En image seulement tu outrageras

« Y a plus aucun respect ». C’est pas moi qui le dit, mais un internaute qui n’a visiblement pas voté Ségolène, en commentaire d’une reproduction de la couverture sarkophobe du Nouvel Obs du 9 septembre 2010.

On ne saurait mieux caractériser le virage d’un grand nombre d’organes de presse français depuis le discours de Grenoble. C’est notamment le cas du Monde, qui a connu une évolution spectaculaire en l’espace de quelques mois, mais aussi du Nouvel Observateur ou du Point, qui avaient conservé jusqu’à récemment les marques les plus élémentaires du respect à l’égard du président, fut-il controversé.

La perte du respect s’exprime par le passage à l’insulte. Insultants, les rapprochements avec le nazisme, le pétainisme ou le lepénisme. Insultantes, les images grimaçantes, les emprunts à l’imagerie militante, les allusions au salut hitlérien (voir ci-dessus).

Continuer la lecture de En image seulement tu outrageras

Le Nouvel Obs recycle La France d'après

Nouvelle étape de la lepénisation visuelle de Nicolas Sarkozy. Après les grimaces inquiétantes, après le salut hitlérien, le Nouvel Obs opte pour le recyclage de l’imagerie militante.

Pour sa couverture intitulée « Les riches, le pouvoir et la droite » (n° 2391 du 02/09/2010) illustrée d’un billet de cinq cent euros portant le visage du président, l’hebdo s’était inspiré d’un motif similaire d’un tract du NPA de juillet dernier (voir ci-dessous).

Continuer la lecture de Le Nouvel Obs recycle La France d'après

Donnez-nous aujourd'hui la photo de demain

Contrairement à ce que prétend la doxa de l’information, on ne lit pas le journal pour savoir ce qui est arrivé hier, mais bien pour deviner ce qui va nous arriver demain. Qui sera le prochain premier ministre? Qui d’Aubry ou de DSK représentera le PS? Sarkozy va-t-il être réélu? L’une des motivations fondamentales de la consommation de l’info est d’y chercher les clés de l’interprétation du futur. Libération applique à la lettre ce principe en publiant aujourd’hui la photo qui devrait théoriquement illustrer la Une dans deux jours, au lendemain de la manifestation contre les retraites.

Cette contorsion éditoriale est légitimée par une mise en scène aussi astucieuse qu’hypocrite: on prend une photo de la manif de samedi dernier contre la politique sécuritaire du gouvernement, on sous-titre en mêlant « Retraites, affaires, et Roms« , et le tour est joué! En texte comme en images, la Une est une projection qui donne rendez-vous à demain, en prédisant la « Poussée de fièvre« …

Pendant qu’à Visa pour l’image on célèbre la photographie du siècle passé, la pratique visuelle effective, au diapason du journalisme d’aujourd’hui, s’arrange pour nous donner, avec un clin d’œil de connivence, ce rêve d’iconographe: l’image de ce qui se passera demain…

Qui a besoin de la tronche à Trichet?

Pendant qu’au festival Visa pour l’image, Jean-François Leroy s’élève contre l’overphotoshopping, Slate.fr nous donne un bel exemple d’éditorialisation par l’image. On peut essayer de deviner ce que fait réellement Jean-Claude Trichet au moment de la prise de vue (Thierry Roge/Reuters). Un éclat de rire retenu? Un début d’éternuement? Quoiqu’il en soit de l’occasion que le photographe a su saisir, un tel portrait, étrange et amusant, attire l’attention.

Répondez franchement: auriez-vous lu un article intitulé: « Bonne rentrée, Monsieur Trichet!« , avec pour sous-titre: « Les divergences au sein de la zone euro sont presque ingérables par patron de la BCE« ? (l’appel de Une, plus réussi, évoque: « Le casse-tête de Trichet« ). Avec cette photo, il est presque impossible de ne pas jeter au moins un coup d’oeil au billet, tant la promesse de l’image est forte.

Continuer la lecture de Qui a besoin de la tronche à Trichet?

A-t-il déjà perdu (son image)?

Un pas de plus dans la « lepénisation visuelle » qui affecte le personnage Sarkozy dans la presse depuis le discours de Grenoble. C’est cette fois Le Point qui s’y colle, dans son numéro du 26 août 2010 intitulé: “Présidentielle 2012. A-t-il déjà perdu?”, dont l’enquête est illustrée par un portrait en pied du président le bras levé à l’horizontale (non signée, agence Abaca Press), en une ébauche à peine atténuée de salut nazi (ci-dessus, cliquer pour agrandir).

Continuer la lecture de A-t-il déjà perdu (son image)?

