« Google a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à verser 300.000 euros de dommages et intérêts à l’éditeur La Martinière, propriétaire du Seuil. Il est reproché au groupe américain d’avoir rendu des extraits des certains des ouvrages français accessibles sur le net, grâce à son programme de numérisation, sans l’autorisation de l’éditeur » (cf. Numérama).
Victoire de l’Astérix français contre le géant de Moutain View! Champagne au ministère de la fredoculture!
Et même mon pote Ertzscheid qui nous explique à longueur de blog que Google Books, c’est le grand méchant loup qui veut transformer notre précieux patrimoine intellectuel en monnaie sonnante.
Soit.
Maintenant, un cas pratique. Je suis l’auteur du Voyage du Théâtre national de Strasbourg, mon premier livre publié chez Solin en 1983 – il y a plus d’un quart de siècle. Inutile de dire que ce volume a fini depuis longtemps sa carrière commerciale. J’ai été payé, l’éditeur a épuisé le tirage, le directeur de la collection a quitté depuis longtemps la maison, je n’ai plus aucun contact là-bas, le dernier courrier doit remonter à 1985.
Aujourd’hui, ce livre est enregistré sur Google Books. Numérisé intégralement à partir de l’exemplaire de l’university of California. Mais pas en libre accès pour autant. Cette œuvre est protégée par la propriété intellectuelle, et Google sait qu’il ne faut pas rigoler avec les Français.
Certes, j’ai théoriquement récupéré mes droits patrimoniaux sur le texte à l’épuisement du tirage. Ce qui signifie que je peux le republier ailleurs (bon courage!). Mais je n’ai aucun droit sur la version publiée par Solin, qui est propriétaire de la mise en page. Et je doute que l’éditeur se soucie de la visibilité d’un texte qui a cessé depuis longtemps de figurer à son catalogue.
De sorte qu’un livre épuisé, qui pourrait être mis gratuitement à la disposition de tous sans nuire à personne, restera longtemps encore stocké dans les profondeurs des serveurs de Moutain View.
Voilà, Olivier, quelle peut être aujourd’hui la situation réelle d’un livre. Je sais bien que tes analyses sont fondées, et que Google n’en veut qu’à notre porte-monnaie. Mais le problème de ton raisonnement, c’est que les éditeurs ne sont pas non plus des angelots avec la casquette du secours catholique. Ce sont des commerçants qui nous font signer des contrats de cession à perpétuité, qui exploitent notre oeuvre pendant deux ans maxi – et qui nous empêchent ensuite de la mettre en accès libre. Si elle ne leur sert plus à eux, autant que ça ne serve à personne; la concurrence n’est bonne que dans les livres d’éco.
A tout prendre, je préfère Google Books.
- Lire aussi: Hubert Guillaud, « Google au défi des auteurs« , La Feuille, 18/12/2009.
Salut André mon poteau,
1. Je n’ai jamais dit que les éditeurs étaient des angelots. J’ai même souvent écrit que leur frilosité à courte vue les condamnait à (très) moyen terme et qu’ils ne songeaient – dans leur immense majorité – qu’à préserver leur situation de rente.
2. Je n’ai jamais dit non plus qu’avec GoogleBooks, Google n’en voulait qu’à notre porte-feuille. J’ai juste écrit que comme les autres services, Google « monétiserait » Google Books avec de la publicité ciblée (ce qui est déjà fait sur les pages d’affichage des résultats).
