Seul… ou presque

Chronique du mensonge ordinaire (suite). A l’occasion de la sortie du film Comme les cinq doigts de la main, d’Alexandre Arcady, le dernier numéro de Paris-Match propose un entretien biographique avec Patrick Bruel, illustré de photos de Floriana Pasquier qui peignent l’acteur en aventurier au cours d’un séjour en Namibie, où il est allé «se ressourcer» (n° 2533, 29 avril 2010).

Se détachant sur un magnifique décor montagneux, seul, les yeux fermés, les bras en croix, Bruel incarne la communion avec la nature vierge, «loin de tout et proche de soi». Une très belle image – dont la magie ne fonctionne que si l’on oublie l’opératrice, juchée sur un promontoire, au-dessus du comédien, pour créer cette vue en plongée qui inscrit son corps sur la majestueuse perspective des reliefs étendus jusqu’à l’horizon.

Nul doute que Bruel a bien été faire son trekking en Namibie. Et pourtant, voici un portrait qui, sans la moindre retouche, est à proprement parler une fiction. Non pas un instantané pris sur le vif au moment où le comédien inspire l’air pur, mais une reconstitution pour la prise de vue, habilement cadrée pour suggérer cette impression de solitude aventureuse – par une photographe de l’agence H&K, consacrée au people chic, spécialement dépêchée dans l’autre hémisphère pour réaliser ce publi–reportage qui a coûté bonbon. Une mise en scène qui repose sur cette caractéristique essentielle de la photographie: se faire oublier comme dispositif.

Que veut dire le sourire d'Allègre?

Grâce à des électrodes savamment disposées, Duchenne de Boulogne pouvait provoquer artificiellement le dessin d’une émotion sur le visage de ses sujets. Grâce au Point, pourra-t-on démontrer l’existence d’une intention éditoriale?

Le magazine consacre cette semaine sa une au « procès Allègre », et l’illustre par un portrait de l’ancien ministre par Frédéric Souloy (Gamma/Eyedea). Cette photo est-elle neutre et innocente? Ou peut-on au contraire, sans avoir lu les articles, deviner à partir de cette image le parti-pris du magazine? C’est le jeu auquel je propose de participer, en indiquant ci-dessous votre interprétation de ce sourire jovial (cliquer pour agrandir).

La photographie, miroir du réel

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Le visuel du Salon de la Photo vu par François Darmigny, filmé par Jean-François Fortchantre (08/03/2010)

«Mon travail consiste essentiellement à photographier des gens connus, inconnus ou méconnus, et de leur faire sortir certaines choses qu’on n’a pas l’habitude de voir en eux, et surtout de les mettre vraiment dans la lumière. (…) Je voulais une femme qui soit à la fois rock et glamour, et à la fois sensuelle, sans vulgarité, et mettre vraiment en valeur la femme qui a l’envie de photographier et de séduire en même temps son sujet.»

Stéphane Guillon, le sketch qui tue

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Un mot en passant sur le dernier sketch de Stéphane Guillon. Guillon se définit comme un humoriste, ce que j’ai toujours trouvé étrange. Ni très bon comédien, ni vraiment très drôle, c’est plutôt un personnage. Même si l’un fait profession de comique, l’autre d’éditocrate, je comprends pourquoi Fred Mitterrand peut le comparer à Zemmour. Il y a chez l’un comme chez l’autre ce goût du coup à l’estomac qui est un trait d’époque, un trait fabriqué par la télé, qui n’aime rien tant que ces croc-en-jambes faux-culs qui font trébucher l’adversaire tout en gardant le sourire.

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Papa, c'est quoi ce journal?

retrouver ce média sur www.ina.fr

Retombé par hasard sur l’une des pubs les plus réussies des années 1990, le clip du lait Lactel à la réplique fameuse (« Papa, c’est quoi cette bouteille de lait? »), définitivement passée à la postérité grâce à sa parodie par les Nuls.

Cela fait des années que je n’ai pas revu ce film. Et ce qui me frappe – que je n’avais pas prévu –, c’est cette scène désormais incongrue: le père qui lit son journal à la table du petit déjeuner. Posture jadis si familière, cette façon pour l’homme de se dérober à l’échange familial, abrité derrière les pages sports, et qui semble à présent si étrange.

Devant cette image d’un autre temps, comme quand je vois des gens fumer dans une voiture fermée, je me dis sans arriver à y croire: moi aussi, j’ai été comme ça. 1990, vingt ans juste. Autant dire le jurassique – l’ère où UN journal dictait notre vision du monde.

A quoi ressemblent nos matins? Dans un an ou deux, sans doute, l’iPad ou un autre lecteur aura pris la place de ce bouquet de papier bruissant, à côté du bol de café au lait. Surprenante accélération du quotidien, petit voyage dans le temps: un présent jusque là invisible vient brutalement d’être emporté dans le passé. L’histoire apparaît comme comme un glaçon qui fond.

