L'adieu au sarkozysme

Le ressort est cassé. La machine qui avait fait gagner Sarkozy en 2007, changement d’alliance au sein de la droite, le rapt des voix du Front national gagnées en chatouillant leurs réflexes xénophobes, a fait long feu. Il est savoureux de constater que c’est le stratagème qui devait assurer la victoire de l’UMP aux régionales, le fameux débat sur l’identité nationale, catastrophiquement conduit par la marionnette Besson, qui a posé les clous du cercueil.

Cet échec annonce la fin de la parenthèse sarkozyste. Encore une démonstration apportée par les régionales: le vainqueur de 2007 n’a pas de stratégie de rechange. Deux longues années vont s’écouler à zig-zaguer entre diversions attalistes et coups de mentons sécuritaires. Trop tard pour lancer une guerre, comme Bush junior. La foire d’empoigne à droite a commencé. Ca ne va pas être beau à voir.

Côté gauche, là aussi, ça s’éclaircit: Aubry a remporté les primaires avant même qu’elles soient disputées. Exit le Modem, l’alliance avec le pôle de l’écologie molle clarifie le paysage et assure un socle électoral bobo-centré. Sans autre projet que de s’ériger en « bouclier » contre la casse sarkozyste – la poursuite de la révolution libérale, mais avec des oreillers.

Zéro adhésion de la population, qui voudrait qu’on lui rende ses services publics, mais sans payer d’impôts. Se sortir du guêpier sarkozyste, avec ses dérives mafieuses, n’est pas un programme mais tout juste un sursaut. Reste une démocratie brisée, des élites désavouées, un marché surpuissant, une Europe en panne. Rien qui fasse un horizon, encore moins un projet.

Redonner vie à la démocratie française devrait passer par l’abandon des réflexes jacobins de délégation et par le retour des citoyens à la participation à la vie politique. Faut pas rêver. Martine n’est pas le père Noël. Alors pour l’heure, se satisfaire de la déconfiture des Besson-Zemmour, pauvres pitres de la peur, et du bruit de dents qui grincent, rue du faubourg Saint-Honoré. Les deux ans qui viennent seront plus longs pour lui que pour nous.

12 réflexions au sujet de « L'adieu au sarkozysme »

  1. Hier, j’écoutais quelques membres du gouvernement qui répétaient les mantras du jour (« nous avons entendu ce que veulent nous dire les français, alors nous maintenons le cap » et « les gens sont inquiets à cause de la crise qui est mondiale ») et qui utilisaient les techniques rhétoriques psychologiques habituelles (à quelqu’un qui lui disait « vous avez joué sur la peur et le rejet de l’autre », Xavier Bertrand réplique par un cynique : « vous voulez faire voter les immigrés, j’y suis défavorable » – répondre par la grosse ficelle à l’accusation de grosses ficelles, il faut un aplomb incroyable pour faire ça). Donc ils n’ont pas changé, ils se croient toujours dans un épisode de « The West Wing » où la garde rapprochée du président met au point des stratégies de communication quotidiennes.
    Ce que je trouve intéressant dans les méthodes de manipulation et dans les tours de passe-passe, c’est qu’elles ne peuvent pas durer longtemps : les gens s’habituent, ils finissent par voir les fils, le numéro qui les épatait se met à les agacer et ils commencent à se reposer des questions claires : est-ce que ma situation s’améliore ?
    Alors ils changent de vote.
    Mais si on ne peut pas mystifier les gens longtemps en conservant une même méthode, on peut en revanche les re-mystifier quelques années plus tard. Ça s’appelle l’alternance 🙂

  2. Salut. Hélas je ne partage pas complètement cette idée de la fin du sarkozysme. Je pense que le mal est plus profond, à la fois dans ses conséquences que tu exprimes bien, que dans la puissance idéologique du bouzin. Si les français préfèrent payer moins d’impôts plutôt que de sauver les services public, c’est parce que les « rêves de droite » comme le dit Mona Chollet sont passés dans les têtes – et surtout dans l’électorat populaire. Tiens j’en parle justement là
    http://www.radical-chic.com/?2010/03/22/976-sortir-du-recyclage
    Et hélas le PS n’est pas prêt à se repenser fondamentalement ; j’ai peur qu’il n’en soit pas capable du tout.

