La retouche incarnée

Du temps de Winkelmann, les Allemands lettrés croyaient que les Grecs étaient tous beaux et sveltes. Ils en jugeaient à partir des copies d’antiques, Vénus Médicis ou Apollon du Belvedère, dont la plastique idéale s’offrait en modèle à la pratique des beaux-arts. Jamais la photo n’a été aussi proche de la statuaire que dans les exercices graphiques auxquels se livrent les journaux féminins d’aujourd’hui, qui dotent les icônes publicitaires de corps inaccessibles.

Pendant que certains croient utile de dévoiler le caractère improbable d’une telle perfection, l’industrie cosmétique va chercher l’emblème d’une nouvelle efficacité correctrice du côté de la retouche photographique. Dans un article intitulé « Teint pixel, peau nickel », le dernier numéro de Marie-Claire vante les qualités de traitements qui « retouche(nt) notre peau comme sur photo numérique » (n° 689, janvier 2010). Camouflages de pores dilatés, corrections matifiantes, comblement des ridules aux polymères: c’est Photoshop en crème ou en gélules, qui donnera à notre peau la douceur d’une protection pour mobile, le toucher soyeux d’une joue de poupée. La chair est faible. Dans l’univers de Surrogates ou d’Avatar, rien ne vaut le silicone.

Le Symbole perdu (de la littérature)

Voici une image qui devrait faire plaisir à l’ami Finkie, pourfendeur des nouveaux divertissements électroniques, avocat de la bonne vieille culture roulée par les ans et burinée sous les aisselles. Foin des oiseaux de mauvais augure qui nous piaillent depuis oncques l’arrivée du livre numérique, le volume papier résiste admirablement aux assauts des écrans. Rien qui ressemble plus à une tête de gondole du rayon livres chez Carrefour en 2009 qu’une tête de gondole du même rayon livres trente ans plus tôt. Magnifique stabilité, étonnante robustesse du codex, qui défie les balbutiements toujours recommencés de l’eBook.

Et en même temps, comment dire? Est-ce que raisonner par support est vraiment la bonne façon de poser le problème? Suffit-il qu’un récit se présente sur une feuille pliée et massicotée pour mériter l’accolade de la fredoculture? Ne faudrait-il pas plutôt se demander de quoi nous parlent les histoires? Quel est le symbole du Symbole perdu?

Le film à l'intérieur de nos têtes

La bande-annonce est un genre. Son miroir sur les plates-formes visuelles est le trailer cut, ou montage de bandes-annonces. Une nouvelle manière de faire du cinéma par intérim, sans enfreindre le sacro-saint copyright.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=tZaTFmEL-l0[/youtube]

Signé Vadoskin, celui-ci se présente comme un tour de force, réalisé avec pas moins de 50 trailers, dont Underworld, 2012, Ninja Assassin, Whiteout,  Inglourious Basterd, The Box, Star Trek, Terminator Salvation, Transformers, Harry Potter and the Half-Blood Prince, Watchmen, District 9, Surrogates, The Day the Earth Stood Still, etc… (illustration sonore: AudioMachine – Akkadian Empire, Groove Addicts – Zero Hour, Audio Network – Mars, AudioMachine – Lachrimae, Wild Rumpus Music – Blame It on the Falling Sky 2.0, John Murphy – The Last House On The Left Score).

Cette remarquable synthèse en images, véritable critique visuelle de l’usine à rêves d’Hollywood, est fascinante par sa triple homogénéité: homogénéité de l’imagerie, homogénéité de la narrativité, homogénéité de l’imaginaire. Oui, presque toutes ces images pourraient se fondre en un seul film. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’elles font? Ce blockbuster ultime, résumé de toutes les catastrophes, c’est le film qui est à l’intérieur de nos têtes (merci à Rémi pour son signalement).

La barbe est-elle un signe de barbarie?

barbebarbarie

A partir de quand se manifeste « l’horreur du poil » qui marque aujourd’hui de façon si nette l’identité visuelle occidentale? La tendance est d’aller chercher la réponse dans l’imagerie féminine ou pornographique, qui ont promu le glabre et le lisse comme autant de promesses d’un plaisir hygiénique et survisualisé. Je soupçonne toutefois ce symptôme d’entretenir un rapport à la fois plus profond et plus ambigu avec l’antithèse qui structure notre imaginaire, opposant la modernité civilisatrice d’un occident rationnel et maître de ses émotions à la horde fanatique qui dissimule dans les poils de la barbe du prophète la menace d’un déferlement d’animale barbarie.

