Le paradoxe de Moebius

Décès du dessinateur Jean Giraud, alias Moebius. J’ouvre la page de sa notice sur Wikipedia (voir ci-dessous, à gauche). Puis j’entre la requête « Moebius » sur Google Images (voir ci-dessous, à droite). Cherchez l’erreur (cliquer pour agrandir).


Oui, notre société a un sacré problème avec les images. Et oui, internet a tout changé. J’admire la vaine rectitude de Wikipedia, qui s’efforce de produire une information respectueuse de l’ancien système de protection des industries culturelles. Mais cette pensée où l’image n’est pas une information est désormais caduque. Merci au web de nous montrer quand même celles de Jean Giraud.

45 minutes sur YouTube (notes)

D’Eric Morena à Thomas Ngijol en 45 minutes, circulation principalement via les suggestions internes (pertinence de la proposition auto-référentielle, clé de l’offre de contenus de YouTube, où la vie d’une source est aléatoire).

Au départ, vague recherche autour des chansons satiriques, diluée par la sérendipité en promenade à sketches. Unité des formats. Puissance du principe du marabout-bout de ficelle: la promenade est un programme. A rapprocher du zapping, mais structure plus souple, offre plus large et cadrage de la suggestion: à la différence du zapping, je ne m’ennuie pas. Un vrai divertissement. En revanche, grande proximité avec les émissions type bêtisier, vidéo gag, programmes de formats courts qui favorisent eux aussi une logique du rebond, attention flottante (on peut sortir n’importe quand). A noter que le caractère privé de la promenade autorise le détour par des consultations inavouables, offre difficile à reproduire pour une programmation officielle.

Une indication sur le destin de Sarkozy: plutôt que de rentrer dans l’histoire, le futur ex-président est voué à devenir une figure de la sérendipité à sketches façon vidéo gag (cf. DSK).

Politique de la mémoire

Méditation à partir du billet de François Bon: « mémoire vive contre mémoire vide« , qui réagit à un article de Pierre Assouline dénonçant, pour aller vite, « la désinvolture de l’époque vis-à-vis de sa mémoire », en pointant du doigt l’outil numérique. Je ne résume pas ici la discussion du Tiers Livre, elle est à tiroirs, puisque Assouline cite de Biasi, le « généticien » des textes, qui regrette évidemment la disparition des brouillons – à quoi Bon répond très justement sur le caractère daté de son modèle. Un chercheur qui dit a un auteur comment écrire pour pouvoir préserver sa méthode me paraît en effet signer sa faillite.

Mais la question ne se limite pas à la mémoire de la littérature. Quels que soient les biais ou les erreurs de raisonnement des Assouline/de Biasi, je crois que leur diagnostic est globalement plutôt exact.

Continuer la lecture de Politique de la mémoire

Antiquité du point Godwin

Selon de nouveaux documents d’archives (voir ci-dessus), Atlantico a découvert que le point Godwin existait avant la Deuxième guerre mondiale – sinon de toute éternité. La référence à la tragédie nazie serait une caractéristique anthropologique primitive, un réflexe cognitif élémentaire.

C’est du moins la démonstration que me propose d’effectuer ce site archéologique bien connu, pour demain matin, en échange de la publication de ma photo et de la promotion par hyperliens de mes derniers ouvrages. Tu voudrais pas en plus qu’on te paye pour écrire l’article qu’on te commande?
Continuer la lecture de Antiquité du point Godwin

MegaUpload: comment se perdent les guerres culturelles

Mégaramdam autour de la fermeture manu militari d’une plate-forme d’échange de fichiers coupable du délit de contrefaçon. Comme l’explique Jérémie Zimmermann, on peut n’avoir aucune sympathie pour ces pratiques et s’étonner de la disproportion de la réaction judiciaire (et j’ajoute: de la réponse médiatique).

Cette disproportion été interprétée comme un signal adressé aux industries du copyright. Elle est aussi la manifestation la plus tangible d’une guerre culturelle perdue.

Dans ses réflexions sur la formation de l’imaginaire des sociétés modernes (Imagined Communities, 1983), Benedict Anderson rappelle le rôle joué par l’imprimerie à la Renaissance dans la reconfiguration des hiérarchies culturelles. En favorisant une « révolution du vernaculaire », cette nouvelle technologie devient le canal privilégié de la diffusion des idées de la Réforme.

Continuer la lecture de MegaUpload: comment se perdent les guerres culturelles

Twitter, cour de récréation 2.0

Quatremer ne kiffe pas Montebourg. Une vieille haine qui remonte au référendum de 2005, et qui conduit le journaliste de Libération a des excès de langage répétés. En octobre, sur la RTBF, dans une démonstration pathétique d’approximation, il trahit le fond de sa pensée: le populisme de Montebourg n’est rien d’autre qu’une résurgence du nationalisme hitlérien.

