L'art, c'est toujours un peu la même chose

Gros buzz sur les surimpressions de photos amateur de sites touristiques par Corinne Vionnet. Dont le principe confirme chacun dans l’idée que le touriste est un abruti dépourvu de toute imagination, qui ne fait que reproduire à l’identique ce qui existe déjà en cartes postales, ce qui est bien bête.

Mais où est la bêtise? Dans le fait d’ignorer que la construction des images du tourisme est un processus commencé il y a quelques siècles par les peintres et les graveurs, qui ont établi avant tout le monde les images de référence des sites? Dans la méconnaissance du mécanisme de l’appropriation qui permet à chacun de nous de transformer en expérience personnelle un spectacle institutionnalisé? Dans l’inconscience du caractère inédit du partage en ligne de ces images, qui crée de nouvelles circulations et de nouveaux usages? Ou bien dans l’oubli du caractère finalement très banal et très paternaliste des opérations de récupération par le Fine Art des productions industrielles ou amateurs, considérées comme un vulgaire matériau transcendé par le regard de l’artiste?

19 réflexions au sujet de « L'art, c'est toujours un peu la même chose »

  1. Personnellement, ces surimpressions me font penser aux portraits composites de Galton qui cherchait à faire émerger des types humains en accumulant des portraits individuels. Or, ce qui ressortait était d’une part tellement mité par le flou inhérent à la méthode employée et, surtout, tellement banal, qu’il n’a jamais vraiment réussi à en tirer quoi que ce soit. Ici, une fois qu’on a reconnu les fameux monuments en question, on perçoit surtout que les touristes sont noyés dans un halo indistinct qui soit les renvoie dans une sorte de « bruit » visuel inopportun, gênant la contemplation du chef d’œuvre (tiens, tiens, on retrouve là quelque chose qui nous rapproche du débat sur l’interdiction de la photographie dans les musées), soit qui homogénéise les touristes dans une masse indistincte, comme s’il n’y avait rien ni personne à distinguer au sein de cette foule de visiteurs venus de loin pour voir de leurs propres yeux ce dont ils ont tant entendu parler. Bref, on manque les acteurs. Mais c’est le propre de ces réappropriations artistiques de s’opérer en niant la contribution des producteurs des images réutilisées, réduites à de simples matériaux sans intention ni esthétique propres.

  2. Et si on n’était pas si dur de jugement, cela donnerait quoi? Si, dans le commentaire, on passait de la critique du jugement social à une critique sociale du jugement? Si on valorisait le goût des autres et (ici même, chez soi) le petit tabou du beau? Essai de critique-fiction.

  3. La photographie amateur de voyage concentre toutes les tares que la culture savante reproche à la photographie depuis son invention. Ce qui en a fait l’art des classes moyennes pour paraphraser Bourdieu.
    L’association d’un tourisme de masse à une pratique photographique de masse nous renvoie au péché originel de la photographie. L’expérience esthétique, comme la pratique artistique sont des modes de différentiations sociales. Le tourisme de masse que ce soit au Musée d’Orsay, au pied de l’Acropole ou devant le Taj Mahal est insupportable parce qu’il banalise notre expérience. La pratique photographique des touristes photographes ne peut-être reconnue comme une pratique artistique parce que la notion d’oeuvre est encore associée idéologiquement à la singularité de l’objet unique. La photographie est immédiatement accessible et ne suppose ni un effort soutenu, ni un apprentissage qui légitimerait l’oeuvre de son auteur. De même que le tourisme de masse ne suppose ni effort soutenu, ni préparation culturelle au voyage. La perception, la compréhension de l’image photographique sont immédiatement accessibles à celui qui la contemple. De même que les grands « spots » touristiques. On pourrait leur applique ce que Beaudelaire a dit à propos de l’engouement de ses contemporains pour la photographie « cette classe des esprits non instruits et obtus qui jugent seulement des choses d’après leurs contours. »

    A cette démarche de Corinne Vionnet, il serait sans doute fécond d’opposer la démarche inverse. Faire une recherche sur Internet des milliers d’images en circulation sur un site populaire, la tour Eiffel ou la baie de Hong-Kong à la nuit tombée par exemple, et de mettre en évidence les différences.

