Le photographe Olivier Aubert critiquait récemment sur Acrimed une couverture du magazine Politis, dénonçant le recours aux banques d’images et à la logique du « low cost« . Même s’il ne prenait pas la peine de le préciser, le lecteur comprenait bien que, du haut de la noblesse du reportage et de la photographie d’information, de telles pratiques bassement illustratives ne pouvaient que susciter le mépris.
Voici maintenant une image passionnante: le visage grimaçant de Sylvio Berlusconi, choisi aujourd’hui par LeMonde.fr pour illustrer un nouvel épisode de la déchéance du cavaliere: sa comparution immédiate en procès pour abus de pouvoir et relations sexuelles avec une prostituée mineure (voir ci-dessus). Patrick Peccatte, qui avait déjà étudié l’étape précédente du calvaire, sous la forme classique du facepalm, me signale que cette photo de l’Associated Press a déjà été utilisée par les Canadiens, plus rapides à la détente.
Ni banque d’images, ni low cost: il s’agit bien ici d’une photo de reportage, prise sur le vif par un professionnel et diffusée par la plus importante agence filaire. On notera d’ailleurs la présence d’une image similaire dans le choix proposé aujourd’hui même sur le site de l’AFP (voir ci-dessus, cliquer pour agrandir). Non seulement ce début de bâillement n’a aucun caractère informatif, et n’a été exécuté par le photographe qu’en sachant qu’il allait donner lieu à un usage illustratif, dans le contexte du Rubygate, mais on peut même dire que cette vision d’un visage souffrant, comme si le président du conseil était touché par un coup, est une pure construction fictionnelle, à l’inverse du rôle supposé de la photographie dans la presse.
Qu’en déduire? Qu’il s’agit là d’un abus insupportable, d’une dérive spectaculaire à condamner d’urgence? Ou bien ne serait-il pas plus juste de constater que, tout à la croyance dans l’objectivité de l’outil d’enregistrement, certains observateurs n’ont pas remarqué que cela fait bien longtemps que la photo parle la langue de l’allégorie, tutoie le second degré, et nous fait parfois sourire? Qu’elle est en un mot un instrument du journalisme, et qu’elle sait comme n’importe quel article écrit jouer de la gamme des expressions et des formes éditoriales, sans exclusive?
Lire également sur ce blog: « Qui a besoin de la tronche à Trichet?«
Le sens ainsi construit, cependant, liant image d’archive et actualité, est souvent commenté au bas des articles politiques (ainsi, sous un article annonçant les ennuis judiciaires d’un politicien belge sur un site d’information, un commentateur demande : « comment peut-il encore porter une cravate et un costume alors qu’il est arrêté. Les simple citoyens, en prison, portent l’uniforme réglementaire. Encore des passe-droit. » Alors qu’il s’agit d’une photo montrant la tête du politicien grimaçant, nullement prise après son arrestation…
Les autres répondent évidemment, sans que personne ne rappelle jamais que la photo qui illustre la dépêche n’est pas du reportage sur le vif, mais un cliché de banque de données ou de dépêche d’agence…
Je trouve le procédé un peu fort. Alors que vous avez invité Olivier à prendre un café un samedi prochain pour discuter de manière plus approfondie, vous utilisez votre blog pour l’égratigner encore… Lorsque vous parlez de mépris, on se demande à qui est adressé cet adjectif…
Sinon, il me semble que sur le fond, vous n’avez pas compris son texte. Il ne condamne pas l’utilisation des illustrations, mais le fait de la systématisation de leur utilisation, dans toutes les rubriques des journaux provenant de banques d’images dont la logique est avant tout financière.
Ça a plusieurs conséquences :
– une uniformisation des sources d’images que l’on pourrait comparée dans le domaine alimentaire au supermarché;
– une uniformisation dans la diffusion d’une vision du monde, l’image produite devant pouvoir être utilisée dans le monde entier, dans n’importe quelle rubrique, dans n’importe quel journal (du Figaro à Politis…);
– un profond changement de l’écosystème des photographes indépendants qui ne peuvent rivaliser quotidiennement avec ces agences (pour donner un exemple personnel : en deux ans, la pige pour le Herald Tribune est passée de 250 euros à… 25 euros, dans ces conditions, mieux vaut rester couché);
– une uniformisation du regard des photographes qui produisent désormais selon les canons des agences mondiales (couleurs saturées, grand angle, portrait systématique hors contexte…);
La portraitisation du monde est un de ces exemples. On peut être à l’autre bout du monde ou en bas de chez soi, certes, on rencontre des gens formidables alors on leur tire le portrait. Tout est parfait techniquement, les gens sont beaux, le regard profond, on a bonne conscience… mais le reste, la société, le système, l’environnement… ? Tout ce qui fait que chaque homme n’existe que dans la société ? Ça donne l’impression que ce SDF est un SDF, pas quelqu’un qui a été jeté de sa boite, qu’il est passé par différents services sociaux, psychiatriques… la société n’est pas responsable. Pareil pour les portraits de ces Roms, si beaux eux aussi, le regard si vif, mais que ce passe-t-il derrière la caravane ? Le raquette au sein de la communauté même, dans l’autre coin les trafics de claques d’immatriculation… mais pas seulement ça : la mairie communiste qui embauche des vigiles pour empêcher l’inscription des enfants à l’école de la ville, les rats qui sortent la nuit sous la dalle de béton pour remonter dans les caravanes… (tout ça, c’est du vécu, il y a quelques années…).
