Le Monde confond photos et photos d'identité

Alertez les bébés! «A peine nés, et ils ont déjà une identité numérique. D’après une étude internationale, 81 % des enfants de moins de 2 ans sont déjà présents en ligne, que ce soit par le biais de photos ou de profils sur les réseaux sociaux.» Ou comment faire mousser la peur très franco-française des réseaux sociaux. Quand LeMonde.fr résume une pseudo-« étude internationale » d’une entreprise spécialisée dans la sécurité sur internet, il montre surtout qu’il a un train de retard.

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Création de récit (2): Le Point sonne la fin de la lepénisation visuelle

Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas vu Sarkozy souriant – du moins en couverture des magazines. Avec son n° du 7 octobre, Le Point sonne la fin de la séquence de « lepénisation visuelle » du président. Une belle image de couverture, composée par un portrait choisi avec soin pour son sourire teinté de gravité, qui fait ressortir les rides et les cheveux gris d’un président qu’on peut imaginer prématurément vieilli par les soubresauts de l’été (une image réalisée par Jean-Baptiste Vernier (JBV News) à l’occasion de la réception de Benjamin Natanyahou à l’Elysée le 27 mai 2010), mais qui présente la particularité d’avoir été détouré et collé sur un fond dont le dégradé automnal est une création du graphiste. Une retouche inhabituelle pour un portrait d’homme politique, qui apporte la preuve du caractère progagandiste de l’exercice.

Pas le temps de me lancer dans l’analyse iconographique de l’article « Comment il prépare sa revanche », co-signé Anna Caban, Saïd Mahrane et Sylvie-Pierre Brossolette, qui a visiblement beaucoup à se faire pardonner, mais il s’agit d’un cas d’école de construction éditoriale, dont l’iconographie n’est composée que d’images « positives » d’un président souriant, au travail, au contact des Français, etc. Une création de récit digne de l’ancienne RDA, qui manifeste que l’Elysée a décidé de refermer la longue parenthèse de l’été sécuritaire, pour repêcher un président enfoncé au plus bas des sondages par ce choix désastreux. Mais qui confirme aussi à quel point un récit se construit avec des images – ou plus exactement: des suggestions visuelles.

Création de récit (1): le Salon de l'automobile électrique

La plupart des médias – notamment télévisés – ont décidé d’un commun accord que le Salon de l’automobile 2010 serait décrit comme celui du lancement de la voiture électrique (ci-contre: vignette éditoriale sur LeMonde.fr).

Pourtant, mis à part une poignée d’hybrides, toujours largement plus chers que les thermiques, et quelques projets ou annonces, il n’existe qu’un modèle électrique disponible à la vente: la Citroën C-Zéro, clone de la Mitsubishi-Miev, qui sera commercialisée en décembre. Aux alentours de 34.000 euros pour une petite urbaine, soit plus du triple du prix de son équivalent thermique. Avec une autonomie qui n’atteindrait pas les 100 km, sans clim et sans chauffage, d’après les tests effectués par L’Automobile Magazine, et l’obligation de longues périodes de recharge (6 heures), en l’absence de disponibilité de bornes de charge rapide. Techniquement, ça marche. En termes d’usabilité et d’économie, on est encore loin du compte. Côté coût, les spécialistes espèrent une baisse des prix d’environ 50% des batteries d’ici 6 à 8 ans, et les projections les plus optimistes ne voient pas le marché des électriques dépasser les 5% des ventes avant 2020. Autant dire que le récit l’imminence de la voiture électrique est pour l’instant une pure fiction.

La création de récit par les médias est un exercice aussi banal que difficile à prendre sur le fait. On en a ici un exemple manifeste. Prendre de l’avance par rapport au réel est un choix qui relève de logiques narratives et commerciales, et nullement du régime de l’information.

Une planète de rêve

Alarmé par la sombre perspective du changement climatique et autres catastrophes écologiques, mon fils de douze ans a eu l’autre jour une idée lumineuse. Et si on quittait la Terre? Il suffirait de trouver une autre planète pour accueillir l’humanité et repartir à zéro. Désolé, mon chéri, mais tu vois, cette idée-là, elle n’est pas toute neuve. Pendant longtemps, la planète à coloniser s’est appelée Mars. Et puis on s’est aperçu que ça ne marcherait pas. Trop inhospitalier, trop loin, trop cher. Pas possible cette fois-là de rejouer le scénario du far-west. Il a fallu se faire à l’idée qu’on allait rester sur notre bonne vieille Terre, et qu’il faudrait en prendre soin.

Ce qui ne faisait pas l’affaire de la machine à rêves. Mars n’était pas sitôt sortie du jeu qu’on a inventé l’exoplanète. Entendons une planète, de préférence tellurique, située hors du système solaire. Personne ne dit plus qu’on pourrait y aller un jour, même lointain. Mais dans les recoins du néocortex, des connexions s’effectuent en dépit du bon sens. Le désir d’un asile cosmique est trop fort pour qu’on refuse de lui donner forme – fut-ce celle du rêve.

Et c’est ainsi que je trouve ce matin, en illustration de l’article de Sylvestre Huet « Gliese-581-G, exoplanète habitable? » ce qui s’appelle une « vue d’artiste », et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la planète bleue.