  4. Le rapport de la photo au tourisme est fondé sur un malentendu très profond, dont le présupposé est que le déplacement touristique fonctionne sur le modèle d’un voyage d’exploration. Or, depuis l’âge classique, l’expérience du tourisme est au contraire fondée sur l’idée du partage d’un spectacle déjà connu. On va à Rome admirer les statues et les monuments qui ont été décrits par tel érudit, admirés par tel souverain, publiés dans telle revue. L’expérience visuelle du tourisme est donc fondamentalement l’exercice très social d’un « déjà vu ». Les touristes modernes ne font que se conformer aux règles établies autrefois par l’aristocratie, qui était la première à reproduire par le dessin ou le plâtre l’image des sites ou des monuments valorisés. Il suffit de se promener aujourd’hui dans les allées des anciennes résidences royales d’Europe pour se rendre compte que la copie d’antiques est une industrie qui ne date pas d’hier, et que la reproduction des modèles architecturaux était la meilleure façon d’attester de son admiration pour les originaux. Penser la photo comme le domaine obligatoire de la copie, et la copie comme la manifestation obligée de la reproduction industrielle est la marque d’une grande paresse intellectuelle et d’une grande ignorance des mécanismes culturels.

  5. « Penser la photo comme le domaine obligatoire de la copie, »
    Techniquement, il n’y a rien de plus difficile que de refaire une prise de vue « à l’identique ». La photographie est une reproduction analogique du réel et le réel ne cesse de changer. La lumière diffère selon la saison, l’heure, la météo, la pollution éventuellement. La scène photographiée est aussi toujours en mouvement. Apparition, disparition des baraques à souvenirs, changements urbains et bien entendu les autres touristes, leurs accompagnateurs etc. Contrairement au dessin ou à la peinture, le photographe enregistre forcément toujours plus que ce qu’il a cru ou voulu.

  6. La critique de l’art, c’est toujours un peu la même chose. On prend une oeuvre en particulier qu’on n’aime pas, on généralise par métonymie, ça devient exemplaire de tout l’art.
    Les gens qui s’y connaissent un peu (je veux dire ceux qui travaillent sur ça) disent : « l’art n’existe pas » .
    Ce point étant donné, on peut passer à l’analyse de cette photo et de ce travail. L’interprétation d’André est possible, bien qu’elle préjuge des intentions de l’artiste qui serait méprisante envers les touristes et l’usage touristique de la photographie et ignorante de l’histoire de ce médium et du tourisme. A regarder sur son site d’autres photos prises par elle, qui sont pour la plupart des photos de voyage, il semble bien qu’elle fasse une opposition entre son travail de professionnelle de la photo (un point de vue singulier sur le monde) et la reproduction de masse des « clichés », ce qui va dans le sens de ce que dit André.
    Cependant, je ne pense pas qu’un artiste fasse des images juste pour démontrer un fait évident du type « tous les touristes font les mêmes photos ». Je pense, un peu comme Gil, qu’ici elle cherchait à produire de « belles » images. Du coup, on peut peut-être reprendre les critiques faites par André mais en les inversant. Car si le rapport entre l’image et le tourisme date de la peinture (le « pittoresque »), je ne peux m’empêcher d’observer, dans le sfumato de ces images, un effet pictural, qui me fait penser à certaines photos vaporeuses du début du siècle dernier – je ne pense pas que cette photographe ignore tout à fait le pictorialisme. Par ailleurs, je ne pense pas qu’elle ignore non plus la nouveauté constituée par les moyens internet de diffusion des images, puisqu’elle s’en sert et que ce genre de travail résulte de la combinaison tout à fait contemporaine flickr/photoshop. C’est peut-être même une façon de prendre acte d’un nouvel âge de la photographie de paysage. Enfin, plutôt que de paternalisme condescendant des Fine Arts à l’égard des « masses » visuelles, on pourrait parler ici d’une variation sur la tentative, qui remonte à longtemps en art, de faire entrer la culture visuelle populaire dans le champ des images « cultivées ».
    Bref, tout est une question de point de vue. En tout cas, je suis frappé, à lire ce billet et certains commentaires, par la persistance d’une attitude agressive visant à opposer des camps, les gentils (nous, amateurs, gens du peuple qui aimons le peuple et faisons de la sociologie) et les méchants (eux, les élites, qui méprisent le peuple et font de l’art). Je ne vois pas la pertinence de ce genre de combats.