Bref, l’idée n’est pas d’être contre les portraits, mais de regretter qu’il n’y a plus que ça que l’on publie et donc que l’on produit. L’idéologie du moment est de dire que la société en a fait assez (pour les anciennes colonies, pour les jeunes des banlieues, pour les délinquants…) maintenant ces gens-là doivent se prendre en main, ils doivent mériter la nationalité française, les aides sociales… Nous ne sommes plus que des individus autonomes ayant subi la sélection/l’égalité républicaine… ceux qui ne s’en sortent pas le mérite donc. Le portrait à outrance individualise et désocialise.
Bon, mais tout ça, c’est du ressenti, pas de l’analyse et en plus ça vient d’un photographe de presse…
@Peweck: L’échange avec Olivier Aubert auquel vous faites allusion est issu d’une correspondance privée. Il ne nous est pas permis ni à vous ni à moi de le commenter publiquement. Ce qui suffit à montrer que cette tentative était une impasse. La tournure que j’ai choisi de donner à ce billet permet de rouvrir la discussion sur le fond à propos d’un article publié, ce qui me paraît plutôt une bonne chose. En évitant les procès d’intention inutiles, ça pourra nous mener quelque part.
Je fournis ci-dessus le lien vers son article, chacun peut s’y référer. Sans reprendre le détail de son analyse, voici le chapeau qui résume son texte:
«Avec la fin des grandes agences de photographies de presse – rachetées et revendues par des magnats des médias puis par des fonds de pension – et la disparition de la rémunération des piges en salaire pour les photographes, la presse, grande consommatrice d’images et grande habituée des coupes budgétaires, garnit désormais en grande partie ses pages de photographies issues de banques d’images créées à l’origine pour le marché publicitaire. Ce télescopage entre la photographie de presse et la photographie de pub serait risible s’il ne passait inaperçu et ne façonnait le regard du lecteur-consommateur…»
Il y plusieurs non-dits dans cette entrée en matière qu’il vaut la peine de redéployer, pour bien comprendre la façon dont la question est posée. La fin des agences ou de la rémunération en salaire renvoie à l’évidence à un âge d’or disparu, qui constitue le comparant implicite de la situation actuelle, dont on perçoit clairement qu’elle est regrettable. Le « télescopage entre la photographie de presse et la photographie de pub » suggère de la même manière qu’il s’agit d’un phénomène récent et que ces domaines étaient jusqu’alors maintenus séparés.
Non seulement je ne partage aucun des ces présupposés, mais ceux-ci me semblent de dangereuses chimères. Je pense à l’inverse que photographie de presse et photographie de pub ont entretenu depuis le début du 20e siècle des liens étroits, en termes formels aussi bien que structurels, qui expliquent notamment l’essor de la forme magazine et se manifestent par le déploiement précoce d’une fictionnalisation du récit photographique.
Les banques d’images n’ont pas été « créées pour le marché publicitaire », mais pour industrialiser le commerce de l’illustration, qui existe déjà au 15e siècle avec l’estampe. Cette industrialisation est déjà dans les gènes de l’invention du procédé négatif-positif par Talbot en 1841, c’est-à-dire consubstantielle et non pas étrangère au projet photographique. Bref, s’il y a bien des symptômes décrits par Aubert où je me retrouve, je suis fondamentalement en désaccord avec sa façon de situer historiquement le problème, sous la forme d’un dévoiement récent, pour des raisons de pénurie économique, d’un système qui fonctionnait bien autrefois – idée qui me paraît une illusion rétrospective.
Le choix illustratif qu’Aubert critique avec la couverture de Politis est dénoncé au nom de sa provenance (Getty Images), à partir d’un raisonnement qui isole l’imagerie publicitaire, qui «n’est plus dictée par le souci d’informer mais par celui de séduire». Mais où est le souci d’informer dans la photo de Berlusconi ci-dessus (diffusée par AP), ou dans le portrait de de Gaulle retenu par Life pour figurer « The Great Mal de Tête » de la France en mai 1968? Il faut accepter ce constat: la photo a toujours été utilisée pour séduire plutôt que pour informer. Mais il faut le compléter en précisant que, contrairement à ce que pense Aubert, la séduction n’est pas l’antithèse de l’information: elle en est plutôt l’instrument – cela s’appelle du journalisme.
Quelques remarques de forme. J’utilise un mail privé, mais vous utilisez votre blog public en parallèle du mail privé… bref si on n’est pas dans la confidence, on ne comprend pas tous les enjeux de ces échanges…
D’autre part, je vous sens joueur… L’enchainement de la dernière phrase de votre introduction et la première du deuxième paragraphe en est la preuve, il y a comme un télescopage…
Sinon sur le fond. Enfin vous revenez à de l’analyse avec une très bonne argumentation qui permet enfin de reprendre la réflexion.
