Flickr agrandit son format standard

Mise à jour d’importance de l’interface de Flickr. Pour la première fois depuis 2004, le format standard de présentation des photos s’agrandit, passant de 500 px à 640 px: un nouveau format, /sizes/z/, qui s’ajoute à la série des réductions automatiques produites au moment du téléchargement (1024, 640, 500, 240, 100, 75 px). Un bouton loupe permet en outre d’ouvrir directement une fenêtre au format 1024 px sur fond anthracite, qui témoigne du souhait d’améliorer le confort de consultation.

Cette modification permet à Flickr de rattraper son retard sur les formats de visualisation de Youtube (640 px) ou de Facebook (720 px). Contrairement à Facebook, qui n’a pas procédé à l’agrandissement des photos téléchargées à l’ancien format (600 px en 2009), Flickr effectue progressivement la conversion en remontant des photos récentes vers les plus anciennes.

Une disposition améliorée des fonctions et des informations autour de l’image (avec notamment l’introduction du menu « Actions ») complète cette évolution. On notera l’apparition au dessous du choix d’attribution des licences Creative Commons d’un bouton « Want to license your photos through Getty Images?« , qui devient donc un choix par défaut pour n’importe quel contenu. Un tournant dans la philosophie de la plate-forme, qui la redéfinit comme un acteur de l’industrie des contenus visuels.

Quelle image de la révolution numérique?

En voyant la couverture du dernier Studio, qui titre par-dessus l’affiche du film de Tim Burton, « Alice au pays de la 3D », je me dis: voici une image de l’image numérique. Ces couleurs de boîte à bonbons, d’une saturation irréelle, cette image qui rappelle la photo tout en étant si évidemment onirique, comme surchargée d’artifices, s’inscrit dans la lignée des Une des magazines spécialisés exaltant la révolution Photoshop.

Ecce imago numerica. C’est-à-dire d’abord une image. Une image où ce qui est montré est le travail de la construction de l’image, le travail de l’art. Survendue avec l’appel à la 3D, qui connote la prouesse technologique, le dernier progrès en matière visuelle.

Une image de cinéma. Une image que la photo n’a jamais réussi à inscrire dans sa culture. Comme si la photo avait raté, non sa révolution numérique, mais l’occasion de sa revendication. Alors que la pub et la mode s’artificialisent de plus en plus, courent après le style de la 3D du cinéma, la photo légitime continue à ostraciser Photoshop, et à vouloir faire croire qu’elle balade sur le monde son miroir impartial. Que la révolution numérique ne l’a affectée en rien. Ce n’est pas seulement une hypocrisie. C’est un suicide culturel.

Mythologie des amateurs, 2004-2009

Haïti: dès le début, un flot d’images. Pourtant, pour la première fois, la thématique de la production visuelle par les amateurs n’a pas fait recette (on a plutôt observé le développement d’une critique interne de l’usage médiatique des documents de provenance privée, qui signifiait à sa manière que cette catégorie était réintégrée parmi les sources « normales », qu’il appartient au journaliste de gérer). On percevait déjà un affaiblissement de ce récit lors des manifestations iraniennes de juin 2009, largement balancé par la curiosité pour un autre phénomène médiatique: la circulation des informations via Twitter.

Comme je l’indiquais en décrivant l’une des principales étapes de la fondation de ce récit, celle des attentats de Londres de 2005, il est désormais clair que « l’intrusion des amateurs » est une mythologie, une construction médiatique, qui débute avec Abou Ghraib et se clôt avec Neda.

J’ai tenu sans le savoir la chronique de ce métarécit, depuis ses origines. L’histoire n’est pas fonction de l’éloignement dans le temps, elle apparaît à l’instant où un phénomène cesse d’appartenir au présent. Ou plus précisément: on peut commencer à faire de l’histoire dès qu’un métarécit se périme. Dans cette période d’extraordinaire accélération de la production des récits, nous ne cessons de produire de l’histoire, nous fabriquons du passé à cent à l’heure.

