Contrairement à ce que prétend la doxa de l’information, on ne lit pas le journal pour savoir ce qui est arrivé hier, mais bien pour deviner ce qui va nous arriver demain. Qui sera le prochain premier ministre? Qui d’Aubry ou de DSK représentera le PS? Sarkozy va-t-il être réélu? L’une des motivations fondamentales de la consommation de l’info est d’y chercher les clés de l’interprétation du futur. Libération applique à la lettre ce principe en publiant aujourd’hui la photo qui devrait théoriquement illustrer la Une dans deux jours, au lendemain de la manifestation contre les retraites.
Cette contorsion éditoriale est légitimée par une mise en scène aussi astucieuse qu’hypocrite: on prend une photo de la manif de samedi dernier contre la politique sécuritaire du gouvernement, on sous-titre en mêlant « Retraites, affaires, et Roms« , et le tour est joué! En texte comme en images, la Une est une projection qui donne rendez-vous à demain, en prédisant la « Poussée de fièvre« …
Pendant qu’à Visa pour l’image on célèbre la photographie du siècle passé, la pratique visuelle effective, au diapason du journalisme d’aujourd’hui, s’arrange pour nous donner, avec un clin d’œil de connivence, ce rêve d’iconographe: l’image de ce qui se passera demain…
«Pendant qu’à Visa pour l’image on célèbre la photographie du siècle passé…» Et toc! Huhuhu!