Que protègent les droits d'auteur?

Gallimard a menacé hier d’une procédure en dommages et intérêts les éditions électroniques Publie.net, pour la traduction non autorisée par François Bon du Vieil homme et la mer d’Hemingway. L’affaire n’est pas un conflit juridique. C’est un conflit commercial et un abus de position dominante, ce qui explique mieux la tonalité des échanges.

Comme toujours, ceux qui brandissent les règles du droit connaissent bien peu la réalité de l’édition. Les droits exclusifs de traduction sont une drôle de coutume, puisqu’ils ne portent pas sur un texte publié, mais sur toute traduction possible du texte original dans une langue donnée. Que cette règle unanimement pratiquée, qui vise à éviter toute concurrence future au premier acheteur, soit jugée conforme à la loi dit assez à quel point celle-ci est distincte du bon droit.

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Le Symbole perdu (de la littérature)

Voici une image qui devrait faire plaisir à l’ami Finkie, pourfendeur des nouveaux divertissements électroniques, avocat de la bonne vieille culture roulée par les ans et burinée sous les aisselles. Foin des oiseaux de mauvais augure qui nous piaillent depuis oncques l’arrivée du livre numérique, le volume papier résiste admirablement aux assauts des écrans. Rien qui ressemble plus à une tête de gondole du rayon livres chez Carrefour en 2009 qu’une tête de gondole du même rayon livres trente ans plus tôt. Magnifique stabilité, étonnante robustesse du codex, qui défie les balbutiements toujours recommencés de l’eBook.

Et en même temps, comment dire? Est-ce que raisonner par support est vraiment la bonne façon de poser le problème? Suffit-il qu’un récit se présente sur une feuille pliée et massicotée pour mériter l’accolade de la fredoculture? Ne faudrait-il pas plutôt se demander de quoi nous parlent les histoires? Quel est le symbole du Symbole perdu?

J'aimerais que Google rende visible mon livre sur le net

voyagetns« Google a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à verser 300.000 euros de dommages et intérêts à l’éditeur La Martinière, propriétaire du Seuil. Il est reproché au groupe américain d’avoir rendu des extraits des certains des ouvrages français accessibles sur le net, grâce à son programme de numérisation, sans l’autorisation de l’éditeur » (cf. Numérama).

Victoire de l’Astérix français contre le géant de Moutain View! Champagne au ministère de la fredoculture!

Et même mon pote Ertzscheid qui nous explique à longueur de blog que Google Books, c’est le grand méchant loup qui veut transformer notre précieux patrimoine intellectuel en monnaie sonnante.

Soit.

Maintenant, un cas pratique. Je suis l’auteur du Voyage du Théâtre national de Strasbourg, mon premier livre publié chez Solin en 1983 – il y a plus d’un quart de siècle. Inutile de dire que ce volume a fini depuis longtemps sa carrière commerciale. J’ai été payé, l’éditeur a épuisé le tirage, le directeur de la collection a quitté depuis longtemps la maison, je n’ai plus aucun contact là-bas, le dernier courrier doit remonter à 1985.

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En Pléïade, combien de fois Twitter?

« Sans craindre que les cent quarante caractères imposés par Twitter ne viennent inhiber le lecteur d’une « Pléiade » de 2 500 000 signes, on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’une véritable pratique de l’écriture, sur la disparition des correspondances et du temps de lecture qui leur est consacré. »

C’est Antoine Gallimard qui le dit, dans Le Monde daté du 31 octobre 2009. Quel rapport entre Twitter et La Pléïade, entre un outil de signalement en ligne caractérisé par sa brièveté et sa réactivité et les millefeuilles de papier bible, soigneusement reliés cuir pleine peau qu’on offre à Noël? Evidemment aucun, à part le fait que, l’un et l’autre relevant de l’écrit, on peut s’amuser à comparer leur nombre de signes. On comprend bien que derrière la Pléïade se cache toute la noblesse de la vieille culture, culottée comme une pipe en écume, avec un goût de bergamotte au coin du feu. Et que celle-ci, dans l’esprit de Gallimard, écrase de tout son poids et sa légitimité bourgeoise le méprisable trouble-fête de l’ère électronique.

Qui dira au bon père Antoine le ridicule de sa pesée? Qui aura le courage de lui révéler que c’est la petitesse de sa vision qui le condamne aux yeux des nouveaux lettrés? La plus grande insulte à la culture est de confier sa défense à des épiciers.