  3. @Jean-no: Voilà 😉

    @Guillermo: On est d’accord. Je ne dis pas que c’est la fin du libéralisme – et je pense comme toi que le PS n’est pas capable d’un effort théorique quelconque. Mais la politique, ce n’est pas de la magie, c’est de la mécanique. Sarkozy a gagné en 2007 parce qu’il avait une stratégie d’alliance inédite. Nous savons maintenant que c’était un fusil à un coup. Les régionales ont formé un laboratoire passionnant, dont les leçons sont particulièrement claires. Les médias dominants vont sans doute mettre du temps à modifier le récit longuement poli de la success story sarkozyste, mais on peut déjà anticiper les conséquences logiques de l’échec d’Eric Besson. Privée de l’apport des voix FN, qui ne se feront pas piéger une seconde fois, la droite va retourner à ses vieux démons – luttes internes et tentatives de s’ancrer au centre, pendant que la girouette élyséenne va continuer à tourner à tous vents, à la recherche d’une formule magique qui n’existe pas.

  4. @ André Gunthert : votre analyse me semble enterrer un peu vite le sarkozysme. Son pouvoir financier (donc les médias dominants à sa botte), ses alliances poudre-aux-yeux (Kouchner, l’alibi, resterait en place, même si Besson change de poste…), et la machine UMP n’ont pas encore dit leur dernier mot ni sorti leur dernier coup, style Ali Soumaré.

    D’accord, il y a du boomerang dans tout cela, on l’a bien vu.

    Mais ce que vous appelez « le pôle de l’écologie molle » (voir l’appel, réitéré, du 22 mars de Cohn-Bendit), s’est quand même allié au PS et au Parti de gauche, ce qui n’était pas évident, et l’union ainsi formée a permis ld’aboutir aux résultats encourageants que l’on sait.

    Je vous trouve un peu « désenchanté » : certes, l’abstention est un problème majeur, qui montre bien l’état de déréliction dans lequel ont été laissées certaines catégories de la population : c’est justement l’espoir à gauche qui peut changer la donne.

    Un conseil : achetez « Libé » papier de ce matin, sa « une » devrait vous redonner, j’en suis sûr, quelques couleurs et l’enthousiasme qui n’empêche pas la lucidité !

  5. Attendons-nous à une montée du terrorisme, à une mise en valeur de chaque fait divers (criminalité), à une loi anti-burqa, rien ne sera assez fort pour flatter les FN dans le sens du poil, mais rien sur le chômage et la paupérisation rampante des Français.

    Comment arbitreront les gens de droite au dernier moment ? Va savoir.

    http://anthropia.blogg.org

  6. Le micro-remaniement trahit les hoquets du moteur sarkozyste: un chiraquien et un villepiniste comme principaux signaux, on voit bien de quel côté est le problème. C’est d’ailleurs amusant: au moment où la carte de France est toute rose, au lieu d’une ouverture à gauche, on serre les boulons à droite.

    « Espoir à gauche? » J’ai rêvé ou j’ai entendu Moscovici conseiller à Sarkozy de poursuivre la réforme des retraites?

  7. Le terme de parenthèse est très juste… une parenthèse de destruction massive et rapide d’une partie de la tradition sociale et du service public français… On la referme… Sarkozy était (parlons en au passé…) une aventure d’un soir pour la France, une illusion d’autant plus efficace qu’il a bénéficié d’un vrai divorce entre le PS et son candidat (Hollande/Royal) et de l’amateurisme forcené de son adversaire de gauche alors qu’il y avait un boulevard…
    Maintenant, (je ne sais pas si c’est rassurant) c’est une solide gauche écolo-protectrice sociale ou le déchaînement de la haine Frontiste… L’UMP a vécu. Et Jeudi, Villepin passe à l’attaque !
    Ajoutons qu’après avoir vampirisé l’extrême-droite en donnant une légitimité « républicaine » à la plupart des ses idées, l’UMP pourrait bien se faire vampiriser par une extrême droite à visage féminin plus soft… Une digue sanitaire qu’on peut remercier Chirac d’avoir maintenue, a été brisée par Sarkozy pour des raisons électoralistes à court terme… Maintenant les vases communicants entre les électorats FN et UMP vont faire leur boulot… Il suffira d’un discours soft de Marine qui ferait en sens inverse le trajet qu’a fait Sarkozy et une bonne partie de l’électorat de la droite républicaine qui s’est déjà laissée dériver vers son « pétainisme transcendantal » pourrait faire son coming out frontiste…
    La maison commune de la gauche doit vite sortir de terre pour au moins sauver les meubles qu’il nous reste ! Et il y a grand danger de voir le FN grimper très haut si l’UMP continue (comme Copé avec la burqa) de jouer à l’apprenti Le Pen.
    La parenthèse Sarko aura fait beaucoup de mal au pays…

