Impuissance de la télévision

Ca faisait bien longtemps que je ne m’étais plus planté devant l’écran pour un rendez-vous télévisé. Du flux, oui, des films, des séries, quelques bouts d’émissions piochés au petit bonheur – pour le reste, Twitter, Facebook et Fullhdready font amplement l’affaire.

Bizarre d’attendre le moment du début. Sur TF1 qui plus est. Propagande en direct. Crédibilité zéro. Pas fou, sur Europe 1, on avait pris la précaution de préciser que nul n’avait vérifié ni orienté les questions des intervenants, laissés entièrement libres de leur expression.

Mais au bout du troisième, avec les chiffres sur le bout des doigts et les détails ultra-précis mobilisés par le président comme à la parade, on avait vite compris. Pas besoin de mettre sur écoute les fameux « Français », puisqu’ils avaient préalablement fait l’objet d’interviews par la chaîne, et que leur identité était connue. Sarkozy avait bien bûché ses dossiers, anticipé chaque thématique, et avait réponse à tout. Pour le reste, Pernaut veillait au grain, retirant prestement la parole au moindre faux-pas.

Du coup, un bel exercice de voltige médiatique, rappelant les meilleurs moments de la campagne présidentielle – souvenirs déjà lointains – mais en pure perte. L’astuce une fois éventée, le Sarkoshow trop bien huilé pédalait dans la plus parfaite indifférence.

Fallait-il qu’il fut aux abois, le président si arrogant, si vulgaire, incapable de faire une phrase de plus de quatre mots sans la béquille Guaino, pour apparaître ici si simple, si prévenant, si attentif, si respectueux, si informé. Pour s’être mis tant de chiffres dans la tête. Dans un décor si ostensiblement modeste – Sarkozy assis à la même fausse-table de bar, sur le même fauteuil à roulettes que celui des autres intervenants, dans une égalité si parfaitement égale qu’elle prêtait à sourire.

Fallait-il qu’il crût aux pouvoirs de la télévision. Comme si une émission allait effacer deux ans et demi de faux-pas, de décisions autocratiques et de morgue décomplexée. Comme si une poignée de pixels allait nettoyer notre mémoire d’un coup de torchon.

Mais sur le plateau, les regards parlaient plus que les mots. Cause toujours bonhomme, déroule tes statistiques autosatisfaites, la France a fait mieux, était-il possible de faire autrement, c’est précisément ce que nous avons fait. Un discours de Madame la marquise qui tombait à plat devant les figures de trois pieds de long des intervenants – chômeuse, sous-traitant, productrice laitière en déroute, caissière sans le sou… – qui voyaient bien que cet homme-là ne pouvait rien pour eux.

Au final, c’est cela qu’on retiendra. Un discours se fracassant sur les aspérités du réel. Non pas des « Paroles de Français », mais une parole présidentielle voulant avoir réponse à tout, et n’arrêtant pas de glisser désespérément sans trouver la moindre prise. Même avec la meilleure volonté du monde, TF1 ne peut pas tout. Malgré un dispositif extraordinairement complaisant, Sarkozy est apparu comme un acteur impuissant, dépassé, incapable de comprendre les maux qui lui étaient décrits. Et la télévision à sa suite comme un navire filant vers le naufrage.

3 réflexions au sujet de « Impuissance de la télévision »

  1. « Sarkozy est apparu comme un acteur impuissant »

    A tel point qu’on avait l’impression par moments qu’il était le 11ème « français moyen » de ce plateau, lui qui était tellement d’accord avec tous ses invités sur tous les sujets, pour mieux leur parler de ce qu’il avait bossé (la séquence « Et le plan de Fadela Amara pour les banlieues ? » suivi du blabla habituel du président à propos de l’insécurité était criant de vérité) .

  2. Ping : Topsy.com

Les commentaires sont fermés.