Libé n'aime pas les bavures

A Libération, il n’y a pas que les photographies qui sont retouchées. Comme nous l’apprend le dessinateur Patrice Killofer sur son compte Facebook, l’illustration publiée aujourd’hui en Une du quotidien a été corrigée. La bave aux lèvres a été ôtée et le rictus a été atténué, ce qui confère au dessin un aspect plus politiquement correct. La bave étant notoirement associée aux caricatures de Le Pen, la version originale (ci-dessus, à gauche) avait pourtant le mérite de souligner le dérapage du chef de l’Etat. Mais le journal de Laurent Joffrin a préféré effacer cette allusion gênante.

Renverser Sarkozy?

Rien de tel que des sondages au plus bas pour donner libre cours à l’imagination illustrative! Dans la série des exercices de style auxquels se livre la presse sur la personne du chef de l’Etat, le numéro du 15 juillet du Nouvel Observateur fournit un intéressant doublé. En couverture, une curieuse image renversée, soulignée par l’intitulé: « Comment il en est arrivé là », sans date ni crédit. Il s’agit d’une version retournée et détourée sur fond rouge du portrait officiel du président de la République, réalisée par Philippe Warrin le 21 mai 2007.

En pages intérieures, l’ouverture de l’article superpose le même titre à une photo par Marin Ludovic (Réa) qui montre un Sarkozy grimaçant, l’air préoccupé ou contrarié, sans précision de contexte. Il s’agit ici d’une image issue de la remise de gerbe devant la statue du général de Gaulle, le 8 mai 2010 à Paris. Ce jour-là, de nombreux photographes n’avaient pas manqué de repérer le jeu formel créé par l’alignement de Sarkozy avec l’interstice rectangulaire ménagé dans le socle du monument. Cet enserrement du personnage présidentiel dans le couloir formé par les deux parois avait déjà été exploité, par exemple par Le Point pour sa couverture du 17 juin, intitulée « Est-il si nul? » (photo Gilles Bassignac/Fédéphoto, voir ci-dessous).

Continuer la lecture de Renverser Sarkozy?

Où trouver une image de l'interview du 12 juillet?

« Nicolas Sarkozy (AFP) ». Tel est le crédit figurant sous cette illustration d’un article du site du Nouvel Obs. Il ne s’agit pas d’une reproduction d’une photo, mais d’un vidéogramme tiré de l’interview accordée lundi dernier par le chef de l’Etat à France 2. Pourquoi le Nouvel Obs doit-il recourir aux services (payants) d’une grande agence de presse pour reproduire ce portrait, que n’importe quel téléspectateur peut réaliser à partir d’un enregistrement numérique de l’émission?

Ce cas de figure tout à fait banal témoigne des conditions pratiques de la gestion de l’illustration de presse. Comme le photogramme, le vidéogramme, extrait de la diffusion d’une séquence animée, bénéficie de l’exception de citation, ce qui signifie qu’il peut être reproduit sans demande d’autorisation ni versement d’un droit quelconque. Encore faut-il, pour en disposer, avoir procédé à l’enregistrement dans de bonnes conditions, puis savoir extraire une image de la séquence – une série de manipulations élémentaires, et pourtant encore peu répandues au sein des rédactions, qui ont pris l’habitude de déléguer ces opérations techniques.

Continuer la lecture de Où trouver une image de l'interview du 12 juillet?

Un demi-siècle dans une photo?

Que veut dire une photo? Ou plutôt: que peut-on lui faire dire, que peut-on projeter sur une image, et à quelles conditions? En lisant le dernier numéro de Courrier international, une phrase du philosophe Jürgen Habermas me fait songer aux investigations sur Culture Visuelle de Sylvain Maresca, Audrey Leblanc ou Olivier Beuvelet. Au lendemain du sommet européen du 7 mai, ce dernier s’était notamment amusé à comparer les différentes versions retenues par les sites de quotidiens en ligne pour illustrer le message dudit sommet.

Dans « Qui veut sauver l’Europe? », Habermas commente en ces termes l’une de ces images: «Cette photo grinçante fixe les visages de pierre de Merkel et Sarkozy – des chefs de gouvernement éreintés, qui n’ont plus rien à se dire. Cette image deviendra-t-elle le document iconographique symbolisant l’échec d’une vision qui, pendant un demi-siècle, a marqué l’histoire de l’Europe de l’après-guerre?»

Continuer la lecture de Un demi-siècle dans une photo?

Laissez parler les photos

A quoi sert la photo dans la presse? Dominique Strauss-Kahn apparaît comme le favori socialiste des sondages pour 2012. Une côte suffisamment élevée pour inquiéter le Figaro.fr. Pendant qu’un papier intitulé « La candidature DSK à l’épreuve de la crise » aligne quelques arguments rationnels, la photo d’illustration tape sous la ceinture. Le portrait du patron du FMI le montre le regard fuyant, un œil globuleux, l’autre éteint, la joue tachée, le menton luisant (photo AFP). Pas vraiment une photo de vainqueur. Mais qui apporte de façon subliminale la réponse à la question. DSK peut-il gagner en 2012? Mais non, regarde comme il est vieux et décati! Le journalisme visuel ou l’art de la suggestion.