  8. ns a brisé deux tabous traditionnels dans la droite parlementaire gaulliste ou post-gaulliste:
    – le culte de l’argent
    – le racisme
    C’était le sens de la « rupture ».
    Je suis d’accord pour dire que cette élection laisse entrevoir une chance de non-réélection de ns. Mais la question est: la droite parlementaire sera-t-elle capable de restaurer ces tabous? J’en doute, comme je doute de la capacité du PS à incarner quoi que ce soit de prometteur et de crédible à la fois. De ce point de vue il n’y a pas parenthèse mais changement de cycle politique un peu comme avec Napoléon 3.

    Nous allons donc peut-être vers un conflit entre écolos et frontistes.

    PS Je ne suis pas sûr du rapport avec la culture visuelle.

  9. @François Brunet: « Je ne suis pas sûr du rapport avec la culture visuelle ». Vieille discussion (voir: Peut-on parler politique sur un blog scientifique? sur ARHV). J’ai justement créé Totem pour éviter aux allergiques du mélange des genres toute poussée d’urticaire. Tu peux éviter de rencontrer des billets hors-sujet ou des notes incomplètes en restant sur l’Atelier des icônes, mon blog straight. Mais à vrai dire, ton propre commentaire confirme l’intérêt de ce type d’excursus, qui forment autant d’enregistrements-témoin de réactions à chaud qu’il sera possible d’analyser et de comparer ensuite. Evidemment, il faut être historien pour voir l’intérêt de ce genre de traces 😉

  10. « Le micro-remaniement trahit les hoquets du moteur sarkozyste: un chiraquien et un villepiniste comme principaux signaux, on voit bien de quel côté est le problème. »

    Des hoquets : je verrais plutôt une nouvelle tentative de le faire redémarrer… avec le même démarreur. Celui que NS avait utilisé pour son ouverture « à gauche » (qui d’ailleurs n’a rien ouvert du tout, sinon la porte de sortie aux électeurs de droite) : il veut atteindre son éternel rival. Et au passage faire taire les rares opposants de son bord : se souvenir des horreurs proférées par Baroin et surtout Tron jusqu’à ces derniers jours à l’encontre de leur nouveau maître, dont il n’y a aucune raison de penser qu’il ne va pas les rudoyer à l’occasion comme tous ses autres ministres sauf deux ou trois chouchous/tes.

    On commence assez à connaître NS pour savoir qu’il est incapable de changer de comportement : c’est un éternel ado, narcissique, rongé par l’obsession de plaire et ne supportant pas de s’entendre dire qu’il déplait.

    « Zéro adhésion de la population, qui voudrait qu’on lui rende ses services publics, mais sans payer d’impôts. »

    La population (dont je suis, dont il ne faut pas nier l’égoïsme) accepterait plus de faire des sacrifices si ceux-ci ne lui incombaient pas en quasi exclusivité, s’ils ne leur étaient demandés par Blingbling 1er et ses amis du CAC40. Voir par exemple les effectifs de fonctionnaires fondre comme neige en mars – par exemple, la police affectée aux banlieues avec leurs commissariats vides et sous-équipés quand le Prince ne sort plus de son Élysée qu’entouré par une petite armée.

  11. @ André: me suis mal exprimé, tu as raison de me reprendre. Je ne suis pas du genre « je ne fais de politique ». Je voulais plutôt demander, quelle est l’expression qui correspond à ces élections, à la parenthèse NS, etc., en culture visuelle? Je n’attends pas une réponse au quart de tour, c’est une question de recherche.

  12. A lire aussi sur le blog de Paul Jorion:

    Contre-appel du 22 mars
    « Le monde auquel nous aspirons est l’inverse de celui qui, petit à petit, s’est installé dans nos vies et pire encore, se trouve maintenant logé à demeure dans nos têtes. À l’égard de celui-ci, nous sommes déjà, au plus profond de nous-mêmes, des insoumis. »

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=9401

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