Mardi soir, très énervé par l’annonce du référendum grec, Quatremer donne libre cours à son ire antidémocratique, et se lâche dans un tweet:

Continuer la lecture de Twitter, cour de récréation 2.0

Totem, 2 ans et toutes ses dents

Destiné à la veille et à l’exploration, Totem a été le premier blog créé sur la plate-forme Culture Visuelle, avant même que celle-ci ne soit pleinement opérationnelle, le 29 octobre 2009.

En deux ans, Totem totalise 188 billets et 1630 commentaires, 172.500 pages vues et 54.855 visiteurs uniques (données Google Analytics). Il est classé 4e blog de sciences humaines par Wikio. Billets les plus consultés: « Stéphane Guillon, le sketch qui tue » (14/04/2010, 6720 vues); « L’histoire revue et corrigée » (10/09/2009, 6522 vues); « Le populisme expliqué aux enfants » (22/01/2011, 4303 vues).

Parmi les requêtes menant le plus souvent ici, on trouve: « syndrome du larbin » (210), « le mariage de Kate et William » (120) ou « prosécogénie » (77). Au-delà du monde francophone, on peut noter un nombre significatif de visites venues du Japon (1135), de Grande Bretagne (939), des Etats-Unis (887), d’Allemagne (757) et d’Italie (689).

De nombreuses idées qui charpentent mes théories, alimentent mes séminaires et les travaux de mes étudiants ont été testées ici pour la première fois.

Totem est le seul blog d’histoire de l’art qui vous parle des panneaux d’autoroute, des calendriers, de la peinture de cabinet, de la Joconde, du fétiche Arumbaya, des T-shirts de la chaîne KFC, de l’icono bio, de Star Wars, de Columbo, de Liz Taylor, de Lady Gaga, de Lady Di, du Petit journal de Canal +, des affiches de cinéma, d’illustrations alimentaires, des cubitainers de vin, de Silvio Berlusconi, de Dan Brown, de Quatremère de Quincy, des électrons, des soucoupes volantes, de l’eau sur la Lune, des exoplanètes, de 3D, des fausses bandes-annonces, de l’horreur du poil, des body scanners, du Flashcode, de la bouteille de lait Lactel, de Boulet, de Michel Sardou, de Mélanie Laurent, de téléphobie, de xénophobie, des commentaires sur Facebook, du bruit des images, de Chomsky & Sarkozy, des aliens, du non-dit, du 1er avril ou de l’avenir.

L'énigme Hondelatte


A côté de Christophe Hondelatte, Justin Bieber, c’est du pipi de chat. Avec son dernier clip, qui approche les 100.000 vues sur YouTube, le présentateur allumé de la télé publique est en train de battre le record toutes catégories du dislike: une proportion de 91% de « j’aime pas », qui mérite inscription au Guinness.

Reste à deviner ce que les 71 pouces levés ont apprécié dans cette vidéo: la richesse de la rime entre « Dr House » et « Mickey Mouse », l’orchestration façon cover des Blues Brothers un soir de pluie à Lunéville, ou les grimaces pour faire chanteur (l’imaginaire lyrique de Hondelatte s’est visiblement arrêté à Plastic Bertrand)? Dans tout succès du web, il y a une énigme.

Le pic DSK

Plus de 6500 vues en 48h pour mon billet « Une consternation française« , un des premiers à réagir à l’insupportable lecture classiste et sexiste de l’affaire DSK par la presse et les politiques, cité notamment par Rezo, Acrimed ou Rue89.

Selon la leçon naguère formulée dans « L’image parasite » qu’un pic de fréquentation en ligne traduit un déficit dans le traitement de l’information par les médias classiques, ce chiffre qui représente un record absolu sur mon blog, dépassant même mes commentaires de l’exécution de Ben Laden, fonctionne comme un sismographe révélateur de l’ampleur du problème DSK.

Sois fan et tais-toi

Excellente dans Inglourious Basterds de Tarantino, nouvelle égérie de Dior, future maîtresse de cérémonie du festival de Cannes, Mélanie Laurent a décidé de se lancer aussi dans la chanson. Mais son album à paraître le 2 mai ne lui vaut pas que des louanges. Dans une interview au journal leberry.fr, la jeune femme se lâche: «Internet, c’est une ouverture sur la haine». Il n’en fallait pas plus pour assurer le buzz, et des commentaires pas sympa du tout des internautes, qui défendent à juste raison leur droit au dislike.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=_6oE-d-n5z8[/youtube]

Le monde est-il plus méchant depuis internet? Contrairement à ce que laisse entendre l’actrice, la critique n’a pas attendu le web pour jouer du pouce baissé. Je n’aurais pas aimé être à la place de Pontecorvo lorsque Rivette lui balance son « abjection », assassinat définitif du réalisateur.

Continuer la lecture de Sois fan et tais-toi