Alors, selon mon ressenti, j’ai la sensation que le problème provient d’une part d’un déséquilibre et d’autre part d’une vision différente (sans jugement de valeur, dû à la position que l’on occupe dans cette histoire).
Le déséquilibre entre une pratique publicitaire de la photographie qui envahie tous les champs des médias. L’exemple le plus extrême étant sans doute les magazines publiés par les mutuels, où toutes les images proviennent de banques d’images, ce qui donne la sensation que le contenu de ces publications ne nous est pas/plus destiné (par exemple, les retraités sont tous épanouis, beaux, n’ont pas de problème de dents — mal remboursé par la sécu —, ils parlent de leur sexualité difficile, mais comme des gens raisonnables — c’est un problème technique, non une conséquence de pression sociétale pour vendre de nouveaux médicaments —, si la canicule pose un problème, ils partent prendre leurs vacances en montagne…).
Pour être plus clair : en reportage, les gens viennent me voir en me disant « vous êtes de la presse, vous mentez tout le temps, je veux pas être pris en photo ». J’argumente en disant que si je ne peux pas prendre de photo librement, je devrai monter une image et si je n’y arrive pas, le journal prendra une image de banque d’image ce qui donnera une tonalité encore plus fausse à l’article et renforcera la sensation de mensonge (on nous cache des choses puisqu’on ne nous montre pas « la réalité »). Ça marche pas toujours, d’autant que je n’ai aucune garantie que la légende de l’image sera conforme à ce que je suis en train de photographier… (sans compter que les images que je suis en train de réaliser ne sont peut-être pas conformes à celles que se fait le réac-chef de l’événement et donc ne raconte pas « sa » réalité à lui…). On a donc un empilement de subjectivité que le photographe ne maîtrise pas, il est entre le marteau et l’enclume, se veut honnête, veut raconter « la vraie vie » et voit ses images (ou celles des banques d’images) utilisées comme illustration, c’est à dire déconnectée de l’événement pour raconter quelque chose qui n’est pas tout à fait juste…
Le déséquilibre aussi, car l’information est désormais une marchandise comme une autre (c’est une banalité professée désormais par tous), les frontières entre arts, information, publicité sont tellement floues qu’on est sur nos gardes, que le message se brouille (on nous cache tout…)… Il ne s’agit pas d’être contre l’art dans l’info, dans la pub, etc., mais d’avoir quelques points de repère pour comprendre le monde qui nous est présenté dans les médias.
Pour la question de la vision différente. Je viens d’en parler : le photographe entre le marteau et l’enclume : disons que ça le rend nerveux. Perte de reconnaissance pour son travail (le rédac chef photo de l’Express qui expliquait, il y a quelques années, qu’une bonne image était une image gratuite…), perte financière (j’ai donné l’exemple de l’Herald Tribune, mais il y en aurait d’autres), perte de sympathie dans la rue (suspicion, refus d’être photographié, demande d’argent en échange…).
Le sentiment d’échec est assez important au moment où semble triompher le libéralisme, on aurait envie d’entendre quelques voix différentes ou pouvoir s’exprimer encore un peu.
Alors Politis, le journal qui se veut porteur de quelque chose de différent qui fait l’impasse sur ce genre de réflexion, qui achète ses images dans les supermarchés pour faire des articles sur le bio… ça choc. Ça choquerait moins dans un journal dit « de droite ». On aimerait plus de cohérence entre le fond et la forme. Ça n’empêche pas que Kantcheff est un type très sympa (c’est lui qui m’avait payé le repas avec ses tickets resto), mais il fallait pas promettre des choses que son journal ne pouvait pas tenir, on ne leur demande pas d’être parfait, juste un minimum cohérent.
Pour finir, les photographes de presse sont en train de mourir et, du coup, ils manquent de patience, d’humour (sauf noir).
Bon , j’arrête là pour pas monopoliser le blog ma réponse est trop brouillonne comme le bordel dans la tête des photographes en ce moment…
Bonjour,
Quelques retours sur les échanges récents. Je n’ai pas écris pas « la fin des agences » mais « la fin des grandes agences de photographies de presse », donc pas sur la fin du secteur économique de fourniture de photographies mais sur sa mutation (ce n’est plus le contenu journalistique ou informatif qui prime).
La rémunération en salaire des photographes doit elle être considérée comme appartenant à cet « d’âge d’or » ?
Voir : Rémunération des journalistes : la grande magouille des droits d’auteur
Les organes de presse sont « normalement » tenus de rémunérer en salaire leurs collaborateurs et non pas en droits d’auteur, ce qui peut se concevoir tant du point de vue éthique par rapport aux aides reçus de la part de l’Etat (fonds d’aide à la distribution, taux de TVA réduit, réductions tarifaires postales, abattements sur les charges sociales etc…), que d’un point de vue plus général quand à la nécessité d’équilibrer les « comptes sociaux » mais aussi par soucis d’égalité de traitement entre « travailleurs »…
Une obligation qui n’empêche pas nombre d’entre eux à payer en droits d’auteur voir carrément au noir sans aucun document accompagnant les chèques… donc vraisemblablement sans versement de cotisations…
Ce qui est regrettable n’est pas la disparition de ces grandes agences de presse qui posaient « sur le monde » un regard très codifié et totalement ethno-centriste que leur remplacement par des agences qui « créent un monde » factice, artificiel là aussi très codifié a priori moins ethno-centriste (quoique…) mais surtout n’ayant plus pour objet que d’être strictement marchand et comme l’écris fort justement PEW en réduisant sans cesse le champ de vision du lecteur.