  7. Un cas vraiment intéressant, tant par lui-même et son processus créatif que par les commentaires qu’il génère…
    Ce qui serait intéressant ici, c’est d’interroger aussi la question de la subjectivité à partir du rapport de chaque image à l’image d’ensemble qui les reprend toutes. Le métadiscours, ici, repose de façon assez originale sur la répétition du cadrage, or c’est précisément une figure classique de réflexion sur la représentation que de mettre en évidence le cadre, le bord, le contenant… mais ici, ce n’est pas par un bord, par l’orchestration de l’entrée ou de la sortie de l’oeil de l’espace représenté que s’effectue cette mise en jeu visuelle de la représentation, mais dans la texture même de la représentation où se superposent des champs similaires à partir desquels le cadre est déduit, ni surcadrage, ni décadrage, mais « homo »-cadrage… ou cadrage en mille-feuilles 😉
    Chacune de ces photos est une vue transitive qui cherche à s’oublier en tant que représentation, à s’effacer devant l’objet, la superposition de ces vues subjectives « inconscientes » de leur sujétion aux clichés qui les induisent provoque un retournement de ces vues sur leurs propres conditions d’existence et permet une éventuelle prise de conscience du sujet regardant…
    La photographie vernaculaire devient « artistique » quand on la met en série (Bourcart ou Shmid), quand elle est choisie par un artiste qui lui donne un nouveau destin et la retourne sur elle-même… la déniaise… s’en sert pour mettre en tension le médium.
    Bel exemple du processus d’entrée dans la Culture par le développement d’un métadiscours…
    Cependant, une certaine brutalité me gêne dans cette série de photographies, c’est le rapport entre la subjectivité souveraine et surplombante de l’artiste d’un côté et la noyade qu’elle inflige aux autres en les plongeant dans la confusion et en exhibant ainsi leur absence de contours propres, de subjectivité, peut-être est-ce pour cette raison qu’André a parlé de mépris… Son image à elle, l’artiste, assez belle, où le monument semble l’incarner, solide et souverain, s’imposant seul devant le flux presque invisible des corps des passants, de ce qui est impermanent, triomphe d’une certaine manière des images répétées de la masse informe, impersonnelle…

    Sa position laisse une impression désagréable d’un rapport entre la masse désubjectivée et un sujet souverain qui parle à sa place, la capte, se l’approprie…
    Mais bon c’est un travail intéressant, merci d’en avoir parlé…

  8. @Thomas: Si je n’ai pas poussé plus qu’il n’était nécessaire l’analyse des intentions de l’artiste, j’ai bien vu les effets suscités par cette oeuvre depuis sa mise en ligne. Lorsque l’art renforce les idées reçues, discuter l’œuvre me paraît légitime. Or, c’est bien l’effet produit par ces surimpressions, dont la joliesse contrôlée par Photoshop absorbe les écarts du matériel de départ, que de renvoyer le cliché du caractère stéréotypé du voyeurisme touristique. C’est donc bien cette œuvre, et non moi, qui met en scène la confrontation du high et du low, sur un mode où le principe de l’appropriation ne laisse aucune chance aux photographies utilisées.

