Nouvelle étape de la lepénisation visuelle de Nicolas Sarkozy. Après les grimaces inquiétantes, après le salut hitlérien, le Nouvel Obs opte pour le recyclage de l’imagerie militante.
Pour sa couverture intitulée « Les riches, le pouvoir et la droite » (n° 2391 du 02/09/2010) illustrée d’un billet de cinq cent euros portant le visage du président, l’hebdo s’était inspiré d’un motif similaire d’un tract du NPA de juillet dernier (voir ci-dessous).
Le numéro suivant (n° 2392 du 09/09/2010) réinterprète un portrait du très chic et choc Jean-François Robert, publié en mars 2007 (Face/Public, Verlhac Editions, voir ci-dessus).
Passage au noir et blanc, accentuation du contraste et de la netteté qui font ressortir les rides et les poils de barbe, insertion du bloc titre rouge « Cet homme est-il dangereux? » au beau milieu de l’image: les codes utilisés s’inscrivent de façon à peine voilée dans le registre de l’identification policière, tradition constituée par les multiples interprétations militantes de ce portrait depuis la campagne « La France d’après » en avril 2007 (voir ci-dessous). A noter que cet usage irrespectueux de l’image du président a suscité une réponse irritée d’un député UMP.
Dans le cadre d’un grand magazine des classes aisées, dirigé par l’inspirateur de la loi Hadopi, le réemploi du répertoire de la caricature visuelle gauchiste traduit la dégradation de l’image du président après le discours de Grenoble. Mais c’est aussi une forme de violence symbolique qui se déplace des extrêmes de l’échiquier politique vers les zones modérées. Cet accès de fièvre peut très bien s’apaiser, par exemple à l’occasion du remaniement. Mais pour l’instant, à l’endroit d’un président en exercice, cette agression visuelle délibérée, de la part d’organes représentatifs de la bourgeoisie modérée, comme Le Monde, Le Point ou L’Obs, me paraît sans précédent.
MàJ: Commentaire méthodologique: « Une enquête visuelle en 2010«
au premier abord j’ai d’abord vu une référence au boulot de Barbara Kruger, puis une pensée pour l’affiche de Ségolene Royale:
http://www.marianne2.fr/La-nouvelle-affiche-de-campagne-de-Segolene-Royal_a1013.html
en tout cas on peut noter que le nouvel obs a désormais un vrai DA 😉
@Camille Pillias: Barbara Kruger n’est pas hors sujet. Mais comme le montre la couverture « 500 Euros » du n° 2391, la culture militante n’est visiblement pas inconnue du DA de l’Obs… Les usages politiques du portrait de Robert ont créé une tradition iconographique du « wanted« , qui est à l’évidence respectée par cette nouvelle interprétation, même si c’est de façon plus discrète. Ce qui est plus intéressant, dans ce cas, c’est que ce détournement a nécessairement dû recevoir l’aval du photographe (dont le crédit est mentionné tout à fait normalement). Le passage au noir et blanc et autres « brutalisations » de l’image ne peuvent donc s’expliquer que par l’existence de cette tradition militante…
Cette couverture du Nouvel Obs me fait penser à la couverture d’un magazine lui aussi destiné à un lectorat plutôt cultivé de gauche, Télérama (couverture du 21 janvier 2009) :
http://ormeaux77.spaces.live.com/blog/.
Couverture qui avait été largement reprise dans les manifestations de l’an passé :
http://www.telerama.fr/monde/vos-reactions-a-notre-couverture-sarkozy,38667.php
@Sylvain Maresca: Merci pour le signalement, c’est effectivement un cas qui mérite d’être archivé.
L’étiquette rouge sur le nez me rappelle les petits nez rouges apposés sur les affiches durant la campagne de 2007, comme celui-ci : http://1.bp.blogspot.com/_rim7z25Xl4U/StdnB3dA_NI/AAAAAAAABus/PzH5Rt5ttk8/s400/medium_sarko-clown.jpg
qui avaient pour but de souligner le grotesque du personnage…
Sarkozy a ces deux dimensions dans cette image ; le grotesque du pitre qui fait son show (nez rouge) et la dangerosité du dirigeant de nature sanguine (le corps qui prend le dessus dans l’image)…
On pourrait reformuler : ce clown est-il dangereux ?
J’avais relevé samedi, au niveau d’un abribus, du coté du siège du Figaro, un détournement de cette Une. On pouvait voir une série d’affiches, avec Martine Aubry à la place de Nicolas Sarkozy, toujours en noir et blanc, et avec pour accroche dans un bloc titre rouge « cette femme n’est pas sérieuse ». Malheureusement pas d’appareil photo pour immortaliser ces affiches. Et le lendemain, elles avaient déjà été enlevé.