Du temps de Winkelmann, les Allemands lettrés croyaient que les Grecs étaient tous beaux et sveltes. Ils en jugeaient à partir des copies d’antiques, Vénus Médicis ou Apollon du Belvedère, dont la plastique idéale s’offrait en modèle à la pratique des beaux-arts. Jamais la photo n’a été aussi proche de la statuaire que dans les exercices graphiques auxquels se livrent les journaux féminins d’aujourd’hui, qui dotent les icônes publicitaires de corps inaccessibles.
Pendant que certains croient utile de dévoiler le caractère improbable d’une telle perfection, l’industrie cosmétique va chercher l’emblème d’une nouvelle efficacité correctrice du côté de la retouche photographique. Dans un article intitulé « Teint pixel, peau nickel », le dernier numéro de Marie-Claire vante les qualités de traitements qui « retouche(nt) notre peau comme sur photo numérique » (n° 689, janvier 2010). Camouflages de pores dilatés, corrections matifiantes, comblement des ridules aux polymères: c’est Photoshop en crème ou en gélules, qui donnera à notre peau la douceur d’une protection pour mobile, le toucher soyeux d’une joue de poupée. La chair est faible. Dans l’univers de Surrogates ou d’Avatar, rien ne vaut le silicone.