    Je note que là où cette facilité m’agresse et me fait réagir (dans un contexte général où la réutilisation par l’art des matériaux issus du web commence à devenir un gimmick fatigant), tu juges plus pertinent de voler au secours de l’art et de ses pompes – sfumato compris… Tout en prétendant dénier toute pertinence à l’affrontement des camps, ton commentaire ne manque pas d’agressivité à mon égard, comme si j’avais commis quelque crime de lèse-majesté (le titre de ce billet, faut-il le préciser, ne livre nullement mon appréciation générale sur l’art, mais retourne par plaisanterie le cliché de la stéréotypie touristique contre son auteur). Est-il interdit de questionner la pertinence d’une nième récupération du low? Je te laisse en tout cas le noble et difficile combat de la défense et illustration du high. Il me semblait bien déjà que nous ne partagions pas les mêmes priorités. La mienne est de réfléchir un peu au-delà des apparences. La tienne, de rétablir l’ordre.

  9. Cette idée de high and low revient quand même souvent et je me demande si elle est toujours pleinement justifiée…(je pense aussi au débat brûlant sur l’interdiction ds les musées).

    Par exemple, j’ai beau être photographe et je pense que si je vais voir le Taj Mahal, je n’y couperai pas et ferai la photo bien frontale de la façade, avec les bassins devant. Je ne me poserai pas trop de questions, ce sera un souvenir. Et je n’aurai pas le sentiment de m’abaisser en faisant cette image. Et je déciderai peut-être un jour de faire de ce souvenir de « l’art ».
    Il sera incorporé à un travail, une démarche.

    Ainsi le travail de Corinne Vionnet ne me semble pas spécifiquement une critique du low vu du high, mais bien une interrogation par rapport aux clichés et aux repères visuels que nous avons intégrés (si vous pensez à la tour Eiffel, il a a peu de chance que, là, tout de suite, ce soit de 3/4 contre-plongée avec quelque chose au 1er plan.)
    Nous faisons tous les mêmes photos de certains endroits emblématiques, car « tel lieu » c’est « ça ». Comme le dit Madeline Yale dans un article sur le site de l’artiste, la somme de ces photos presque identiques évoque des « points de rencontres » où nous nous croisons tous un jour ou l’autre. Ce qui est plutôt poétique.

  10. Peut-être que ce que veut pointer André Gunthert, ou plus exactement ce que moi j’en comprends, c’est la façon dont l’œuvre est intégrée dans le discours culturel ambiant et dominant qui fait du touriste un vulgaire consommateur passif, une sorte de mal nécessaire dont les élites culturelles se passeraient bien, et dont l’interdiction de photographier dans les musées serait la manifestation la plus brutale : pour l’institution, utiliser la production photographique de tout à chacun devant les sites touristiques pour en faire une œuvre c’est bien, photographier les tableaux aux cimaises du musée d’Orsay c’est mal. Or quand on y pense le paradoxe est quand même savoureux car rien n’empêcherait Corinne Vionnet dans sa démarche de faire exactement le même projet en utilisant les photos d’œuvre d’art picturales faites par les visiteurs dans les musées du monde entier… si on ne les empêchaient pas justement de photographier ! Et je parle bien de sa démarche et non de ses intentions ou de son point de vue sur le matériau photographique qu’elle utilise, choses évidemment impossible à déterminer à la seule vue de ses photographies composites.

  11. petit message d’amour à André : tu dis que tu cherches à réfléchir au-delà des apparences. Cela me déçoit un peu. Car auparavant, j’avais compris qu’il y avait une sorte d’opposition méthodologique et théorique entre ton travail et l’activité du Lhivic d’une part, et celle du site Arrêt sur images de l’autre ; ce dernier visait, beaucoup plus, selon moi, à travailler les images de façon précisément à dénicher une vérité cachée derrière les apparences, forcément trompeuses. Une entreprise de bon journaliste et un peu teintée de moraline. Tandis qu’au Lhivic, ce qui me plaisait davantage, c’était que justement vous ne tombiez pas, me semblait-il, dans l’opposition hyper traditionnelle apparences trompeuses/vérité cachée et que vous analysiez les images en surface, horizontalement, non pour ce qu’elles cachent mais pour ce qu’elles montrent.
    Mais je pense qu’en l’occurrence tu as juste voulu faire un bon mot à la fin de ta réponse ; et d’ailleurs, j’ai bien ri en me voyant accuser de vouloir « rétablir l’ordre », tant il est vrai que dans tous mes textes, dans toutes mes actions, je ne vise qu’à cette idée, le respect de l’ordre établi, tant il est vrai aussi que j’occupe une position de pouvoir, dirige des recherches, possède des budgets etc. Merci donc pour ce trait d’humour.

