[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=bVmuOhoFn3U[/youtube]
Dans la publicité pour le parfum Chanel réalisée à l’occasion de la sortie du film Coco avant Chanel (Anne Fontaine) en mai 2009, Jean-Pierre Jeunet fait évoluer Audrey Tautou dans un univers saturé de références à la nostalgie Belle Epoque, entre cuivres de l’Orient-Express, échos de Billie Holiday et couleurs jaunies façon Kodachrome. On est donc un peu surpris de voir apparaître dans les mains de la belle, à la fin du clip, le dernier modèle d’appareil photonumérique Leica (associé à un zoom très peu conforme à l’orthodoxie de la série M), commercialisé en 2006. L’objet est indispensable au scénario, puisque c’est l’immédiateté de l’affichage digital qui permet au personnage de reconnaître le beau jeune homme (Travis Davenport) du train.
La question n’est pas ici d’un quelconque respect de la temporalité, mais plutôt de l’interpénétration des univers. Même si elles piochent dans des périodes différentes, toutes les allusions visuelles et sonores de Jeunet nous renvoient à un passé mythologique. Faut-il comprendre que la marque Leica neutralise l’intrusion du numérique? Ou que l’outil digital est désormais tellement familier qu’il ne brise pas le continuum de la nostalgie? A moins que le clip ne nous montre l’évolution de notre conception de l’histoire. Comme dans les reconstitutions des amateurs d’histoire médiévale, elle s’y manifeste sous les espèces d’un décor standardisé, sorte de Disneyland académique, où l’appareil photo, témoin obligé de la performance, est toléré comme un objet hors du temps.
Joli….
Pas de meillleur plaisir que de lire ce genre de texte, précis et court, mais faisant écho a nos impressions fugitives
Devant le clip ou on lice a disneyland….
« Passé mythologique », « interpénétration des univers », « briser le continuum de la nostalgie », on retrouve cela me semble-t-il dans d’autres publicités comme celles de l’huile Puget – avec Fernandel qui parle de SMS et d’Internet – qui ne jouent pas seulement de l’anachronisme comique classique mais veulent aussi ancrer le produit vanté dans une sorte d’intemporalité.
Il y a plusieurs registres de manipulation du référent historique. Celui de l’anachronisme comique a été l’un des ressorts principaux d’une BD comme Astérix. Je pense que le clip Chanel ne fonctionne pas du tout de cette façon. D’une part, parce que le Leica n’est pas mobilisé comme un objet incongru, mais au contraire parfaitement intégré à la gamme des accessoires de la séquence, ensuite parce qu’il s’agit ici plutôt d’installer une ambiance (comme c’est généralement le cas dans la publicité pour parfums), sans rupture de continuité. C’est dans ce contexte d’une histoire comme élément d’ambiance qu’il me paraît intéressant de comprendre la non-incongruité de l’appareil photonumérique.
Oui tu as raison, il ne s’agit pas du même registre. Je rapprochais ces films seulement parce dans les deux cas l’article objet de la réclame (parfum, huile) n’est pas l’objet de l’anachronisme et qu’il me semble néanmoins percevoir dans le film Channel la même volonté, classique dans la publicité, de montrer que le produit est intemporel, traverse le temps.
Cela dit, les appareils photos existaient au Moyen Âge:
http://www.iconique.net/magie-de-la-photographie-medievale/
Le succès annoncé du Leica M9 est lié en grande partie à son look de face et à son étonnante ressemblance avec les Leica de la série M. L’objectif est un peu grand, mais ce n’est pas si choquant que ça si on le compare avec un Leica M équipé d’un 135mm.
http://boomer-cafe.net/version2/index.php/Objets-de-legende-des-annees-50/Le-Leica-M3.html
L’incongruité, c’est l’écran à l’arrière qui permet d’afficher la photographie qui est nécessaire au pitch de la pub, mais qui fait du Leica numérique un appareil numérique comme les autres.
En fait c’est sans doute une meilleur publicité pour Leica (qui s’attribue ainsi toutes les valeurs d’un passé mythique qui justifie son prix) que pour Chanel, car je suppose que la majorité des spectateurs n’y verront qu’un appareil numérique comme les autres.