Tintin s'effondre en 2e semaine

Ouch! La claque! Après une 1e semaine où Le Secret de la Licorne avait cassé la baraque avec 3,158 millions d’entrées, chiffre record (sur 850 écrans), Tintin s’effondre en 2e semaine en passant sous la barre du million de spectateurs, ce qui le place deuxième derrière Intouchables.

Si on compare avec Avatar, qui avait débuté à 2,648 millions d’entrées en 1e semaine sur 726 écrans, mais grimpait à 2,925 en 2e semaine, l’échec est patent. Certes, la concurrence d’Intouchables a contribué à creuser l’écart, mais une division par trois de la fréquentation est à ce niveau une contre-performance sans précédent. Continuer la lecture de Tintin s'effondre en 2e semaine

Tintin pas encore général

Une note rapide. A 10 jours de la projection du Tintin de Spielberg, je suis plutôt surpris de la modération de la pression marketing.

En conservant à ma veille sur cet objet une dimension généraliste, j’ai essayé d’éviter l’écueil d’une spécialisation qui aurait fait loupe, pour demeurer autant que possible sur le terrain d’une réception grand public. C’est ainsi que je n’ai appris qu’hier (via le très généraliste Google News) que la première projection de presse avait eu lieu le mercredi 12 octobre. Les premières critiques semblent enthousiastes (comme pour Cannes, je ressens une gêne face au décalage d’un spectateur professionnel qui a déjà eu accès à un contenu qui m’est pour l’instant interdit).

Pour le reste, une couverture du Figaro Magazine par ci, une pile de coffrets à la librairie du MK2 par là (voir ci-dessus), des affiches bien sûr, mais l’impression reste celle d’une empreinte globalement plus modeste que ce à quoi je m’attendais, d’une présence moins insistante que, mettons, celle du dernier Harry Potter.

En même temps, je me demande quelle balance me permet de formuler un tel jugement. A l’évidence, je réagis de manière très globale en collectionnant un ensemble de signaux éparpillés. L’empreinte de Tintin reste confinée pour l’essentiel au monde culturel et se manifeste par des produits d’édition. La lecture du billet de Rémy Besson sur la promotion de The Artist me fait prendre conscience que je n’ai pas encore aperçu de présentation télévisée du futur film. Tintin est une information culturelle, pas encore une information générale. C’est visiblement cette caractérisation, et tout particulièrement le passage au journal télévisé du soir, qui fait effet de seuil et envoie le signal décisif.

A signaler le livre de Philippe Lombard, Tintin, Hergé et le cinéma (Democratic books, 2011), synthèse bien informée quoiqu’un peu pédestre. La conversation de la Grande Table du vendredi 28 octobre sera consacrée à la sortie du Secret de la Licorne.

Les Aliens sont fatigués

Depuis ce début septembre, je me suis fait embrigader par Caroline Broué pour son émission La Grande Table sur France-Culture (voir ma rubrique « radio« ). Ce qui fait que l’on me demande de temps à autres mon avis sur l’actualité culturelle. Ma dernière perplexité a été mise au menu de l’émission de vendredi prochain (12h55-13h30, avec Ollivier Pourriol et Mathieu Potte-Bonneville): les « aliens » du cinéma ont-ils encore quelque chose à nous dire?

La période récente a été particulièrement nourrie en films d’aliens et de soucoupes: de World Invasion. Battle Los Angeles (Jonathan Liebesman, mars) à Cowboys et Envahisseurs (Jon Favreau, août) en passant par Paul (Greg Mottola, mars), Transformers 3 (Michael Bay, juin) et surtout le très commenté Super 8 (J. J. Abrams, août). On attend également un remake de The Thing (Rob Bottin) en octobre et un The Darkest Hour (Chris Gorak) en décembre.

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Saturation des effets

Entendu l’autre jour David Abiker énoncer tranquillement: ce que fait Lady Gaga, c’est de la merde. Même s’il est particulièrement difficile, et peut-être impossible, d’évaluer sereinement les qualités de la production de la Lady, un tel verdict me paraît plus marqué par le préjugé que par l’à-propos. On peut ne pas apprécier ce que fait Gaga, mais ce n’est certainement pas « de la merde« .

Face à un tel monument de construction de la réception, ce qui m’intéresse sont mes propres perceptions et leur évolution. Il s’avère que j’ai noté au moment de sa sortie ce que je pensais de la chanson Téléphone, entendue par l’intermédiaire du clip de Jonas Akerlund. Or, précisément, je n’ai rien entendu du tout. A en juger par ma réaction tout entière focalisée sur l’avalanche des effets visuels, j’en arrivais à nier purement et simplement la composante musicale de cette proposition.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=GQ95z6ywcBY[/youtube]

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Nouvelle critique

Je note au passage, à titre de documentation de l’évolution des pratiques critiques, qu’Arrêt sur Images est allé lire les réactions des spectateurs du « Petit Journal » de Yann Barthès sur Canal + (qui effectuait hier sa rentrée dans une version allongée à 20 mn),  enregistrées sur la page Facebook dédiée (200 commentaires hier, 653 au moment où je rédige ce post) pour évaluer la réception du programme. Appuyé sur quelques citations (« Vraiment naze ! Et clairement pas drôle ! », « On se serait presque cru chez Drucker :/ »), Asi conclut à une réception négative du public, qu’il oppose à la vision beaucoup plus positive des sites spécialisés TVMag et Puremedias.