  12. @Grégory: Rapprochement parfaitement juste. La discussion montre bien qu’il y a deux sortes de gestes: ceux qui sont dignes de respect a priori, et ceux qui ne le sont pas. Passe encore qu’on fasse mine de prendre les seconds au sérieux. Mais pour les premiers, le manquement à l’obligation entraîne un rappel à l’ordre immédiat…

    @Thomas: A la bonne heure! Mais tu vois que la condition pour te faire rire, c’est de parler de toi – raison pour laquelle tu es si souvent imperméable à mon humour 😉

    De ton côté, je vois bien que ta comparaison schneidermanienne vise à me faire sortir de mes gonds. Peine perdue: je resterai de marbre devant la tentative cousue de fil blanc de m’opposer à un expert en décryptage aussi respectable. (Cela dit, le prochain qui me parle de Frodon se prend un coup de latte dans les tibias 😉

  13. http://next.liberation.fr/arts/11011325-la-photographie-selon-les-touristes

    http://megaportail.com/Art_et_Loisirs/8154-photo-opportunities-par-corinne-vionnet.html

    Deux extraits de la 1ère page de google ayant tapé « corinne vionnet ».
    Le 1er, Next-Libé justifie complètement le billet d’André, c’en caricatural…
    le second, c’est juste pour le fun, les commentaires valant leur pesant de cacahuètes…

    Aussi si certains commentaires sur le travail de cette artiste sont puants, ses intentions à elle n’ont rien à voir avec un mépris du touriste (v.son site), c’est même plutôt le contraire.
    Elle cherche surtout à faire ressortir les archétypes visuels qui nous habitent.

    Quand à la récup’ d’images, avant photoshop, ça se faisait avec des ciseaux et de la colle, non? Impossible de citer tous ceux qui s’y sont adonné.

    Je ne vois pas pourquoi les images du net seraient plus intouchables que celles des journaux?

  14. Merci à Caroline d’avoir donné (en tout cas à mes yeux) la clé de ce débat. J’avoue que j’ai été bien surpris en lisant ce billet tant je ne voyais pas le lien entre l’image et la question soulevée. Je me disais voila pourtant une image qui a tout pour plaire ici:

    – elle n’est pas si « high » que ça, ou du moins on peut dire que ce type de production est justement un bon exemple de la perméabilité actuelle des catégories et montre combien les vieux dualismes sont en train de s’effondrer. Voila effectivement une oeuvre qui fait référence à la grande peinture (Turner) mais à partir d’outils et d’usage tout à fait populaires de la photo numérique et du web (http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/11/25/564-les-nouvelles-oeuvres-du-web)

    – ce genre d’oeuvre (qui se banalise effectivement dans, et en dehors des institutions artistiques) témoigne aussi de l’importance de l’indexation massive des images (http://culturevisuelle.org/icones/1103) et du statut nouveau de l' »image partagée » ( http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2009/09/10/1052-andre-gunthert-l-image-partagee) deux pratiques sans lesquelles, de telles photos ne pourraient exister.

    Alors pourquoi une telle oeuvre apparait-elle soudainement comme paternaliste et offensante vis à vis de la photo de tourisme, quand bien même ni les propos de l’auteur, ni les commentaires que l’oeuvre suscite (sur le lien donné par André par exemple: http://www.mymodernmet.com/profiles/blogs/hundreds-of-tourist-photos) ne vont dans ce sens?

    La réponse est dans le lien donné par Caroline:
    C’est bien la LEGENDE écrite par le journaliste (hum…) de Libé qui donne ce sens à cette image:
    un titre: « La photographie touristique, c’est vraiment cliché »
    un sous titre: « L’artiste franco-suisse Corinne Vionnet a superposé les clichés de touristes pour montrer que ceux-ci prennent toujours la même photo, comme ici avec la Tour Eiffel. »

    voila un contexte textuel pour le moins capable d’orienter la lecture d’une image!

