La conversation entre dans la caméra

N’en déplaise à ceux qui m’expliquaient doctement qu’un smartphone et un appareil photo, ce n’est pas la même chose (voir mon billet: « Pourquoi l’iPhone est le meilleur appareil photo » et ses commentaires), Nikon vient d’annoncer aujourd’hui la commercialisation du modèle compact Coolpix S800c (16 Mpx, zoom 10x), doté en standard de capacités de transmission wifi (comme la gamme hybride NX et le compact expert EX2F de Samsung), mais surtout de l’OS Android, autrement dit le système de gestion de communication de Google, disponible jusqu’à présent sur les smartphones concurrents d’Apple, qui permet d’accéder rapidement et confortablement au web et de transmettre immédiatement une photo en ligne. Doté d’un écran de contrôle inhabituellement large (3.5″), l’appareil peut également transmettre ses images sans fil à un smartphone ou une tablette en l’absence de wifi (prix annoncé: env. 380 €).

Une telle proposition vient enfin fournir une réponse concrète, de la part des fabricants historiques, à l’évolution décisive des pratiques que je décrivais récemment à Arles (cf. « La révolution de la photographie vient de la conversation« ). Je ne doute pas qu’elle sera rapidement copiée.

L’alliance d’une qualité d’image supérieure à celle des smartphones, associée à des capacités communicantes, pourrait représenter une concurrence non négligeable pour les fonctions visuelles des mobiles. A tout le moins, cette nouvelle étape confirme la fusion de plus en plus en plus étroite du visuel et du communicable et préfigure la pente qui sera suivie par une part importante du marché.

25 réflexions au sujet de « La conversation entre dans la caméra »

  1. Problème, c’est que les photos sont des documents à conserver et que les photos envoyées sur le réseau téléphonique s’y perdre rapidement.
    Peut-être que l’avenir sera aux photos envoyées au labo ? Sans papier, la photo perd beaucoup de sont intérêt, même si la mode est aux réseaux sociaux, mais c’est une mode avec sont corolaire, cela se démode.

  2. Les fonctions classiques de conservation des fichiers sur un support mémoire (et la possibilité d’impression de tirages) sont bien sûr préservées sur ce modèle (cartes SD/SDHC). Destinées en priorité aux usagers des réseaux sociaux, les fonctions communicantes s’ajoutent aux précédentes.

  3. Le pari de Nokia (utiliser un capteur à très haute résolution pour pallier l’absence de zoom sur les smartphones) était une proposition originale, non dénuée d’intérêt. L’inscription de la concurrence dans la caméra communicante rend à mon avis ce pari caduc. Mais tu as raison, la guerre entre les deux industries ne fait que commencer… A quand l’intégration d’un slot SIM, qui permettrait de réutiliser son abonnement 3G sur une caméra?

  4. Nokia est au plus mal, si j’ai bien compris parce qu’ils n’ont pas réussi leur passage au smartphone. Dernier et ultime Nokia utilisant le Symbian ce modèle semble être un peu un ovni. Une nouveauté absolue (la partie photo) dans du vieux (le reste).

  5. C’est rigolo : ce sont ceux qui vous parlent qui le font doctement.
    Vous, non. Ou alors vous êtes légitimement docte et eux pas.
    Ils peuvent aussi, doctement ou pas, penser que « l’évolution des pratiques » ne les concerne pas, eux, personnellement, dans leur pratique. C’est possible. Qui les oblige?

  6. L’un n’exclut pas l’autre! Je suis parfaitement capable d’être aussi docte que n’importe qui! (voir mes 1500 et quelques billets, tous plus pédants les uns que les autres… 😉

    Blague à part, à l’opposé de certains, je me vois mal empêcher quiconque de faire des images comme bon lui semble ou imposer quoique ce soit – ce n’est pas le genre de la maison. Mais un chercheur est payé pour repérer et décrire des tendances. Nul n’a dit qu’il n’était pas possible de les discuter ensuite…

  7. Prochaine tendance donc : »l’engin », ou la « machine » mono-focale (rien ne dit si ce sera un appareil photo, un téléphone, ou un téléscope portatif) doté d’un capteur de 120Mo qui permettra de :
    – zoomer à 1000%, recadrer, recomposer, etc. Faire sa photo APRES l’avoir prise, en somme. Plus besoin d’autres focales.
    – faire un tirage de 6m / 4m pour épater tonton
    – envoyer illico un jpeg de la même image sur l’iPhone7 de mémé et sur tous les réseaux sociaux possibles. Que le MONDE ENTIER soit au courant.
    – projeter un diaporama improvisé sur un mur blanc (120cm / 80cm, c’est déjà pas mal)
    – rédiger une note, une légende, si nécessaire.
    – téléphoner et recevoir des appels, des mails, etc.
    – repasser une chemise avec le dos acier
    – signaler sa présence dans la nuit pluvieuse jusqu’à plus de 5000 mètres
    – se défendre avec la lame rétractable (ou le Tazer intégré pour la version pro)
    – etc.

