Mieux vaut être riche et bien portant…

Le site « Photos non contractuelles » a été signalé récemment par plusieurs de mes contacts. Celui-ci déclare recenser «les pires différences que l’on peut observer entre les publicités et la réalité» et appelle ses lecteurs à lui faire parvenir des photos.

«La ruine de la théorie indicielle», commente ironiquement un ami. Ce qui n’est qu’à moitié vrai, car si l’illustration de gauche est en effet supposée menteuse, la photo de droite a bien pour mission de rétablir la vérité en dévoilant l’image réelle du produit.

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Egypte: de la révolution dans les images

Traitement radicalement différent de l’insurrection égyptienne, qui a immédiatement donné lieu à une forte circulation d’images – images qui, précédent tunisien aidant, sont clairement présentées sous un angle révolutionnaire, même en l’absence de renversement du régime. On a accès à la fois à une couverture télévisée abondante par les JT français, les signalements de vidéos amateurs se multiplient sur les réseaux sociaux, et on aperçoit déjà des albums compilés de photos de presse (par exemple sur le Big Picture-like TotallyCoolPix)

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Un montage qui ne se voit pas est une retouche

Buzz appréciable pour la couverture représentant une photo de Christine Lagarde collée sur fond d’arcades de l’avenue Daumesnil, dans la feuille locale UMPiste Les Nouvelles du 12e, manipulation dénoncée sur son blog par le conseiller municipal du Parti de Gauche Alexis Corbière. Au-delà du succès toujours garanti de l’effet « jeu des 7 erreurs », sorte de degré zéro du décryptage visuel, plusieurs points me paraissent dignes d’être relevés.

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Création de récit (2): Le Point sonne la fin de la lepénisation visuelle

Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas vu Sarkozy souriant – du moins en couverture des magazines. Avec son n° du 7 octobre, Le Point sonne la fin de la séquence de « lepénisation visuelle » du président. Une belle image de couverture, composée par un portrait choisi avec soin pour son sourire teinté de gravité, qui fait ressortir les rides et les cheveux gris d’un président qu’on peut imaginer prématurément vieilli par les soubresauts de l’été (une image réalisée par Jean-Baptiste Vernier (JBV News) à l’occasion de la réception de Benjamin Natanyahou à l’Elysée le 27 mai 2010), mais qui présente la particularité d’avoir été détouré et collé sur un fond dont le dégradé automnal est une création du graphiste. Une retouche inhabituelle pour un portrait d’homme politique, qui apporte la preuve du caractère progagandiste de l’exercice.

Pas le temps de me lancer dans l’analyse iconographique de l’article « Comment il prépare sa revanche », co-signé Anna Caban, Saïd Mahrane et Sylvie-Pierre Brossolette, qui a visiblement beaucoup à se faire pardonner, mais il s’agit d’un cas d’école de construction éditoriale, dont l’iconographie n’est composée que d’images « positives » d’un président souriant, au travail, au contact des Français, etc. Une création de récit digne de l’ancienne RDA, qui manifeste que l’Elysée a décidé de refermer la longue parenthèse de l’été sécuritaire, pour repêcher un président enfoncé au plus bas des sondages par ce choix désastreux. Mais qui confirme aussi à quel point un récit se construit avec des images – ou plus exactement: des suggestions visuelles.

Retrouver la peau

Alexie Geers, qui consacre sa thèse à l’image du corps dans les magazines féminins, a observé le dernier numéro de Marie-Claire, prétendument « 100% sans retouches », et noté avec justesse qu’un certain nombre de biais faussaient l’application du principe revendiqué par la rédaction – à commencer par la forte présence de la pub, qui ne couvre pas moins d’un tiers de la surface du numéro. Faire photographier de superbes jeunes femmes, dont le vêtement ou le maquillage ont fait l’objet des soins de toute une équipe, sous un éclairage impeccable, par des professionnels rompus à l’exercice, n’est sans doute pas la prise de risque la plus téméraire de l’histoire du magazine.

Et pourtant, même dans ces conditions optimales, sur quelques photos, l’absence de la retouche se fait clairement sentir. La jolie Louise Bourgoin prend 5 ans de plus. Et sur l’épiderme parfait d’un mannequin, on aperçoit des effets de matière auxquels nous ne sommes plus habitués – une texture plus marquée, une granulation plus présente, quelques traces de duvet ou de cheveux follets, des veines bleues sous la peau (ci-dessus, cliquer pour agrandir).