Dans mon article sur Acrimed
il est moins question de « noblesse » du reportage et de la photographie d’information que de clarté et de cohérence.
Si il y a toujours eus des passerelles entre photo de presse et photo de pub, de même que le bidouillage existe bien avant Photoshop. On peut s’inquiéter quand ce qui se revendique comme journal d’information, à plus forte raison revendiquant un certain engagement publie désormais de plus en plus souvent des images que nous sommes un certain nombre à qualifier de « publicitaires », « conceptuelles », « corporate » mais aussi « consensuelles » privilégiant la forme sur le fond, le primat de séduction sur le primat de l’information. Difficile d’expliciter ces questions de « fictionalisation de la réalité », « d’aseptisation du quotidien », de « formatage visuel d’instants de vie », de création d’une iconographie standardisée et sans âme de l’existence… j’avoue que je séche…
Des plus malin trouveront les mots.
Mais il doit y avoir malentendu car vous parlez « usage illustratif » alors que je parle « image d’illustration », beaucoup de photographies peuvent avoir un usage illustratif c’est à dire une utilisation « fictionnelle », « symbolique » au delà des conditions de leurs réalisations, c’est une question qui est largement pointée par « Culture visuelle » que ce soit dans la presse (information, loisirs) ou dans la publicité. Mais ce n’est pas cela que j’évoque dans l’article sur Acrimed mais la disparition de diverses formes de représentations de la réalité au profit d’une imagerie dont ce n’est pas l’usage mais les conditions de réalisation et leur objet qui mériterait d’être explicitées.
La particularité de ces images pourrait être qu’à la différence de se rattacher au « mythe de l’objectivité, à la « mythologie de l’information », elle ne sont que « des images au service du marché » sans autre objectif que de donner envie de consommer etc…
O.Aubert
Merci pour la définition de « journalisme » qui est quand même un peu réductrice…
PS : Votre blog s’appelle Totem, loin de n’y voir ironiquement qu’un symbole phallique, je me demande si vous n’oubliez pas son complément quasi naturel depuis Freud : « Tabou ».
Votre blog ne brillerait il pas des absences, des tabous que sont l’analyse de la photographie plasticienne, de la photographie contemporaine et de ces usages, pour ne vous acharner que sur l’animal moribond qu’est la presse et ses usages de la photographie ??? « les vides » ne sont ils pas aussi signifiants que « les pleins » ???
Qui prend sa plume s’expose…
Merci à Peweck et à Olivier Aubert pour leurs interventions circonstanciées et passionnantes. Je vois bien tous les points d’accord que nous partageons – et mieux aussi sur quoi portent nos divergences. Même si chacun de nous reste in fine sur ses positions, le débat aura permis de préciser les choses, en attendant le prochain rebond.
Puisque l’un et l’autre terminent par un envoi en marge, je répondrai en priorité (et avec le sourire) à ces excursus.
@Peweck: Comme certain candidat à la présidence de la République, les photographes n’ont pas le monopole de l’horizon funéraire. En tant qu’enseignant-chercheur, je peux affirmer que ma profession ne se sent guère plus en forme actuellement… Mis à part banquier, dirigeant de PME, commercial et stagiaire, on peut se demander ce que le monde néolibéral laissera comme choix de destins à l’humanité. Pourquoi ne pas prendre cette menace au sérieux, et faire la révolution? 😉
@Olivier Aubert: Une psychanalyse de Totem est une idée dont je ne peux que saluer l’à-propos. Il est vrai que nous ne jugeons peut-être pas les mêmes domaines moribonds (j’ai personnellement un peu de mal à me souvenir de ce que recouvrait l’expression « photographie plasticienne », question qui passionnera quelques archéologues érudits). Pour expliquer les manques de ce blog, plutôt que le poids de tabous, il ne faut pas oublier que l’exégèse s’est beaucoup portée sur ce qui reliait la photographie à l’art (remember La Recherche photographique…). Totem privilégie l’exploration des zones laissées en blanc par les cartographes précédents. Les usages visuels de la presse font partie de la culture populaire, et selon moi des domaines encore largement laissés pour compte par l’analyse savante. Notre discussion le montre: il reste bien des hésitations, des descriptions à préciser, des concepts en attente sur ce terrain. Je crois donc que mon acharnement va durer encore un peu 😉
J’aime la teinture et le maquillage de sua emitanzza-on voit le chemin parcouru depuis la photo de charly (charlot ?) qui se présentait au monde (au Monde) tel qu’en lui-même… J’aime aussi beaucoup les excursus, et la réponse de l’auteur du Totem à PE Weck : je prépare une feuille, y inscrit « dégage » en gros, que je colle sur du carton, et on se retrouve devant le 55 rue du fbg st ho ?