    Enfin, bref, on n’est qu’au tout début de la Grande Convergence (et de la Grande Lutte Industrielle)

  8. Je devine à votre humour grinçant que cette accumulation de fonctions ne vous paraît pas de la première nécessité. Pourtant, rappelons-nous que l’histoire de la photo à vu l’intégration progressive de fonctionnalités, telle que la mesure de la lumière ou de la distance, la visée réflexe ou le zoom, qui semblaient tout aussi superflues autrefois, et dont on aurait du mal à se passer aujourd’hui. Que diraient les inventeurs de l’automobile face à la multiplication de fonctionnalités, notamment communicantes, dans les véhicules contemporains? Le succès phénoménal de l’iPhone est aussi celui de l’intégration réussie d’une pluralité de fonctions qu’on n’aurait jamais pensé possible d’associer. En revanche, la domotique, qu’on nous annonce depuis trente ans, n’a pas vraiment pris dans les foyers. Il y a donc des associations jugées utiles, et d’autres moins (ce qui me fait penser que votre appareil à repassage incorporé ne remportera peut-être pas le succès escompté… 😉

  9. C’est assez peu probable, en effet 😉 quoiqu’il y aura sans doute une niche (une de plus…) de repasseuses-photographes pour s’en accommoder. Plus sérieusement, c’est le travail sur la « simplexité » (John Maeda, MIT media lab) qui va s’affiner, prendre forcément de plus en plus d’importance. L’intégration d’une multitude de fonctions complexes à priori pas forcément compatibles, mais avec un pilotage à ergonomie facilitée. C’est ce qui, techniquement, est le plus difficile et qu’a bien réussi l’iPhone, oui. J’attends d’autres outils avec une impatience non dissimulée, notamment ceux qui permettront d’aborder les BDD, leur représentation, avec aisance et esthétique.

  10. Bonjour,
    On s’amuse avec beaucoup de sérieux ici …
    Encore une fois ce que je vois n’est qu’une baisse des coûts qui rend accessible donc populaire des trucs réservés aux élites il y a peu.
    Et je rejoins le camp des amateurs, la photographie n’ayant pas d’élite proclamé par une origine sociale ou un niveau d’étude, mais une profusion d’amateur foisonnants depuis ses origines.
    Le croisement baisse des coûts et profusion d’amateur fabrique une évolution vertigineuse, incontournable, mais un peu vaine.

    En fait tout change, mais rien ne change, le vestpocket des tranchées de 1914 raconte la même chose que le Iphone des « guerres » de banlieues.

    RLZ

  11. (Et si la révolution de la conversation venait – aussi – de la photographie ? Quand on se ballade sur FB ou autre, on peut se poser la question…) Debord ne disait-il pas, en parlant de la société du spectacle, qu’il fallait définir ce mot « spectacle » comme un rapport entre les gens, médiatisé par des images… Or cette facilité, cette omniprésence de l’image à tout va, me semble combler parfois certains vides conversationnels, si j’ose dire. On finira par ne s’envoyer que des cartes postales – ou assimilés. 🙂

  12. @NLR: Tout à fait d’accord avec la formule! Mais « l’omniprésence » de l’image doit être rapportée au fait que la culture privée est, contrairement à la culture officielle, une culture orale. C’est la raison principale du succès de la photo dans la sphère privée depuis le 19e siècle: elle sert à enregistrer les moments de l’histoire des individus, exactement comme le ferait une civilisation privée d’écriture.

  13. Petite observation, si les images de 14-18 nous sont parvenues, qu’en sera-t-il des images des smartphones (et pas seulement de l’iPhone ! seriez-vous subventionné par Apple ?). Je vous invite à écouter l’émission de France-Inter : Stockage des données, quel futur pour notre passé ? http://www.franceinter.fr/emission-on-verra-ca-demain-stockage-de-donnees-quel-futur-pour-notre-passe?&comments=votes
    Nos images deviennent des consommables éminemment périssables, à usage immédiat, et puis pouf !

  14. J’ai toujours souligné mon regret devant l’absence d’investissement par les fabricants de la gestion mémorielle des données numériques (voir: http://culturevisuelle.org/totem/1605 ). J’ajoute que croire que l’archivage des images matérielles était satisfaisant est une illusion d’optique. Depuis l’origine de la photo, nous avons évidemment perdu beaucoup plus d’images que nous n’en avons conservé. L’archivage de la photo est horriblement cher, et la préoccupation patrimoniale malheureusement pas assez significative pour que puisse exister une sauvegarde autre que marginale de la mémoire photographique.

    Concernant la conversation, mis à part la correspondance épistolaire (et les paroles gelées), celle-ci n’a qu’exceptionnellement fait l’objet d’une matérialisation permettant son archivage. Depuis l’avènement du web 2.0, les blogs, sites interactifs et réseaux sociaux enregistrent bel et bien les conversations numériques. Le problème qui se pose aujourd’hui est la gestion et l’accès rétrospectif à cette information (cf. billet cité).