    Heureusement, il existe un site magnifique pour comprendre les rouages de cette mécanique: http://culturevisuelle.org/blog/tag/illustration

    Si bêtise il y a, (et c’est toujours bon à analyser), elle est sans doute à chercher dans la culture visuelle des journalistes de Libé, tellement éloignés de ces pratiques qu’ils ne peuvent faire de ces images que le support de leur condescendance.

  15. @ POD: Ouaip, c’est le billet qui fait bosser les lecteurs. Tu veux pas non plus que je vous mâche le travail, c’est pas les Annales, ici 😉

    Bon, blague à part, même si ce billet est écrit en 5 minutes, c’est tout de même assez clair que ce que je vise est la réception (« gros buzz », « confirme chacun »…), c’est pas parce que c’est court que ce n’est pas précis. Cette réaction, tout ce qu’il y a de plus épidermique, m’est venue après avoir vu passer le 10e signalement de cette oeuvrette qui n’en mérite pas tant, mais dont on voit bien qu’elle chatouille son public dans le sens du poil. Si tu avais un blog, tu saurais que les notations qu’on peut y faire fonctionnent à plusieurs niveaux. Il m’intéresse de conserver la trace de cet énervement, qui me permet simultanément de signaler ce travail, mais en contexte – question d’économie.

    En retour, je crois apercevoir que le micro-événement qui consiste à vous avoir fait réagir tous les trois, Gil, Thomas et toi, sur un même billet, tient visiblement à la surprise qu’a suscité chez vous l’emploi du terme « bêtise ». Dans la lecture que vous en avez, ce terme assez anodin produit le choc d’une violence illégitime, immédiatement élevée par Thomas au rang de « critique de l’art ».

    Puisque ce terme (que je maintiens) pose problème, en voici la glose: tout comme le titre de mon billet vise un retournement rhétorique du préjugé de la stéréotypie touristique, le couple « bête »/ »bêtise » met en balance l’évidence non questionnée de la répétition de l’iconographie du tourisme avec le rappel du caractère guère original de l’appropriation du matériel amateur. Je suis désolé que Thomas n’ai pas perçu l’élégance de ce quasi-haiku, dont vous (n’)aurez (pas) noté qu’il conserve jusqu’au bout la réserve de l’interrogation.

    Mais votre réaction collective, en comparaison de votre discrétion habituelle, en dit long sur les codes implicites de la réception de l’œuvre d’art et sur la normativité sociale qui s’y exerce. Elle est finalement beaucoup plus intéressante que le billet lui-même. Encore une fois, l’économie de la notation s’est transformée en expérience in vivo, merci le blog!

  16. Pour continuer d’alimenter le débat, je vous propose cet autre travail : Visages moyens des femmes du monde :
    http://www.laboiteverte.fr/visages-moyens-des-femmes-du-monde/

    Je ne sais pas pourquoi encore mais en voyant ces images, je pense à National Geographic. Il y a une forme d’unanimisme dans ces travaux. Un message du genre : « on est tous des humains, pareil mais différents (et inversement) ». Comme si on cherchait à redéfinir ce qui nous rapproche et ce qui fait la richesse humaine. Une sorte de bouillonnement brouillon qu’apporte Internet au moment où la plupart des gouvernements s’arque-boutent sur des discours sécuritaires tout azimut puisqu’il ne leur reste plus que ça étant donné qu’ils ne maîtrise plus rien d’autres (l’économie, les idéologies libératrices…).
    A quoi servent les gouvernements ? A défendre les majors face au piratage, l’industrie du luxe face à la contrefaçon, les corporations face aux autodidactes… c’est à dire empêcher la réappropriation (bon, je m’égare).

    Pour résumer, il y aurait comme une recherche avec les outils du moment, parfois un peu naïve, d’un socle commun aux humains pour aller vers le bonheur dans la diversité, du partage…

    A creuser…

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