@PCH: Marianne t’a déjà précédé en si bon chemin. Mais à dire vrai, je serai très surpris que l’onde de choc née de l’autre côté de la Méditerranée n’atteigne pas l’Europe dans les prochains mois…
Probablement pas… Mais qui aurait parié, un certain 22 mars, sur Aix-la-Chapelle (capitale de la France de Charlemagne je crois) et l’excursion dans cette ville de celui qui, plus haut, se tient la tête ? (en tout cas, rien ne nous empêche de nous tenir prêts) (c’est ce qu’on fait : on s’exerce)
« Petit effort de mémoire, archéologie d’une mutation. »
En cherchant dans ma mémoire, je retrouve quelques exemples de ce que j’ai perçu comme des basculements durant ces 20 dernières années dans ce qu’on appelle la « photo de presse » c’est à dire la photographie qui a pour objet d’être publié avec ou sans article l’accompagnant dans un journal d’information.
1/Dans les années 90, l’agence Gamma qui a une proximité certaine avec le Figaro et le Figaro magazine fait réaliser par certains de ces photographes ce qui dans le jargon des photographes s’appelle « des sujets mag » c’est à dire des reportages construits pour être publié sur plusieurs pages. Je me souviens de l’un d’entre eux sur lequel on voyait un pseudo touaregh dans le désert. Tout y est étudié et nickel conforme à l’imagerie populaire sur le désert et les touaregs. Les vêtements étaient neufs, l’éclairage parfait, des scènes et postures du quotidien rejouées.
2/ Années 90, Sygma ouvre un secteur « magazine » qui s’appelle Sygma 2, il a pour objet la réalisation de ce type de reportages dits sujets magazine qui pourront être revendus à la presse internationale.
3/ Années 90, le magazine « Notre temps » destiné aux retraités actifs… produit des images de jeunes et beaux retraités bien habillés, une photographe en particulier réalise les images qui remplissent ce magazine, les images sont ensuite diffusées par l’agence Jerrican.
Concernant l’éducation, on retrouve le même procédé, dans « l’Etudiant ». Dans une salle de classe les lycéens doivent porter des pulls de couleur vives pour que l’image soit moins triste, moins banale..
4/ Années 2000, une « école des métiers de l’information » propose des stages ou l’on apprend à « construire des sujets magazines » c’est à dire à réaliser des roughs, des petits dessins, un story board de ce qu’il faut réaliser comme photos pour que le « sujet » puisse être publié.
5/ en décembre 1999 après la tempête qui a traversé la France, un quotidien autrefois apprécié pour les photos qu’il publie accompagne un article sur les conséquences de la tempête par une photographie fournie par le service photo d’EDF, rien de nouveau sauf que là il ne s’agit pas d’une photo de com traditionnelle d’un batiment, d’une installation ou d’un des dirigeants mais d’une image de reportage en tous points semblable à ce que diffusent les agences de presse, une pure image informative fournie par un service de com…
La circulation « d’images montées » se généralise, je me souviens de ces exemples car à chaque fois elles m’ont fait bondir comme les signes d’un dévoyement de la presse (idéaliste que j’étais…)
6/ Face à la crise (baisse des tarifs, réduction de la diversité des sujets traités par la presse, explosion du nombre de photographes) et à la demande des journaux, en plus des vieux requins que compte la corporation des reporters photographe, émerge une nouvelle génération biberonnée à la Tv, au cinéma, à la pub, au jeux vidéos qui ne se pose plus la question du lien avec les personnes photographiées… Les photographes passent du statut de « témoins » (pas du tout objectifs évidemment) à celui d’acteurs et souvent de commerçants, loin de la photographie sociale et humaniste on bascule dans une situation dans laquelle ce qui a été produit pour des agences de communication se retrouve diffusée par une agence de presse, ce qui se présente comme un travail au long court d’auteur est en réalité la commande très orientée d’une collectivité locale, des images commandées et montées pour la presse touristique ou un office de tourisme se retrouvent en « Une » des hebdos etc… des situations plus difficiles à repérer que les usages « détournés » d’images d’actualité.
