Le Symbole perdu (de la littérature)

Voici une image qui devrait faire plaisir à l’ami Finkie, pourfendeur des nouveaux divertissements électroniques, avocat de la bonne vieille culture roulée par les ans et burinée sous les aisselles. Foin des oiseaux de mauvais augure qui nous piaillent depuis oncques l’arrivée du livre numérique, le volume papier résiste admirablement aux assauts des écrans. Rien qui ressemble plus à une tête de gondole du rayon livres chez Carrefour en 2009 qu’une tête de gondole du même rayon livres trente ans plus tôt. Magnifique stabilité, étonnante robustesse du codex, qui défie les balbutiements toujours recommencés de l’eBook.

Et en même temps, comment dire? Est-ce que raisonner par support est vraiment la bonne façon de poser le problème? Suffit-il qu’un récit se présente sur une feuille pliée et massicotée pour mériter l’accolade de la fredoculture? Ne faudrait-il pas plutôt se demander de quoi nous parlent les histoires? Quel est le symbole du Symbole perdu?

8 réflexions au sujet de « Le Symbole perdu (de la littérature) »

  1. J’ai lu le Da Vinci Code et je pense que les arbres du monde entier devraient lancer une « class action » contre Dan Brown : mourir pour devenir du papier est un destin noble, mais tout dépend, effectivement, de ce qui est imprimé. J’imaginais un thriller efficace et bébête mais en fait c’est le livre le plus idiot que j’ai lu – idiot et angoissant quand on constate qu’il a été pris très au sérieux par certains, à commencer par l’auteur lui-même. Le remède est « le pendule de Foucault » du bon vieux Umberto Eco.

  2. Egalement remarquables: le symptôme qui consiste a promouvoir le titre par l’affichage en couverture du succès précédent, formule empruntée au cinéma.

    Sans oublier la sortie simultanée de pas moins de cinq ouvrages dérivés, qui laissent le pauvre Marc Lévy dans les choux. Gageons qu’avec cette multiplication industrielle, nombreux seront les acheteurs à sortir du magasin munis de DEUX livres – de quoi booster les statistiques de la librairie, et satisfaire les épiciers de la culture.

  3. il ne vous a pas échappé que la direction du livre et de la lecture a disparu et que « la référence (…) au directeur du livre et de la lecture est remplacée par la référence au directeur général des médias et des industries culturelles. » (voir http://www.tierslivre.net...)
    On ne dira pas que tout ceci manque de cohérence.

    Allez, comme dit Gérard Paris-Clavel, joyeux bordel à tous !

  4. Pour booster les statistiques de la librairie, sans doute, mais laquelle ? Tiens, « la Plume Vagabonde » a changé d’adresse : c’est une bonne maison, qu’on trouvera désormais rue de Lancry, dans les 35 impairs en tout cas (je dis ça pour détendre l’atmosphère : pas sûr qu’il vende ni Lévy ni Musso ni Brown, mais si on les leur commande, pourquoi refuseraient-ils ?) (en même temps, une vieille femme (74 piges) que j’interrogeai un jour dans un parc, sur ses lectures, me regarda avec les larmes aux yeux en me répondant « Danielle Stheel…! » et depuis, je me dis que lire, après tout, est tout de même (et quoi que ce soit) une des occupations humaines la plus inoffensive).

  5. Juste, ce qui me frappe, c’est que ça y est les mecs ils ont fait des livres à succès ils sont en tête de rayons. Or, ils ont pas besoin de ça pour que les gens achètent leur livre puisqu’ils sont déjà supra-connus…. La loi du marketing (sûrement) ne laisse pas réellement de chance aux « petits et moyens » auteurs sous prétexte qu’ils n’ont pas eu un énoooorme succès. Mais comment avoir du succès (international) si on n’a pas été en tête de rayon?

  6. Je ne sais pas ce qu’il y avait en tête de gondole il y a 30 ans. Mais la culture lettrée qu’évoquent les intellectuels français n’a effectivement pas grand chose à voir avec les volumes qu’on trouve dans un hypermarché ou dans une maison de la presse (qui forment les 45e des lieux de vente du livre). Il ne faut pas s’arrêter devant les têtes de gondoles André. Il faut se promener dans les rayons, fureter dans les étagères pour voir de quelle culture l’on parle. Observer les titres proposés aux rayons jeunesses, aux rayons beaux-livres, aux rayons essais ou romans… Le rayon poche avec ses classiques sauve la mise. Le rayon BD également est riche d’enseignement. C’est en se promenant dans les supermarchés en essayant de trouver la culture dans les rayons « livres » des maisons de la presse qu’on se rend le mieux compte de l’emprise des industries de la culture, où les Tuniques Bleues, XIII et Astérix ne semblent pas avoir été rattrapés par Tanigushi ou David B. Où Tara Duncan et les séries des bibliothèques Roses et Vertes (séries adaptées de dessins animés – ou pas encore), qui semblent pour beaucoup traduites via Google Translator, innondent de pensées pré-mâchées les cerveaux de nos enfants… Où Macha Merile et Anny Duperey ont supplanté Marguerite Duras. Où les chats et les chiens et les livres pour les nuls semblent régner en maître sur notre culture littéraire.

    Oui oui, la bonne vieille culture papier, roulée sous les aisselles, est bien disponible sur nos étagères. Mais Finkie doit pouvoir se rassurer, on trouvera les mêmes aux rayons électroniques. Enfin… Peut-être pas seulement ;-).

  7. Si le livre papier résiste bien aux assauts de l’électronique, il y a quand même quelques données à prendre en compte.
    Amazon a publié de nombreuses informations sur sa vente. Tout d’abord qu’il a été « le cadeau le plus vendu de son histoire », et que le jour de Noel il y a eu plus de livres numériques acheté que de livres papier. Le prix des livres à télécharger (10 dollars environ) tend à compenser le prix élévé de l’appareil (259 dollars).
    Ces chiffres ne sont pas (encore ) significatifs. Il y a l’effet nouveauté, l’effet noel, le côté gadget technologique qui le rend irrésistible.
    Cependant, étant donné que l’on peut y recevoir livres ET journaux, il y a une sérieuse concurrence qui commence à se former du côté presse tout autant que du côté de l’édition traditionnelle. Si on rajouté à ça GoogleBooks…
    On ne peut tirer de conclusions ni d’un côté ni de l’autre : le livre résiste, oui, mais pour l’instant la concurrence électronique n’a effectué que des repérages! C’est un début… mais à mon avis les experts marketings sont déja dessus. Wait and see…

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