EN REVANCHE
J’ai dit et je maintiens :
1. que la législation sur le droit d’auteur est, aujourd’hui (deterritorialisation massive oblige) un anachronisme contre-productif
2. qu’il fallait en urgence OUVRIR l’accès aux oeuvres « orphelines » (dont l’exemple que tu cites), et que cela impliquait une décision législative (et donc politique)
3. que derrière GoogleBooks, les intérêts de Google sont doubles : primo enterrer l’édition (et la librairie) traditionnelle en permettant aux auteurs de traiter directement avec lui (désintermédiation classique), et en permettant à ces mêmes auteurs de renégocier entièrement leurs droits sur le modèle adwords (= l’auteur touche un micro-paiement à chaque consultation et/ou accès de l’une de ses oeuvres). A mon avis, ce modèle sera lancé avant la fin del ‘année 2010 dans le cadre de Google Edition. Deuxio (et je pense avoir été l’un des seuls – le seul ?- en France et à l’étranger, à souligner ce point), que la numérisation massive permet également et peut-être avant tout à Google d’affiner ses algos linguistiques et donc de perfectionner son coeur de métier (= la recherche elle-même, notamment multilingue)
Et pour finir, j’ai récemment dit et écrit :
1. que les bibliothèques, y compris la BnF DEVAIENT signer avec GoogleBooks A CONDITION d’éviter toute exclusivité sur l’indexation et l’accès de la copie qui leur serait remise. Et que ces mêmes bibliothèques devaient se concentrer sur la préservation, les métadonnées et l’accès à long terme de leur copie numérique.
2. que les pouvoirs publics (l’état) devaient financer non pas uniquement la numérisation elle-même (on ne rattrapera jamais Google) mais les documents à numériser non-prioritaires pour Google (journaux notamment) ET SURTOUT SURTOUT SURTOUT SURTOUT l’infrastructure de mise en accès du résultat de ladite numérisation (pour ne plus voir des aberrations du type de celle obligeant les mêmes bibliothèques à louer des serveurs à Google pour héberger et donner accès à LEUR copie numérique, ou pour ne plus se trouver dans la situation pathétique du lancement d’Europeana avec un serveur calibré pour à peine quelques milliers de connexions).
Voila.
Donc je crois pouvoir affirmer que nous sommes presque parfaitement d’accord et que tu as une lecture un peu trop rapide d’Affordance. En conséquence de quoi tu me réciteras 2 pater et 3 ave maria pour ta pénitence et tu me céderas gracieusement ta place dans le classement Wikio du mois de Janvier 🙂
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Il y a pourtant d’autres solutions… Pourquoi ne pas mettre le texte à disposition du public sur un site ouvert à la gestion individuelle des droits d’auteur, de type In Libro Veritas ?
Effectivement, il serait judicieux d’informer l’internaute / le lecteur des possibilités de publication « auto-produite » (comme le souligne pola.k). Je ne connais pas grand chose au monde de l’édition « scripturaire », mais pour ce qui est de la musique, je suis persuadé que les contrats de cession à perpetuité et autres exploitations éditoriales éhontées vont disparaître devant les possibilité nouvelles (et croissantes) d’auto-édition et d’auto-production (reste le problème délicat de l’auto-promotion).
Aujourd’hui, Google n’est qu’une option, malheureusement monopolistique et monétarisée, parmi celles qui restent à explorer. Car si les oeuvres complètes de Rabelais « doivent » bien être numérisées par une institution (Google ou BNF ?), je ne vois pas pourquoi on demanderait à Google de numériser votre propre travail : un logiciel et quelques heures de travail y suffisent.
Reste la question des droits, du contrat auparavant signé avec la maison d’édition, et la question de la visibilité numérique du site sur lequel serait diffusé l’oeuvre (il faut penser à mutualiser les efforts, peut-être cela existe-t-il déjà).
Bref, encore beaucoup de questions à poser et sur lesquelles réfléchir, qui ne me semblent pas exclusives d’une critique à la fois de Google et des contrats d’éditions classiques.
« Ce sont des commerçants qui nous font signer des contrats de cession à perpétuité, qui exploitent notre oeuvre pendant deux ans maxi – et qui nous empêchent ensuite de la mettre en accès libre. »
Je vous rappelle que la cession à perpétuité est abusive et rend donc nul le contrat.
De plus, en cas de non exploitation de l’oeuvre, il suffit de lire ceci :
http://www.la-charte.fr/metier/juridique/recuperer.html
Et d’appliquer pour récupérer ses droits.
Bien cordialement
B. Majour