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Photoshop 20th anniversary. Startup memories

In this documentary, the founders of Adobe Photoshop – John Knoll, Thomas Knoll, Russell Brown, and Steve Guttman – tell the story of how an amazing coincidence of circumstances, that came together at just the right time 20 years ago, spawned a cultural paradigm shift unparalleled in our lifetime. (17:49, 02/18/2010), consulter: http://tv.adobe.com/…

La beauté parfaite, ou le dernier rêve

Pocahontas était un conte de la mixité raciale. Malgré la proximité des scénarios, Avatar n’a que peu à voir avec cette mythologie. Ce n’est pas le problème de la race qui fonde le film, mais celui de l’évasion vers un corps idéal – c’est précisément le programme énoncé par son titre. L’écologie, les indiens, ne sont que des éléments de décor. Le film ne joue pas avec le récit, réduit à la portion congrue, il joue avec les images. Ces images qui n’ont pas besoin de légende sont celles de ces corps si beaux.

D’une beauté si familière. C’est ce film qui m’a fait comprendre que le motif de la beauté parfaite n’est pas simplement un détail décoratif des magazines féminins, mais un paradigme omniprésent de l’industrie culturelle, qui se décline de la mythologie de la retouche au personnage sublimé de Michael Jackson. Peut-être le rêve le plus puissant de notre société, qui n’en n’a plus guère.

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La retouche incarnée

Du temps de Winkelmann, les Allemands lettrés croyaient que les Grecs étaient tous beaux et sveltes. Ils en jugeaient à partir des copies d’antiques, Vénus Médicis ou Apollon du Belvedère, dont la plastique idéale s’offrait en modèle à la pratique des beaux-arts. Jamais la photo n’a été aussi proche de la statuaire que dans les exercices graphiques auxquels se livrent les journaux féminins d’aujourd’hui, qui dotent les icônes publicitaires de corps inaccessibles.

Pendant que certains croient utile de dévoiler le caractère improbable d’une telle perfection, l’industrie cosmétique va chercher l’emblème d’une nouvelle efficacité correctrice du côté de la retouche photographique. Dans un article intitulé « Teint pixel, peau nickel », le dernier numéro de Marie-Claire vante les qualités de traitements qui « retouche(nt) notre peau comme sur photo numérique » (n° 689, janvier 2010). Camouflages de pores dilatés, corrections matifiantes, comblement des ridules aux polymères: c’est Photoshop en crème ou en gélules, qui donnera à notre peau la douceur d’une protection pour mobile, le toucher soyeux d’une joue de poupée. La chair est faible. Dans l’univers de Surrogates ou d’Avatar, rien ne vaut le silicone.

Frankenstein au pays des images

Pilote de l’excellent blog Devant les images, et un des visualistes les plus sagaces de la blogosphère, Olivier Beuvelet a trouvé matière à exercer sa verve avec l’enquête iconographique du Petit Journal de Canal +, qui révélait mardi dernier qu’un clip de propagande de l’UMP était composé d’images américaines issues de l’agence Getty Images. Chevauchant l’antithèse d’un parti féru d’identité nationale et de l’origine étrangère des séquences, Olivier dénonce « cette vision Disneyenne de la France » et prend un malin plaisir à moquer un lapsus qui révèle la confusion d’un pouvoir incapable de distinguer la réalité de ses projections imaginaires.

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De la retouche avant la photographie

venus_medicisQuatremère de Quincy, De L’imitation, 1823, par. IX, p. 343-345.

« J’ai en vue maintenant de combattre les préventions de ceux qui, dans l’imitation des corps, ramenant tout à la matière, regardent comme violation de la vérité tout changement d’apparence opéré sur les objets et les sujets que le système métaphorique de l’art peut atteindre et modifier.

Rien de plus général et de plus répandu que cette sorte de répugnance à la métaphore dans les arts du dessin. On s’imagine que leur imitation, dès qu’elle emploie les formes corporelles, doit se renfermer dans les bornes de la réalité matérielle. Comme on vit en société continuelle avec presque tout ce qui compose les modèles physiques de ces arts, on se familiarise à une manière d’être et de voir qui s’identifie avec les habitudes de l’instinct et l’on ne veut admettre d’imitation que celle dont l’instinct aussi reçoit l’impression. Ainsi le commun des hommes se refuse à reconnaître comme légitime et permis, dans l’image des personnes et des sujets, tout changement qui peut être dû à la métaphore du style de dessin idéal, aux transpositions de l’allégorie, aux conventions sur lesquelles nous verrons que se fondent les divers styles de composition qui entrent dans les moyens de l’imitation idéale.

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