L'attente du cinéma, c'est déjà du cinéma

Sur le périphérique parisien, à proximité de la porte d’Italie, on peut voir cette publicité sous forme de peinture murale pour le prochain épisode de Harry Potter (Harry Potter et les reliques de la mort, 2e partie), assortie d’un afficheur qui annonce le décompte avant la sortie du film: – 40 jours, 6 heures, 23 minutes (photo prise le 3 juin).

On peut éprouver des émotions intenses au cinéma. Mais le meilleur film est toujours celui qu’on n’a pas encore vu, celui qu’on attend, celui qu’on rêve. L’installation de cette attente est devenue l’un des principaux volets de l’œuvre cinématographique, une œuvre parallèle parfois aussi importante que le film, du point de vue de son organisation, de son budget, mais aussi de son pouvoir imaginaire. On ne va pas voir le même film selon la qualité de l’attente qui a précédé sa sortie. L’attente du cinéma est déjà du cinéma. Il est regrettable que la recherche accorde si peu d’attention à cette dimension constitutive de la construction culturelle.

L'autre moitié du cinéma

«Toute l’histoire de l’art, toute l’histoire de la philosophie de l’art, nous a habitué à considérer qu’une œuvre vaut par ce qu’elle signifie, ou par ce qu’elle exprime, ou par la qualité d’émotion qu’elle suscite en nous, ou par les pensées qu’elle produit – et non par son aspect luxueux, par la richesse de ses matériaux, par le travail de celui qui l’a faite» (Jacques Aumont, De l’esthétique au présent, De Boeck, 1998, p. 15).

L’autre soir, expérience mille fois refaite, on passe en revue avec les mômes la collec’ de DVD pour décider ce qu’on va regarder. Collec’ qui comprend évidemment une brochette des plus grands succès des quinze dernières années, des films qu’on s’est précipité pour aller voir à leur sortie. Et comme toujours, le choix est difficile. Les arguments sont rationnels, il y a les préférences des différents membres de la famille, l’élimination des films récemment revus. Le désir est comme éteint. Toute la machine qui l’a éveillé et entretenu au moment de sa sortie est loin derrière. On a vu le film, l’inconnu a disparu, reste le souvenir objectif d’un degré de plaisir. Une connaissance, pas une excitation.

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Ecologie du cinéma, vérification par l'échec

Quelqu’un à la rédaction de Studio Ciné Live a l’œil vif et l’esprit avisé. Le magazine est le premier à avoir pensé à gratifier Culture Visuelle d’un abonnement gratuit (adresse: André Gunthert, Culture Visuelle, INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris). Ce qui, compte tenu du nombre d’étudiants qui se consacrent cette année aux études cinématographiques, est une excellente idée. Ces exemplaires seront mis à leur disposition dans la bibliothèque du Lhivic.

Je ne lis pas régulièrement les magazines de cinéma. C’est un tort. Ces objets passionnants participent depuis le début du XXe siècle à l’écriture d’une de nos principales mythologies, celle de l’homme imaginaire – pour reprendre la formule par laquelle Edgar Morin caractérisait le cinéma. Feuilleter SCL fournit à chaque page la démonstration que cette mythologie est plus vivace que jamais.

On reviendra sur le prochain Harry Potter, auquel SCL consacre sa couverture. Un article a particulièrement attiré mon attention, qui tente d’expliquer pourquoi le film Scott Pilgrim (Edgar Wright, 2010), qui aurait dû faire un carton cet été, a finalement été un bide. Alors que l’attention se concentre habituellement sur les films à succès, la question de l’échec est une excellente façon de tester les présupposés de la fabrique de blockbusters.

Denis Rossano retient plusieurs motifs. En premier lieu, un rôle titre confié à un comédien « doué mais peu charismatique » (Michael Cera). Mais aussi la surévaluation par le studio du succès de la BD de Bryan Lee O’Malley à l’origine du film, une publicité qui n’a pas réussi à « refléter le concept et l’univers visuel du film », ou encore la concurrence d’Expandables. Soit un ensemble de traits qui concernent moins les qualités intrinsèques du film que le système de valorisation dont il est partie prenante. En quelques mots se dessinent les ressorts réels de la construction de l’imaginaire cinématographique, qui font regretter d’avoir consacré tant de pages aux films eux-mêmes, et si peu à leur écologie.