Les journaux considèrent les photos comme des illustrations, et leurs journaux comme des produits, les photographes, les personnes photographiées comme de la « matière » et plus comme des « sujets de droit »
Voilà quelques bribes
O. Aubert
Ps : Après la rue du Fbfg St Honoré, il ne faudra pas oublier ces annexes
En même temps, la photo de mag devenue photo de stock, çà peut être marrant (ou pathétique) à observer là où elle est proposée: http://knowyourmeme.com/memes/stock-photo-clich%C3%A9s
Si Hippolyte Bayard pouvait témoigner aujourd’hui…
@O. Aubert : je vous rassure, il y a de jeunes photographes biberonnés à la télévision, aux jeux vidéos et à la pub (même si j’ai un peu de mal à saisir le lien entre les 3), qui se posent la question du lien avec les personnes photographiés et de « vieux » photographes qui ne se posent pas du tout la question et qui pourtant n’ont jamais joué aux jeux vidéos. Même si vos arguments sont très intéressants, je vous trouve bien idéaliste dans votre vision d’une photographie d’avant et de celle de maintenant… Quid de sa démocratisation tant dans la pratique que dans sa réception ? Quid des opportunités offertes aujourd’hui par Internet aux photographes d’être non plus de simple pourvoyeurs d’images mais aussi leurs propres diffuseurs ? Quid de la création d’outil comme Culture visuelle qui permettent à tout à chacun de réfléchir à la place de l’image dans la société ? Et non pas une place théorique voire mythologique ou une place patrimoniale (qu’est ce qui est digne d’entrer au musée ou d’intégrer le marché de l’art) mais bien sa place réelle (je ne trouve pas de meilleur adjectif…). Et je pense qu’on gagne à essayer de comprendre les phénomènes plutôt qu’à chercher des boucs émissaires ; surtout quand ceci se fait hors des circuits marchands habituels : ici il n’y a rien à vendre. Sauf à monétiser les arguments 😉
@Patrick Peccatte, on peut ajouter aussi l’image prise en plongée au fish-eyes du type qui brandit un contrat avec l’air furieux pour illustrer « les salaires des cadres » ainsi que toutes les déclinaisons de ce principe…
@André Gunthert, on va pas faire de la compétition victimaire, mais ce que vous dites est très juste. Je me souviens de la décomposition d’un étudiant en sociologie qui m’interviewait sur le travail de photographe indépendant, à la fin de l’entretien, il me dit que c’était en fait ce qui se développait aussi dans le domaine de la recherche. Les photographes, comme d’autres (chercheurs, enquêteurs, travailleurs sociaux…), se sentent parfois les derniers concernés par certains problèmes de société. Ce sont des témoins qui s’intéressent encore à ce que le reste de la société tente d’oublier, chacun empêtré dans ses problèmes quotidiens. Et puis un jour, après les milliers d’alarmes qu’ils tirent tout le temps (à chaque reportage, chaque enquête…), ils se rendent compte que c’est leur tour, qu’ils ne se sont pas tellement préoccupés de leur propre situation… Les photographes en sont là (pas pas qu’eux), ils hurlent qu’il faudrait les défendre, utilisent de grandes phrases devenues creuses comme « la démocratie passe par la photo ! », ils sont restés trop longtemps à (auto)alimenter le mythe de leur profession, etc.
Pour en revenir tout de même à l’article présent, je me dis que l’illustration utilisée ne me choc pas, elle m’amuse même pour plusieurs raisons : l’attitude (la grimace/le masque) de Berlusconi (spectacle politique/bouffon) qui fait un peu comedia del arte (Italie/théâtre)…
Du coup l’image révèle quelque chose de plus, même si je sais qu’elle ne doit pas correspondre exactement à la situation (elle n’a certainement pas été prise au moment même où il apprenait que les juges décidaient de lui faire un procès). Mais comme je le sais, je ne me sens pas manipulé. Bien au contraire, comme le fait souvent le Canard Enchainé dans ses portraits en page 7, je crois, cela créé une complicité. On se moque ensemble (le journal, moi et les autres lecteurs) des grands de ce monde en leur rappelant qu’ils sont aussi ridicules que nous, comme une forme de carnaval, mais dans un journal.
@Gregory Divoux.
Il m’arrive parfois en effet de croiser des jeunes photographes soucieux des personnes qu’ils photographient et pas que de leur égo, notoriété ou d’argent.
Le lien entre » Tv, cinéma, pub, jeux vidéos » me semble être une culture de l’image, du mouvement, des codes visuels, de la couleur qui n’existait pas ou peu pour les générations précédentes. Mais aussi une capacité à intégrer la pratique des logiciels de traitement et de retouche beaucoup plus facilement que les générations précédentes.
Sans enseignement et apprentissage du sens des images, de leur usage, artifices, détournements etc… difficile de développer un esprit critique ce qui est à mon avis majoritairement le cas aujourd’hui pour les ados et jeunes adultes qui n’ont soit pas l’environnement culturel qui transmet ces interrogations et sa possible compréhension, soit pas le cursus scolaire qui leur fera aborder ces questions. Il y a là un enjeu d’éducation populaire qui n’est pas assuré ni dans les lycées, ni dans les MJC, il me semble…
Quand aux opportunités d’Internet, les photographes en sont revenus, c’est au mieux un lieu de partage (création d’un entre-soi) d’amateurs, un lieu de visibilité virtuelle. Mais il n’existe pas de modèle économique pour les « producteurs de contenu » sur Internet, les photos qui y sont présentes sur des sites commerciaux (presse) y sont rémunérés 2 à 3 fois moins que dans un journal papier, s’y ajoute que la plupart de ce qui ne concerne pas l’actualité est pillé sur Flicr (sans respect des limitations d’usage souhaités par les auteurs). Quand au webdocumentaire mis à part 1 exception sur un projet au long court, les rémunérations y sont très basses et ceux qui en vivent aujourd’hui sont ceux qui organisent des stages et des formations payantes pour y former les photographes.