YouTube passe au "like"

YouTube vient de toiletter son habillage. On note une simplification de la page de présentation des vidéos: la colonne de droite n’affiche plus que les contenus suggérés, les vidéos locales disparaissant sous un index à cliquer. Les dimensions de la fenêtre restent de 640 pixels de large par défaut.

Suivant la tendance actuelle, une large place est faite aux fonctions de signalement sur les réseaux sociaux (« Partager »), désormais séparés des options de lecture exportable (« Intégrer »).

Mais le changement le plus visible est probablement le passage de l’ancien système de rating, par l’intermédiaire d’une série de 5 étoiles, à celui du « like » (« J’aime »), copié de Facebook et figuré par le traditionnel pouce levé. Un passage non sans valeur symbolique, qui atteste du renoncement à toute procédure d’évaluation. Héritier des systèmes de tournois ou de hit-parades visant à créer des hiérarchies, le rating représentait une opération autonome, dédiée à la fonction d’évaluation. Toute la force du like est de réduire celle-ci à un simple signal, la trace d’un passage individuel. Avec le « like« , il n’y a plus d’évaluation, mais l’enregistrement d’une interaction (ce qu’on appelle en anglais l’engagement). Ce système plus simple est aussi plus puissant, puisqu’il profite de l’interaction pour créer une valorisation, plutôt que d’isoler cette fonction. C’est ce qui explique son adoption sur de nombreuses plate-formes.

Notons toutefois que, contrairement à Facebook, qui s’y est jusqu’à présent refusé, YouTube a choisi d’associer au « J’aime » un « Je n’aime pas », figuré par un pouce baissé qui se colore en rouge. On vérifiera les effets de l’introduction d’un signal négatif (que le rating ne comprenait pas), potentiellement ravageurs.

Télé 7 Jours teste le plus-produit en réalité augmentée

«C’est une première, et Télé 7 Jours a sans doute eu du flair en choisissant de tester, à l’occasion de ses 50 ans, une des technologies les plus prometteuses et les plus excitantes pour cette année : la réalité augmentée. Concrètement, celle-ci permet de passer d’une image imprimée (ou une photo prise avec son mobile, ou encore une image saisie avec sa webcam) à une image animée en trois dimensions (3D), grâce à un logiciel. Du coup, elle fournit des informations complémentaires en surimpression d’un écran, voire de lunettes. Sur les écrans d’ordinateur, la réalité augmentée donne l’illusion d’interagir avec des objets virtuels.»

Par Capucine Cousin, 30/03/2010, Miscellanées.net

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Peut-on voir les dégradations à la Santé?

110 personnes ont été interpellées par la police, dimanche 28 mars à Paris, dont 61 mises en garde à vue, à la suite d’une manifestation anticarcérale aux abords de la prison de la Santé. Une information qui, comme le souligne Arrêt sur images, n’a pas fait la une des journaux lundi.

«Ces personnes ont été interpellées à l’arrivée de la manifestation pour dégradations de biens publics et de biens privés», a détaillé une source policière. Pourtant, d’après un reportage réalisé par Christophe Del Debbio, présent sur les lieux entre 16h30 et 17h15, on n’observe qu’une manifestation banale, sans aucun trouble particulier (visages floutés). Hier matin, il n’y avait pas de dégâts visibles dans le quartier. Le syndicat Sud Etudiant, qui participait à la manifestation, a dénoncé une «opération policière proprement scandaleuse».

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Quelle image de la révolution numérique?

En voyant la couverture du dernier Studio, qui titre par-dessus l’affiche du film de Tim Burton, « Alice au pays de la 3D », je me dis: voici une image de l’image numérique. Ces couleurs de boîte à bonbons, d’une saturation irréelle, cette image qui rappelle la photo tout en étant si évidemment onirique, comme surchargée d’artifices, s’inscrit dans la lignée des Une des magazines spécialisés exaltant la révolution Photoshop.

Ecce imago numerica. C’est-à-dire d’abord une image. Une image où ce qui est montré est le travail de la construction de l’image, le travail de l’art. Survendue avec l’appel à la 3D, qui connote la prouesse technologique, le dernier progrès en matière visuelle.

Une image de cinéma. Une image que la photo n’a jamais réussi à inscrire dans sa culture. Comme si la photo avait raté, non sa révolution numérique, mais l’occasion de sa revendication. Alors que la pub et la mode s’artificialisent de plus en plus, courent après le style de la 3D du cinéma, la photo légitime continue à ostraciser Photoshop, et à vouloir faire croire qu’elle balade sur le monde son miroir impartial. Que la révolution numérique ne l’a affectée en rien. Ce n’est pas seulement une hypocrisie. C’est un suicide culturel.