Un bon journaliste sait mettre en scène l’information: «Les astrophysiciens ont-il trouvé leur première exo-planète habitable? C’est à dire où l’eau pourrait être liquide… Peut-être, et il faudra de longues années avant de lever le doute.» Pourtant, quelques lignes plus bas, le doute est vite balayé: trop proche de l’étoile, Gliese-581-G lui montrerait toujours la même face, ce qui n’est pas un pronostic favorable. Qu’importe! Moyennant un titre assorti d’un point d’interrogation, par la grâce d’une « vue d’artiste » improbable, le lecteur aura eu quelques secondes de rêve, et c’est tout ce qui compte.

TF1 ne fait plus peur

La lettre d’Arnaud Montebourg au PDG de TF1 est un excellent signe. Non pas parce qu’il y dénonce le culte du beaufisme de la chaîne de Jean-Pierre Pernaut. Mais parce qu’un responsable d’un grand parti refuse pour la première fois de se coucher devant l’arrogance du média télévisé, qui réclamait des excuses. Ce brusque réveil indique que la nouvelle de son influence déclinante est arrivée jusqu’aux oreilles des politiques. Pour qu’un socialiste ose renvoyer TF1 dans les cordes, c’est que la première chaîne ne fait plus peur.

Celle-ci fait face à un vrai désastre industriel. Concurrence de la TNT, crise éditoriale, managériale et stratégique, chute des ressources publicitaires: la débâcle de la Une a poussé l’ami de Martin Bouygues, Nicolas Sarkozy, à vouloir supprimer la réclame sur les chaines publiques. Mais rien n’y fait. Passée de 42% de part d’audience en 1991 à 26% en 2009, elle suit une pente régulière qui permet de prévoir qu’elle devrait descendre sous les 20% avant 2015.

Premier à subir les dégâts de cet affaiblissement: l’hôte de l’Elysée lui-même, pour qui TF1 avait cousu une émission sur mesure en janvier, afin de lui rendre un peu de son crédit. On a pu vérifier dès les élections régionales l’échec de cette manœuvre. Comme autrefois celui des princes, le pouvoir des médias dominants est fait du poids des habitudes et d’un conformisme poltron. Il suffit d’un impertinent pour découvrir que le roi est nu.

Newsweek: tout est dans l'image

Gros buzz autour de la couverture de la dernière livraison de Newsweek (datée du 04/10/2010), signalée notamment par Le Monde.fr. Une interprétation graphique par le couple d’illustrateurs Gluekit à partir d’une photo très recadrée d’Olivier Hoslet (EPA) donne un petit air de dictateur roumain au visage du président français, qui illustre le titre: «Le nouvel extrémisme européen. Sarkozy et la montée de la droite dure» («Europe’s New extrême. Sarkozy and the rise of the hard right»).

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Candidat au mème

Un fou-rire communicatif s’est emparé de Hans-Rudolf Merz, lors d’une intervention au Conseil national suisse, le 20 septembre dernier, au moment de détailler l’improbable explication de ses services sur les importations de viande séchée des Grisons. Repris et déjà remixé en ligne, l’extrait a été repéré par le journaliste Michel Mompontet, qui l’a assaisonné de faux sous-titres moquant les bourdes récentes du gouvernement français dans la dernière édition du 13h15 de France 2 (voir ci-dessous).

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=A_I99qsnAmI[/youtube]

Le succès viral de cette séquence, isolée et reproduite en ligne, s’appuie sur les mêmes ingrédients que les parodies de La Chute d’Oliver Hirschbiegel: une sortie de route que la méconnaissance de l’allemand rend comique se prête avantageusement à l’exercice du détournement.

Un changement de statut absolu

«Les femmes ont connu une aventure humaine incroyable depuis cinquante ans, un changement de statut absolu. Or, je ne vois pas comment les femmes peuvent changer sans changer les hommes… Est-ce que l’on va continuer à dire que les femmes sont formidables et qu’elles vont gérer la société en laissant aux garçons la bière et le foot? Continuer ainsi, c’est transformer le féminisme en un nouveau sexisme. Or, combattre un groupe sexiste par un autre groupe sexiste n’est pas un progrès. Il me semble plus intéressant de réfléchir au nouveau statut des hommes. L’ancien statut reposait sur la violence, celle du quotidien ou celle des guerres. L’homme devait être violent pour être prêt à se défendre et défendre les siens. Aujourd’hui, la violence n’est plus une vertu masculine. Dans notre culture, elle est devenue un outil de destruction. Du couple, de la famille et des hommes eux-mêmes. Du coup, l’«héroïsation» des hommes n’a plus de sens. D’ailleurs, c’était une mauvaise affaire pour les femmes, parce qu’elle légitimait leur domination. D’où la nécessité, après le féminisme, d’inventer le « masculinisme ».»

(Montage d’un visuel de la campagne de promotion du football féminin par la FFF avec une citation de Boris Cyrulnik piquée chez Olympe et le plafond de verre…)

MàJ: lire chez Kalista, « Un clou chasse l’autre« , Journal en noir et blanc, 25/09/2010.

Au secours (catholique) de l'illustration

Le site du Secours catholique a utilisé récemment une de mes photos pour illustrer un billet, comme l’y autorise la licence Creative Commons sous laquelle cette image est enregistrée.

Comme toutes les images que je télécharge sur mon compte Flickr, celle-ci servait d’abord un but personnel (en l’occurrence, faire savoir discrètement à quelques amis, lecteurs de mon flux, que je passais par un moment de cafard), et n’avait pas vocation à fournir un matériel illustratif dans un contexte médiatique externe.

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