Si l’hypothèse n’est pas complètement idiote, on devrait pouvoir observer une montée de l’antipilosité à partir de la première guerre du Golfe, suivie d’une accentuation sensible après le 11 septembre. A défaut d’un test global, il doit être envisageable de réaliser et de croiser des vérifications partielles.

Frankenstein au pays des images

Pilote de l’excellent blog Devant les images, et un des visualistes les plus sagaces de la blogosphère, Olivier Beuvelet a trouvé matière à exercer sa verve avec l’enquête iconographique du Petit Journal de Canal +, qui révélait mardi dernier qu’un clip de propagande de l’UMP était composé d’images américaines issues de l’agence Getty Images. Chevauchant l’antithèse d’un parti féru d’identité nationale et de l’origine étrangère des séquences, Olivier dénonce « cette vision Disneyenne de la France » et prend un malin plaisir à moquer un lapsus qui révèle la confusion d’un pouvoir incapable de distinguer la réalité de ses projections imaginaires.

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xbcuiu_pour-son-clip-lump-achete-les-video_news[/dailymotion]

Continuer la lecture de Frankenstein au pays des images

Rêver avec YouTube

Quelles sont les motivations de la consultation de YouTube? Principalement le loisir, le jeu, pensons-nous, accessoirement la recherche d’informations.

Ce matin, je trouve mon fils de 11 ans, à peine levé, devant l’écran de son ordinateur. Noël approche. Hier soir, nous avons évoqué les vacances de neige, il a demandé s’il pourrait faire du snowboard.

Ce matin, au saut du lit, c’est à YouTube qu’il a demandé de lui apporter l’image de son désir. Simple: taper « snowboard« , choisir une vidéo, cliquer sur la touche grand écran. Pour un garçon de son âge, habitué à recourir à cette boîte à trésors, quoi de plus normal que de rêver avec YouTube?

Un blogueur sachant bloguer

Je ne me suis jamais considéré comme un photographe. Tout juste quelqu’un qui, comme beaucoup d’autres, aime à produire ces images – un amateur, au sens premier du terme. C’est pourquoi j’ai décidé, il y a quatre ans, en ouvrant mon compte Flickr, de placer mes photos sous licence creative commons, autrement dit d’en autoriser la reproduction gratuite.

Depuis, plusieurs dizaines de mes photos se sont trouvées reproduites ici et là. Selon deux scénarios, et toujours la même ligne de partage. D’un côté l’internaute souhaitant illustrer son site, qui m’en fait au préalable la demande, ou m’en informe a posteriori, par un mail sur mon compte Flickr, ou encore le site de presse anglophone, toujours scrupuleusement poli, bien outillé, qui me permet de confirmer d’un clic mon accord pour la reproduction. Dans tous ces cas, c’est un plaisir de voir mes images reprises, employées dans des contextes particuliers, de façon aimable et respectueuse.

Continuer la lecture de Un blogueur sachant bloguer

Croissance des formats visuels: avantage vidéo

La comparaison des tailles d’images sur les plates-formes visuelles montre une évolution intéressante. Alors qu’en 2005, le format photo de Flickr, avec une largeur standard de 500 pixels, dépassait le format vidéo de YouTube (450 px) ou Dailymotion (360 px), la situation s’est aujourd’hui inversée. Le lecteur de Dailymotion s’est élargi à 600 px, celui de YouTube à 640 px. Depuis 2008, Facebook surclasse ses rivaux avec une largeur vidéo de 760 px (600 px pour les photos). Pendant ce temps, Flickr est resté scotché à 500 pixels: les tailles d’image sont le résultat d’un redimensionnement du fichier original, décliné en 5 copies au moment du téléchargement. Le format Flash, lui, est un format virtuel: il est possible d’en améliorer l’affichage, en fonction des aménagements de la plate-forme. Alors même qu’elless partaient d’une qualité d’image et d’un format inférieurs, les plates-formes vidéo ont fait mieux que rattraper leur retard, et proposent un confort de lecture supérieur.

Continuer la lecture de Croissance des formats visuels: avantage vidéo

La joie des Algériens après la victoire des Fennecs

Un reportage de Tatif sur Flickr.

« Après quatre jours de grande pression et de tension extrême, c’est la délivrance.
L’équipe nationale a réussi son pari de se qualifier en Coupe du monde 2010. Une bande de jeunes qui ne payaient pas de mine au départ, tant leur football était au creux de la vague, vient de prouver que l’on pouvait lui faire confiance.
l’Algérie ne pouvait rater cette rencontre avec l’histoire du continent qui organise pour la première fois une phase finale de la Coupe du monde. »