Création de récit (2): Le Point sonne la fin de la lepénisation visuelle

Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas vu Sarkozy souriant – du moins en couverture des magazines. Avec son n° du 7 octobre, Le Point sonne la fin de la séquence de « lepénisation visuelle » du président. Une belle image de couverture, composée par un portrait choisi avec soin pour son sourire teinté de gravité, qui fait ressortir les rides et les cheveux gris d’un président qu’on peut imaginer prématurément vieilli par les soubresauts de l’été (une image réalisée par Jean-Baptiste Vernier (JBV News) à l’occasion de la réception de Benjamin Natanyahou à l’Elysée le 27 mai 2010), mais qui présente la particularité d’avoir été détouré et collé sur un fond dont le dégradé automnal est une création du graphiste. Une retouche inhabituelle pour un portrait d’homme politique, qui apporte la preuve du caractère progagandiste de l’exercice.

Pas le temps de me lancer dans l’analyse iconographique de l’article « Comment il prépare sa revanche », co-signé Anna Caban, Saïd Mahrane et Sylvie-Pierre Brossolette, qui a visiblement beaucoup à se faire pardonner, mais il s’agit d’un cas d’école de construction éditoriale, dont l’iconographie n’est composée que d’images « positives » d’un président souriant, au travail, au contact des Français, etc. Une création de récit digne de l’ancienne RDA, qui manifeste que l’Elysée a décidé de refermer la longue parenthèse de l’été sécuritaire, pour repêcher un président enfoncé au plus bas des sondages par ce choix désastreux. Mais qui confirme aussi à quel point un récit se construit avec des images – ou plus exactement: des suggestions visuelles.

TF1 ne fait plus peur

La lettre d’Arnaud Montebourg au PDG de TF1 est un excellent signe. Non pas parce qu’il y dénonce le culte du beaufisme de la chaîne de Jean-Pierre Pernaut. Mais parce qu’un responsable d’un grand parti refuse pour la première fois de se coucher devant l’arrogance du média télévisé, qui réclamait des excuses. Ce brusque réveil indique que la nouvelle de son influence déclinante est arrivée jusqu’aux oreilles des politiques. Pour qu’un socialiste ose renvoyer TF1 dans les cordes, c’est que la première chaîne ne fait plus peur.

Celle-ci fait face à un vrai désastre industriel. Concurrence de la TNT, crise éditoriale, managériale et stratégique, chute des ressources publicitaires: la débâcle de la Une a poussé l’ami de Martin Bouygues, Nicolas Sarkozy, à vouloir supprimer la réclame sur les chaines publiques. Mais rien n’y fait. Passée de 42% de part d’audience en 1991 à 26% en 2009, elle suit une pente régulière qui permet de prévoir qu’elle devrait descendre sous les 20% avant 2015.

Premier à subir les dégâts de cet affaiblissement: l’hôte de l’Elysée lui-même, pour qui TF1 avait cousu une émission sur mesure en janvier, afin de lui rendre un peu de son crédit. On a pu vérifier dès les élections régionales l’échec de cette manœuvre. Comme autrefois celui des princes, le pouvoir des médias dominants est fait du poids des habitudes et d’un conformisme poltron. Il suffit d’un impertinent pour découvrir que le roi est nu.

Newsweek: tout est dans l'image

Gros buzz autour de la couverture de la dernière livraison de Newsweek (datée du 04/10/2010), signalée notamment par Le Monde.fr. Une interprétation graphique par le couple d’illustrateurs Gluekit à partir d’une photo très recadrée d’Olivier Hoslet (EPA) donne un petit air de dictateur roumain au visage du président français, qui illustre le titre: «Le nouvel extrémisme européen. Sarkozy et la montée de la droite dure» («Europe’s New extrême. Sarkozy and the rise of the hard right»).

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En image seulement tu outrageras

« Y a plus aucun respect ». C’est pas moi qui le dit, mais un internaute qui n’a visiblement pas voté Ségolène, en commentaire d’une reproduction de la couverture sarkophobe du Nouvel Obs du 9 septembre 2010.

On ne saurait mieux caractériser le virage d’un grand nombre d’organes de presse français depuis le discours de Grenoble. C’est notamment le cas du Monde, qui a connu une évolution spectaculaire en l’espace de quelques mois, mais aussi du Nouvel Observateur ou du Point, qui avaient conservé jusqu’à récemment les marques les plus élémentaires du respect à l’égard du président, fut-il controversé.

La perte du respect s’exprime par le passage à l’insulte. Insultants, les rapprochements avec le nazisme, le pétainisme ou le lepénisme. Insultantes, les images grimaçantes, les emprunts à l’imagerie militante, les allusions au salut hitlérien (voir ci-dessus).

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Le Nouvel Obs recycle La France d'après

Nouvelle étape de la lepénisation visuelle de Nicolas Sarkozy. Après les grimaces inquiétantes, après le salut hitlérien, le Nouvel Obs opte pour le recyclage de l’imagerie militante.

Pour sa couverture intitulée « Les riches, le pouvoir et la droite » (n° 2391 du 02/09/2010) illustrée d’un billet de cinq cent euros portant le visage du président, l’hebdo s’était inspiré d’un motif similaire d’un tract du NPA de juillet dernier (voir ci-dessous).

