 est un excellent signe. Non pas parce qu’il y dénonce le culte du beaufisme de la chaîne de Jean-Pierre Pernaut. Mais parce qu’un responsable d’un grand parti refuse pour la première fois de se coucher devant l’arrogance du média télévisé, qui réclamait des excuses. Ce brusque réveil indique que la nouvelle de son influence déclinante est arrivée jusqu’aux oreilles des politiques. Pour qu’un socialiste ose renvoyer TF1 dans les cordes, c’est que la première chaîne ne fait plus peur.

Celle-ci fait face à un vrai désastre industriel. Concurrence de la TNT, crise éditoriale, managériale et stratégique, chute des ressources publicitaires: la débâcle de la Une a poussé l’ami de Martin Bouygues, Nicolas Sarkozy, à vouloir supprimer la réclame sur les chaines publiques. Mais rien n’y fait. Passée de 42% de part d’audience en 1991 à 26% en 2009, elle suit une pente régulière qui permet de prévoir qu’elle devrait descendre sous les 20% avant 2015.

Premier à subir les dégâts de cet affaiblissement: l’hôte de l’Elysée lui-même, pour qui TF1 avait cousu une émission sur mesure en janvier, afin de lui rendre un peu de son crédit. On a pu vérifier dès les élections régionales l’échec de cette manœuvre. Comme autrefois celui des princes, le pouvoir des médias dominants est fait du poids des habitudes et d’un conformisme poltron. Il suffit d’un impertinent pour découvrir que le roi est nu.

Le sarkoshow, combien de téléspectateurs en 2012?

Nicolas Sarkozy a tenu à multiplier les brevets de bonne conduite à son ministre du travail. Mais Eric Woerth pourrait avoir besoin de soutiens plus crédibles. La parole du chef de l’Etat se dévalue en effet à grande vitesse. Ils étaient encore 6,6 millions de téléspectateurs pour écouter hier sur France 2 ses justifications face au Bettencourtgate, soit l’audience la plus faible jamais réunie par un entretien présidentiel. Deux millions de moins que pour l’émission Paroles de Français sur TF1 le 25 janvier 2010 (8,6 millions). Cinq millions de moins que pour son interview du 20 juin 2007 sur TF1 (11,6 millions). Douze millions de moins que pour son interview diffusée par TF1 et France 2 le 29 novembre 2007 (18,8 millions). Si l’on trace la courbe de l’audience prévisionnelle d’un sarkoshow en 2012, celui-ci risque de côtoyer les scores d’un épisode de Fort Boyard.

La 3D chez soi, on attendra

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Commentant il y a six mois la vogue marketing de la 3D, j’avançais que ces dispositifs ne tarderaient pas à être disponibles dans nos salons. J’ai essayé hier, à la Fnac, mon premier téléviseur 3D. Ces modèles équipés du système shutter glasses utilisent le même principe (lunettes à obturation alternée à cristaux liquides) que la stéréo numérique dont Avatar a assuré la promotion. Ils ont été lancés en France à l’occasion de la coupe du monde de football, TF1 devant diffuser 5 matchs en 3D via le bouquet satellite CanalSat.

Pas facile. En l’absence de vendeur, devant un Samsung qui montre en boucle des extraits de Monstres vs Aliens, je chausse les lunettes disponibles sur le présentoir, sans arriver à modifier la vision des lignes doubles qui m’indiquent que ma perception reste strictement 2D. J’essaie en me rapprochant puis en m’éloignant de l’écran. « Ca ne marche pas », me lance un môme rigolard.

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Impuissance de la télévision

Ca faisait bien longtemps que je ne m’étais plus planté devant l’écran pour un rendez-vous télévisé. Du flux, oui, des films, des séries, quelques bouts d’émissions piochés au petit bonheur – pour le reste, Twitter, Facebook et Fullhdready font amplement l’affaire.

Bizarre d’attendre le moment du début. Sur TF1 qui plus est. Propagande en direct. Crédibilité zéro. Pas fou, sur Europe 1, on avait pris la précaution de préciser que nul n’avait vérifié ni orienté les questions des intervenants, laissés entièrement libres de leur expression.

Mais au bout du troisième, avec les chiffres sur le bout des doigts et les détails ultra-précis mobilisés par le président comme à la parade, on avait vite compris. Pas besoin de mettre sur écoute les fameux « Français », puisqu’ils avaient préalablement fait l’objet d’interviews par la chaîne, et que leur identité était connue. Sarkozy avait bien bûché ses dossiers, anticipé chaque thématique, et avait réponse à tout. Pour le reste, Pernaut veillait au grain, retirant prestement la parole au moindre faux-pas.

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Déjà vu

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=36OBKAech14[/youtube]

Beau travail de repérage et de montage par le « Petit journal » du 28 octobre, repris par Le Post, Le Monde ou Slate (à noter que la version diffusée sur Dailymotion a été retirée le 29; MàJ: celle sur YouTube le 31), d’extraits identiques de discours prononcés par Sarkozy les 19 février, dans le Jura, et le 27 octobre 2009, dans le Maine-et-Loire.

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