Je ne me suis jamais considéré comme un photographe. Tout juste quelqu’un qui, comme beaucoup d’autres, aime à produire ces images – un amateur, au sens premier du terme. C’est pourquoi j’ai décidé, il y a quatre ans, en ouvrant mon compte Flickr, de placer mes photos sous licence creative commons, autrement dit d’en autoriser la reproduction gratuite.
Depuis, plusieurs dizaines de mes photos se sont trouvées reproduites ici et là. Selon deux scénarios, et toujours la même ligne de partage. D’un côté l’internaute souhaitant illustrer son site, qui m’en fait au préalable la demande, ou m’en informe a posteriori, par un mail sur mon compte Flickr, ou encore le site de presse anglophone, toujours scrupuleusement poli, bien outillé, qui me permet de confirmer d’un clic mon accord pour la reproduction. Dans tous ces cas, c’est un plaisir de voir mes images reprises, employées dans des contextes particuliers, de façon aimable et respectueuse.
De l’autre, le site de presse francophone: jamais une demande, même pas une information a posteriori, dont on découvre le chapardage au détour d’une promenade en ligne ou d’un signalement par un ami. Chapardage? Mais l’image n’est-elle pas en licence CC? Certes, mais il y a visiblement deux manières de faire. Pour les sites de presse francophones, il faut s’estimer heureux de voir son nom cité – alors que cette mention est bel et bien stipulée par les conditions de la licence (tout comme, dans mon cas, l’interdiction d’un usage commercial, ce qui pose problème pour des réutilisation dans un contexte presse). Un lien vers le compte d’origine est encore plus rare – il est systématique lorsque ce sont des blogueurs qui reproduisent la photo.
Aujourd’hui, je trouve une de mes photos utilisées sur le site de Sylvestre Huet, journaliste à Libération spécialisé dans les sciences, qui trouve sur son blog un espace plus large que celui chichement accordé dans les colonnes de son journal. Pas une mention, pas un lien – et quand on clique sur la photo, on a droit a la copie agrandie soigneusement archivée sur le site liberation.fr. Compte tenu de la licence, l’ami Sylvestre n’a certainement enfreint aucune loi en empruntant de façon cavalière cette photo. Mais pour moi, au lieu de me sentir flatté de voir ma photo reprise, j’ai l’impression qu’on a piqué dans mon porte-monnaie. (MàJ: Sylvestre Huet a réagi avec célérité, et corrigé son billet, voir ci-dessous en commentaires).
Ce sentiment ne vient pas seulement de l’ignorance de ma paternité. Il naît du mésusage de l’espace 2.0, confisqué par un journaliste qui n’en connaît pas les codes. Pour un blogueur sachant bloguer, citer une photo sans faire un lien vers la source est contraire à toutes les règles. Et cela non en vertu d’un naturel chevaleresque, mais parce que l’univers du blogging est celui de la réciprocité. Un blogueur qui utilise un contenu sait que les siens pourront être cités de la même façon. Il a donc tout intérêt respecter les prérogatives de ses pairs, s’il veut être traité à l’identique.
Mais Sylvestre Huet ne partage pas ses photos sur Flickr, et ce n’est pas demain que je pourrai lui rendre la pareille. C’est bien dommage, parce que s’il avait expérimenté cette forme d’exposition, il comprendrait aisément ce que son geste a de désinvolte, et en quoi il contredit l’esprit du web.
Les licences CC ne dispensent pas d’attribuer les travaux, elles ont justement été créées comme alternative au domaine public où la paternité de l’auteur n’est plus connue. Utiliser une image sous licence CC sans l’attribuer constitue bel et bien une faute.
Pour ma part je dois avouer que je n’ai jamais prévenu un auteur de l’utilisation de son image, mais tant que c’est possible, je mentionne toujours la paternité et la licence qui la couvre.
Le voleur prive également l’internaute partageur de ses rétroliens. Un blog de la BCC a utilisé une des mes images en respectant la déontologie du CC, du coup les lecteurs qui cliquent sur l’image arrivent sur mon photoblog et j’ai ainsi bénéficié de plusieurs centaines de visiteurs supplémentaires en quelques jours.
Si le référencement a été fait correctement (nom ou pseudo + lien), ce n’est pas la peine de prévenir l’auteur puisque celui-ci peut vérifier régulièrement quels sont les blogs qui le citent en utilisant un outil adequat ( scout/bighugelabs, Icerocket, bloglinesearch…).
A contrario, le blog de celui qui a soigneusement effacé toutes traces (absence de nom, pas de rétrolien…) est introuvable, ce qui fait bien penser à une tricherie délibérée…
Bonjour André, l’oubli est réparé. J’avoue que cette photo fait partie d’un stock d’images des mouvements de l’an dernier que j’ai constitué sur mon ordinateur. Je les réutilise dans plusieurs notes, c’est le cas de cette photo, ce qui me permet de réaliser les notes plus vite, explication première de ce système. L’autre est simple : ce blog n’a pas de ressources, Libé paye l’abonnement à Typepad et c’est tout… ce qui explique aussi l’absence de contrôle de la rédaction en chef sur son contenu. La seule solution complètement clean serait de ne mettre aucune image…. puisqu’aucune ne donnera lieu à paiement de droit. Bon, heureusement, je n’ai jamais eu de demandes de la part des scientifiques pour leurs images ou des Agences spatiales qui les distribuent gratuitement, ou de reporters photographes de Libé qui m’en font cadeau à l’occasion.
Cordialement
Sylvestre Huet
Sylvestre, merci beaucoup – et bravo! Réagir aussi vite en apporte la preuve: vous êtes un blogueur sachant bloguer! A quand l’ouverture d’un compte sur Flickr?
A noter que les blogs WordPress n’ont intégré qu’en 2008 la possibilité de disposer une légende sous une image – une fonction bien pratique, encore absente de nombreux CMS. C’est aussi grâce à ce genre de détail qu’on peut améliorer les réflexes d’attribution, qui ne sont pas monnaie courante depuis si longtemps au sein des organes de presse.
Je dois avouer que pour ma part je m’en tiens en ce domaine aux règles élémentaires de courtoisie sans être aussi zélé que tu le préconises ; je cite les auteurs des images (souvent trouvées sur google images) et ne mets pas toujours de lien vers la source pour la bonne et simple raison que les endroits où je les prends (souvent des sites de presse en ligne) ne sont pas des « sources » mais déjà des relais. Quant à prévenir, qui prévenir quand j’utilise une image AFP prise sur le site de Libé.fr ? Quant à Fra Angelico ou Tichy ou Gonnord, les artistes, je me dis qu’ils acceptent qu’on les commente… ils sont des artistes… Je trouvais vraiment incroyable de ne pas pouvoir voir les illustrations d’etudes Photographiques avant son retour.
Je pars souvent d’une image que je commente (sans but lucratif) et il me semble qu’en vertu d’une tolérance amicale de principe, donner le nom de l’auteur est un signe de courtoisie suffisant quand les images sont « publiques » ou « partagées » et quand leur utilisation est sans intentions mercantiles…
Mais ceci dit, un compte Flikr est un album privé partagé mais pas semé aux quatre vents et y puiser c’est entrer chez quelqu’un, il faut dire bonjour et merci…
Merci en tout cas de rappeler ici que toutes les images sur internet n’ont pas le même degré de disponibilité et qu’elles ont parfois un auteur bien en chair auquel elles sont liées et auquel il faut donc les relier… L’usage d’internet et la vitesse d’écriture peut nous faire oublier cette réalité que les relations et les gestes y sont bien vifs et pas virtuels.