Je crois qu’on est à un tournant, en phase d’industrialisation, de concentration et donc de standardisation. Comme dans l’ameublement, la grande distribution, la confection, l’alimentaire etc… Des groupes se constituent font des alliances, négocient des tarifs en échange de volumes garantis, font travailler à moindre coût des « correspondants » et peu à peu ne reste que quelques « niches » remplies de gens qui ont encore une vision très artisanale, sur cette masse d’artisans en concurrence permanente (dont je suis) quelques uns reçoivent une reconnaissance qui un temps ou plus rarement durablement leur permette de bien vivre.
Voir à ce propos pour des chiffres :
« Culture études 2007-7 » Economie des droits d’auteur : la photographie disponible sur http://www.culture.gouv.fr/deps
Photojournalistes : constat et propositions. 23 juillet 2010 de Marie Bertin et Michel Balluteau
Inspecteurs généraux des affaires culturelles. Rapport N°2010-23
Quand à la création de « Culture visuelle » (dont je me réjouis d’habitude comme lecteur) il reste cantonné comme de nombreux autres sites, blogs, plateformes à au mieux quelques dizaines de milliers de lecteurs en fonction des articles. Ce n’est donc pas à proprement parler un outil d’éducation populaire de masse…
Le terme « boucs émissaires » m’est étranger, comme celui d’exclus ou de photographes en difficulté, je ne vois que des exploités ce qui induit qu’il y ait des exploiteurs et « des petites mains ». Ceux qui disent « c’est comme ça on peut pas faire autrement ».
Dans un excellent livre: « la sorcellerie capitaliste » Isabelle Stengers et Philippe Pignare nomment les utilisateurs de ce type de formules par l’expression : « les petites mains du capitalisme »…
Ceci dit les conversations et joutes sont plaisantes même si elles prennent du temps sur d’autres activités.
Cordialement
O.Aubert
@Gregory Divoux :
« Quid de sa démocratisation tant dans la pratique que dans sa réception ? »
Pour moi, l’arrivée du numérique fut une bonne chose, je pouvais enfin dédoubler mes reportages (ne livrer au client que ce qu’il voulait et me faire une autre vision pour moi). Le partage massif des images sur le net m’a aussi permis de voir que le niveau général des amateurs avait monté (à moins que ce ne soit un effet de masse, d’augmentation de l’offre en volume) et que je devais, moi aussi me remettre en question face à ça. Je trouvais ça très stimulant. Reste que, comme dans tout, l’amateur peut faire des choses sublimes dans l’instant, mais le professionnel doit cultiver la durée (relations, connaissance du terrain, historique des événements, la culture du métier…), ce qui est de plus en plus dur quand la durée de vie d’un jeune photographe professionnel n’est souvent que de quelques années.
Pour la réception, c’est toujours pareil, sans culture de l’analyse on ne s’en sort pas. On nous dit par exemple que les jeunes ne se laissent pas prendre par la pub parce qu’ils la connaissent depuis tout petit… alors, c’est comme dans une dictature, le peuple ne se laisse plus prendre parce qu’il y a toujours été soumis ? Comme si la pratique de la démocratie ne s’apprenait pas ? Comme si la liberté pouvait être acquise définitivement ? Comme si parce que l’on est dans une société de l’image, on saurait l’analyser spontanément ? (d’où l’intérêt de Culture Visuel)
« Quid des opportunités offertes aujourd’hui par Internet aux photographes d’être non plus de simples pourvoyeurs d’images, mais aussi leurs propres diffuseurs ? »
Flickr est bien l’illustration de cela. Plate-forme de partage simple et sociale, encore que, il faudrait retrouver les chiffres de qui poste, je ne voudrais pas dire de bêtise, mais j’avais souvenir que ça correspondait à 5% de gens qui faisaient plus de 80% du trafic d’images, la plupart ayant un compte pour regarder et pas pour partager. Ensuite dans ceux qui poste, combien font des images acceptables (avec un minimum d’intérêt au-delà de l’art moyen défini par Bourdieu).
Avec les raréfactions des supports de presse et la réduction de la place de la photo (de plusieurs pages on est passé à 2 images, dont une vignette), internet est arrivé au moment où les photographes, frustrés par l’impossibilité de raconter des histoires comme avant, y ont trouvé la possibilité de continuer à s’exprimer.
Mais passé le moment où les rédactions furent un peu dépassées par le phénomène, elles retournèrent la situation à leur avantage en se servant allègrement et sans complexe sur Flickr ou ailleurs.
Une comparaison : parce que mes photos sont sur le net, certains les prennent et me disent ensuite qu’ils les ont trouvées sur internet donc qu’elles sont gratuites. Un peu comme si vous preniez les légumes que l’épicier a mis sur son étalage en lui répondant que c’est sur la voie publique donc gratuit. Pour moi, ce n’est pas internet, le numérique ou je ne sais quoi, mais le changement des règles sans possibilité pour les photographes de pouvoir peser dans la négociation.