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A-t-il déjà perdu (son image)?

Un pas de plus dans la « lepénisation visuelle » qui affecte le personnage Sarkozy dans la presse depuis le discours de Grenoble. C’est cette fois Le Point qui s’y colle, dans son numéro du 26 août 2010 intitulé: “Présidentielle 2012. A-t-il déjà perdu?”, dont l’enquête est illustrée par un portrait en pied du président le bras levé à l’horizontale (non signée, agence Abaca Press), en une ébauche à peine atténuée de salut nazi (ci-dessus, cliquer pour agrandir).

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Un sondage 100% nul

Belle démonstration. Une semaine à peine après le discours de Grenoble, Le Figaro publie un sondage réalisé par l’IFOP, repris par l’AFP et Reuters, qui semble démontrer l’appui massif de la population aux annonces xénophobes de Sarkozy, sous le titre « Sécurité: Les Français plébiscitent les projets du gouvernement ». Selon l’UMP, «Ce sondage prouve, s’il en est encore besoin, que le Président de la République est à l’écoute des Français».

Devant ces scores soviétiques, qui paraissent a priori étranges, plusieurs organes chaussent leurs lunettes pour chercher l’erreur. Premiers à dégainer, Vincent Truffy, sur Mediapart, puis Martin Clavey, Nicolas Kayser-Bril et Martin Untersinger, sur Owni, critiquent la rédaction des questions et la méthodologie du sondage (réalisé par questionnaire auto-administré en ligne). Nombreux sont ceux qui leur emboîtent le pas.

Mal leur en prend. Mes camarades d’Owni se font immédiatement taper sur les doigts par Yves-Marie Cann, directeur d’études au département Opinions et Stratégies d’entreprise de l’Ifop, qui leur reproche de «s’en prendre au thermomètre», ou Guillaume Main, ancien salarié d’institut de sondage, qui les met dans le même sac que Bourdieu et autres contempteurs de la mesure d’opinion: de quoi je me mêle, ils n’y connaissent rien, les questions sont les questions, il n’y a pas de biais, le client est roi.

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Libé n'aime pas les bavures

A Libération, il n’y a pas que les photographies qui sont retouchées. Comme nous l’apprend le dessinateur Patrice Killofer sur son compte Facebook, l’illustration publiée aujourd’hui en Une du quotidien a été corrigée. La bave aux lèvres a été ôtée et le rictus a été atténué, ce qui confère au dessin un aspect plus politiquement correct. La bave étant notoirement associée aux caricatures de Le Pen, la version originale (ci-dessus, à gauche) avait pourtant le mérite de souligner le dérapage du chef de l’Etat. Mais le journal de Laurent Joffrin a préféré effacer cette allusion gênante.

Renverser Sarkozy?

Rien de tel que des sondages au plus bas pour donner libre cours à l’imagination illustrative! Dans la série des exercices de style auxquels se livre la presse sur la personne du chef de l’Etat, le numéro du 15 juillet du Nouvel Observateur fournit un intéressant doublé. En couverture, une curieuse image renversée, soulignée par l’intitulé: « Comment il en est arrivé là », sans date ni crédit. Il s’agit d’une version retournée et détourée sur fond rouge du portrait officiel du président de la République, réalisée par Philippe Warrin le 21 mai 2007.

En pages intérieures, l’ouverture de l’article superpose le même titre à une photo par Marin Ludovic (Réa) qui montre un Sarkozy grimaçant, l’air préoccupé ou contrarié, sans précision de contexte. Il s’agit ici d’une image issue de la remise de gerbe devant la statue du général de Gaulle, le 8 mai 2010 à Paris. Ce jour-là, de nombreux photographes n’avaient pas manqué de repérer le jeu formel créé par l’alignement de Sarkozy avec l’interstice rectangulaire ménagé dans le socle du monument. Cet enserrement du personnage présidentiel dans le couloir formé par les deux parois avait déjà été exploité, par exemple par Le Point pour sa couverture du 17 juin, intitulée « Est-il si nul? » (photo Gilles Bassignac/Fédéphoto, voir ci-dessous).

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Le sarkoshow, combien de téléspectateurs en 2012?

Nicolas Sarkozy a tenu à multiplier les brevets de bonne conduite à son ministre du travail. Mais Eric Woerth pourrait avoir besoin de soutiens plus crédibles. La parole du chef de l’Etat se dévalue en effet à grande vitesse. Ils étaient encore 6,6 millions de téléspectateurs pour écouter hier sur France 2 ses justifications face au Bettencourtgate, soit l’audience la plus faible jamais réunie par un entretien présidentiel. Deux millions de moins que pour l’émission Paroles de Français sur TF1 le 25 janvier 2010 (8,6 millions). Cinq millions de moins que pour son interview du 20 juin 2007 sur TF1 (11,6 millions). Douze millions de moins que pour son interview diffusée par TF1 et France 2 le 29 novembre 2007 (18,8 millions). Si l’on trace la courbe de l’audience prévisionnelle d’un sarkoshow en 2012, celui-ci risque de côtoyer les scores d’un épisode de Fort Boyard.