    Quant à l’iPhone, nul besoin d’être subventionné par Apple pour constater qu’il s’agit d’un des plus grands succès industriels des dernières années (250 millions d’exemplaires vendus en 5 ans): il s’agit d’un fait objectif.

  15. Un complément de réponse tardif à Jean-LuK, à propos de l’iPhone. Après la présentation publique du 5e du nom, il apparaît clairement que l’ère Jobs a pris fin et que la dernière version du joujou ne marquera pas l’histoire (entre autres choses, le changement de connecteur me paraît une erreur commerciale majeure).

    Ce qui signifie immanquablement que, quelque soit le rôle de modèle de ses versions antérieures, c’est désormais du côté d’Android que s’écrit l’avenir. Il est donc plus que probable qu’on pourra me soupçonner, dans mes prochains billets dédiés à ce volet, de travailler pour Samsung ou Google – réalité des pratiques oblige! 😉

  16. Apple, c’était plutôt ironique, beaucoup tombent dans ce travers.
    L’essentiel est la conservation qui, si elle n’est loin d’être parfaite avec les technologies argentiques, était beaucoup plus robuste à moyen terme, même pour la couleur. C’est pourquoi j’ai été une peu assommé par l’annonce vendredi (à confirmer) de l’arrêt de la production des films couleur négatifs et inversibles par Fuji, et ce pour deux raisons, premièrement, Fuji est la firme qui produisait les films couleur présentant la meilleure conservation et, deuxièmement, il me semblait que le transfert sur film des meilleures images numériques par l’intermédiaire d’imageur présentait une excellente solution de sécurisation. Sur diapositive, une espérance de vie de près d’un demi-siècle est largement envisageable, et certainement bien plus ; il existe des images des années 50 encore utilisables malgré des conditions d’archivage ordinaire.
    Avec les technologies numériques, le problème est essentiellement lié à la multiplicité des technologies et des outils qu’il faut préserver tous interdépendante. C’est même beaucoup plus crucial que la conservation des simples images dont il est question, nous confions aux technologies numériques la totalité de nos connaissances. Il nous faut donc être assurés de disposer en permanence et sur le long terme d’électricité, de moyens de communication, des technologies, des matières premières et des industries pour que tout cela fonctionne ensemble ; sachant que si un seul ou quelques rares éléments viennent à manquer et c’est la totalité qui peut se retrouver paralysé, voire détruit. Les inondations au Cambodge nous ont privés de la moitié de la production de disque dur mondiale ou le chantage aux terres rares de la Chine nous ont donné une petite idée de ce qui est potentiellement probable en cas d’accident majeur.
    Je me sens d’humeur optimiste aujourd’hui…

  17. Fuji arrête la production de trois film couleur dédié au cinema, le reste des film est toujours présent au catalogue.
    Et de toute façon, il reste du film N&B de provenances diverses, donc pas de vraies menaces sur le film, juste quelques réajustements.
    Fuji a même sorti un film d’archivage trichrome le Eterna-RDS type 4791 qui permet par le biais d’une séparation trichrome digitale de sauvegarder des images couleurs avec une espérance de vie de 500 ans sans dégradation visible (produit destiné au cinema).
    Alors ne prévoyez pas l’amnésie du monde pour demain, il y a encore des solutions éprouvées qui tiennent la route.

  18. Henri Gaud,
    Comme quoi, la solution que j’avais envisagée (il me semblait que le transfert sur film des meilleures images numériques par l’intermédiaire d’imageur présentait une excellente solution de sécurisation) est similaire à celle proposée par Fuji !
    Deuxièmement, je ne suis pas le seul à pointer l’extrême fragilité de notre société numérique : La pollinisation, enjeux économiques, par Yann Moulier-Boutang ˜— http://vimeo.com/49977836#

  19. La solution que Kodak et Fuji ont envisagé ces dernière années, n’est jamais qu’une mise à jour de tas de trucs connu et reconnu depuis l’origine de la photographie en couleur soit depuis 1868.
    La nouveauté c’est que l’on puisse faire du fric avec une solution d’archivage, et non que la technique de l’archivage soit une « découverte ». On saura bientôt si cette idée trouve sa voie, il me semble que Kodak à bientôt des comptes à rendre, et que la disparition de Kodak en temps que tel soit d’actualité. Mais je ne suis pas sûr que cela puisse donner des ailes à Fuji.
    Pour les photographes plus modeste, qui n’ont pas d’imageur sur leur bureau, il y a une solution connue depuis que la photographie existe, qui consiste à matérialiser l’image, à la mettre sur papier, c’est à la portée de tous, à condition de savoir faire son marché dans les milliers d’images numérique qui nous envahissent.
    Notre société est peut-être fragile mais la crainte de cette prétendue fragilité, la renforce dans l’esprit des population, alors que vous vivons dans un système d’une très grande stabilité, tellement stable que la moindre vague parait une montagne.

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