Aujourd’hui, les photographes montent leurs sujets, négocient les autorisations, prennent des photos, les indexent, les retouchent, les diffusent (ce sont de véritables petites entreprises, un modèle de libéralisme !) et d’autres se servent… (même Politis qui me doit toujours 25 euros…).
Sur l’idéalisme d’Olivier entre avant et maintenant, je pense que ce n’est pas tant dans une baisse de questionnement des photographes (vous avez raison, il y a des vieux qui ne se posent pas de question) que dans l’absence de traduction possible de ces questionnements : on met où les pistes que l’on proposerait, sur quel support (avec quelle rémunération avec). Même Politis n’est pas un espace pour la photographie alternative.
Pour revenir au sujet de l’article tout de même (une, illustration, information, accroche, message…), je vous suggère ces deux couvertures :
http://seenthis.net/messages/9226
@Gregory Divoux.
Le métier de photographe est en voie de prolétarisation c’est à dire les photographes en perte de leur savoir faire propre et en perte de valeur économique de leur pratique. Cette prolétarisation qui va de pair avec une certaine standardisation permets aux industries de l’information et de la communication de faire de chaque photographe un exécutant quasi interchangeable dont la « valeur ajoutée » (expérience, sensibilité, culture, personnalité etc…) n’est plus prise en compte qu’à la marge.
Exemple lorsqu’une collectivité locale lance un appel d’offre pour la fourniture de « reportages photographiques ». Seuls des collectifs ou agences peuvent y répondre pour des raisons techniques et de volumes à fournir nécessitant d’être plusieurs. Le choix se fait sur « le moins disant » avec une pondération sur la qualité. Mais de fait les caractéristiques propres (individualités) des photographes sont niés, ils ne sont plus que des tacherons …
Problème annexe, à force de ne faire qu’un travail répétitif et sans valeur propre, on finit par perdre tout esprit critique, on cantonne ses passions, ses centres d’intérêt, sa créativité à l’extérieur de sa sphère professionnelle ou au mieux à son « travail personnel ».
On gagne sa vie en produisant quelque chose de normalisé, codifié, standardisé et on renonce à faire valoir ses caractéristiques propres…
C’est ce qui se passe dans les agences de presse dites télégraphiques, dans les agences d’illustration ou de stock photo mais aussi dans la photo de communication et en grande partie de publicité.
Ne reste que de toutes petites « parts de marché » : quelques « clients » gagnés par affinité, relations, reconnaissance, spécialisation, choix atypiques, appartenance à une même sphère (religieuse, culturelle, intellectuelle, sociale).
Quand l’ascenseur est en panne il faut prendre l’escalier…
@ O. Aubert : juste pour information, je suis un jeune photographe professionnel, je suis conscient de tout ce que vous évoquez, puisque je le vis également au quotidien depuis 4 ans maintenant. C’est pour ça que je partage également bon nombre de vos observations. Mais pour essayer de changer les choses, car contrairement à ce que vous laissez élégamment sous entendre à la fin de votre commentaire je ne suis pas un partisan du « c’est comme ça on ne peut pas faire autrement », bien au contraire, un outil collaboratif de compréhension des enjeux de la photographie populaire (c’est à dire celle que l’on voit dans les journaux d’information, dans les publicités, dans les collectivités, dans la presse spécialisée, dans la presse féminine etc.) ne me semble pas totalement inutile, même si lue seulement par une dizaine de milliers de spectateurs. Mais selon moi la culture populaire à l’image passe par là mais c’est un autre débat.
@peweck : merci pour vos commentaires sur mes « questions » et effectivement je partage bon nombre de vos conclusions. Néanmoins je ne suis pas si sûr que tout ça n’ait justement pas à voir avec l’article d’André Gunthert. Le Monde.fr, quotidien d’information, s’appuyant sur une agence d’information qui emploie des journalistes, l’AFP, utilise une photographie d’un reporter italien de façon purement illustrative c’est à dire qu’elle sert à illustrer un propos pré-existant et anglé (pour utiliser un terme journalistique). Or si la quintessence de la photographie de témoignage faite par un photo-reporter sur le terrain même des événements, est utilisée par d’autres journalistes de façon purement illustrative, que faut-il en déduire ? Tout simplement que le photographe est in fine dépossédée de sa production photographique, elle est utilisée par d’autres et ce qu’elle que soit le regard porté par ce photographe sur le monde qui l’entoure ou les personnes photographiées. Et l’évolution de ceci conduit tout droit pour des raisons bêtement économiques mais pas seulement presque intrinsèques à la nature de la photographie, à l’utilisation de la photo de stock qu’elle ne soit pas chère comme chez Getty ou même gratuite comme sur Flickr. Or cette illustration purement illustrative de la photographie n’est pas récente comme le prouvent les travaux des chercheurs en histoire visuelle dont on peut voir quelques aboutissements sur les différents blog de CV. Mais la rapide évolution des techniques de diffusion de la photographie avec l’ère numérique (stockage, transfert, indexation) a permis de mettre en lumière de façon de plus en plus crue cette réalité longtemps cachée.