Au supermarché ou dans les papeteries, comme chaque année, en même temps que les présentoirs de fêtes, les calendriers illustrés sont de retour. Tradition séculaire du saut de l’an qui voyait arriver les colporteurs pour mettre à jour ces discrets outils de décompte du temps, et avec eux, la présence des images au cœur des foyers.
La préoccupation pour l’imagerie populaire s’est volontiers focalisée sur le palmarès des « icônes », photos célébrées par l’univers médiatique, promues au rang de visions d’une prétendue « mémoire collective« . Rien de plus facile que de reconnaître, derrière ces succédanés d’œuvres et leurs héroïques auteurs, la grille fatiguée de l’histoire de l’art. Pendant ce temps, des millions de produits d’édition peuplent notre univers de façon modeste, cachés dans les replis du quotidien, et font l’ordinaire oublié de l’industrie des images.
N’en déplaise aux étudiants qui s’acharnent à me proposer des mémoires consacrés à l’œuvre de Jeff Wall, le calendrier illustré est un objet mille fois plus intéressant, plus mystérieux et plus significatif que les exercices rhétoriques de l’artiste canadien.
Ce support d’image la mobilise à la façon du gadget, qui associe une fonction décorative à un accessoire utile (A. Moles, Psychologie du kitsch. L’art du bonheur). Si l’on se dit que l’image fixe, en dehors du marché de l’art, n’a jamais réussi à s’imposer comme produit consommable autonome, à la manière du disque pour la chanson, mais toujours comme une fonction ajoutée à d’autres, peut-être le calendrier nous livre-t-il le cas exemplaire de la place qu’occupe en réalité l’image dans la culture populaire.
Une place dont la modestie explique des évolutions qui restent sinon largement incompréhensibles. Et qui permet d’installer les images dans un rapport de familiarité qui est leur véritable atout.