La beauté parfaite, ou le dernier rêve

Pocahontas était un conte de la mixité raciale. Malgré la proximité des scénarios, Avatar n’a que peu à voir avec cette mythologie. Ce n’est pas le problème de la race qui fonde le film, mais celui de l’évasion vers un corps idéal – c’est précisément le programme énoncé par son titre. L’écologie, les indiens, ne sont que des éléments de décor. Le film ne joue pas avec le récit, réduit à la portion congrue, il joue avec les images. Ces images qui n’ont pas besoin de légende sont celles de ces corps si beaux.

D’une beauté si familière. C’est ce film qui m’a fait comprendre que le motif de la beauté parfaite n’est pas simplement un détail décoratif des magazines féminins, mais un paradigme omniprésent de l’industrie culturelle, qui se décline de la mythologie de la retouche au personnage sublimé de Michael Jackson. Peut-être le rêve le plus puissant de notre société, qui n’en n’a plus guère.

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Rêver avec YouTube

Quelles sont les motivations de la consultation de YouTube? Principalement le loisir, le jeu, pensons-nous, accessoirement la recherche d’informations.

Ce matin, je trouve mon fils de 11 ans, à peine levé, devant l’écran de son ordinateur. Noël approche. Hier soir, nous avons évoqué les vacances de neige, il a demandé s’il pourrait faire du snowboard.

Ce matin, au saut du lit, c’est à YouTube qu’il a demandé de lui apporter l’image de son désir. Simple: taper « snowboard« , choisir une vidéo, cliquer sur la touche grand écran. Pour un garçon de son âge, habitué à recourir à cette boîte à trésors, quoi de plus normal que de rêver avec YouTube?

L'histoire revue et corrigée

Sarkozy réécrit l’histoire, les internautes aussi. L’affirmation obstinée de la présence de Nicolas Sarkozy à Berlin le 9 novembre 1989 a suscité sur le web une réplique visuelle sans précédent par son ampleur et son inventivité. Petite sélection en forme de promenade historique parmi les sites du Post, Libération, Facebook, Hashtable ou Nicolasyetait. Voir également sur Twitter: #sarkozypartout.

La photo numérique hors du temps

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=bVmuOhoFn3U[/youtube]

Dans la publicité pour le parfum Chanel réalisée à l’occasion de la sortie du film Coco avant Chanel (Anne Fontaine) en mai 2009, Jean-Pierre Jeunet fait évoluer Audrey Tautou dans un univers saturé de références à la nostalgie Belle Epoque, entre cuivres de l’Orient-Express, échos de Billie Holiday et couleurs jaunies façon Kodachrome. On est donc un peu surpris de voir apparaître dans les mains de la belle, à la fin du clip, le dernier modèle d’appareil photonumérique Leica (associé à un zoom très peu conforme à l’orthodoxie de la série M), commercialisé en 2006. L’objet est indispensable au scénario, puisque c’est l’immédiateté de l’affichage digital qui permet au personnage de reconnaître le beau jeune homme (Travis Davenport) du train.

La question n’est pas ici d’un quelconque respect de la temporalité, mais plutôt de l’interpénétration des univers. Même si elles piochent dans des périodes différentes, toutes les allusions visuelles et sonores de Jeunet nous renvoient à un passé mythologique. Faut-il comprendre que la marque Leica neutralise l’intrusion du numérique? Ou que l’outil digital est désormais tellement familier qu’il ne brise pas le continuum de la nostalgie? A moins que le clip ne nous montre l’évolution de notre conception de l’histoire. Comme dans les reconstitutions des amateurs d’histoire médiévale, elle s’y manifeste sous les espèces d’un décor standardisé, sorte de Disneyland académique, où l’appareil photo, témoin obligé de la performance, est toléré comme un objet hors du temps.

La photo aux yeux de chat

En couverture du n° de novembre du Chasseur d’images, une photo de Vincent Munier sous le titre: «100.000° ISO c’est possible». Réalisée avec le nouveau Nikon D3s, l’image de « une » n’est pas à 100.000°, mais à 12.800°, sans retouche, ce qui n’est déjà pas mal. L’échelle ISO étant logarithmique, 100.000° est une valeur approximativement 6 fois plus sensible que 1.600° ISO (12.800° = 3 fois), qui représentait du temps de ma jeunesse un horizon indépassable en photo argentique noir et blanc.

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