Au hasard d’un tour en ville, je tombe sur la nouvelle gamme de figurines accompagnant la sortie du Secret de la Licorne. Surprise! Les jouets ne copient pas les personnages de la BD, mais reproduisent ceux du film de Spielberg, qui créé donc une nouvelle référence – une première dans l’univers hergéen!
A noter, sur le plan théorique, que c’est bien l’image (la reproduction sous forme de figurine) qui fournit la preuve de la création d’un nouveau modèle: ce n’est que parce que celui-ci est à son tour copié qu’il peut être perçu comme une nouvelle référence, et non comme une version dérivée de la bande dessinée originale.
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A noter qu’une autre collection de figurines a fait son apparition, qui essaie de faire son trou à base de « vu à la télé » et de dénomination « officiel », limite on échappe au « approuvé par Hergé » : http://www.tintin-collection-figurines.com/
On assiste donc à un combat bien étrange : les figurines « jouets », pour que les enfants prolongent l’expérience du film avec les personnages équivalents vs des figurines de collection, sous le sceau de la valeur intrinsèque lié non à la prolongation d’une expérience quelconque de la BD mais à la valeur du symbole lui-même : la figurine est « reproduite à la perfection », « accompagnée de son livret inédit », et de son « passeport numéroté ». Bref, pas vraiment un jouet mais bien plutôt un objet de décoration, non-utilisable, mais surtout non-appropriable, entièrement figée dans l’histoire qui le fait émerger, ombre morte d’un imaginaire transformé en tombeau, certifié authentique.
Oui, mais ça fait un bon moment que Tintin a encouragé une industrie parallèle de reproductions de luxe, dont certaines versions rejoignent presque le marché de l’art. Que le film relance cette activité éditoriale (ou antiquaire) n’a rien de surprenant: la boutique où j’ai découvert la nouvelle ligne de jouets proposait également les anciennes gammes, avec les célèbres reproductions de fusée lunaire ou de totem arumbaya, quoique ces objets n’aient aucun lien direct avec Le Secret de la Licorne. Bizness is bizness!
Je crois cependant que c’est la première fois qu’on insiste autant sur le caractère « officiel » d’une collection : rien que sur le bandeau titre du site : 3 occurrences!
Et il y a bien la mention « Première collection officielle »… Business is business, je suis bien d’accord, c’est un argumentaire de combat qui se déploie mais à base de « livrets inédits », de « passeport numérotés », de qualité « exceptionnelle »… le message est clair : on n’est pas là pour jouer!
Une question que j’aimerais soulever pour plus tard : y-a t-il des collections à deux vitesses? La chambre de l’enfant contre la vitrine des parents (ou le meuble du salon)?
On sent là l’importance des enjeux commerciaux dans l’évolution de l’iconographie, il s’agit de commercialiser une image sur laquelle Spielberg a des droits… et non de commercialiser l’image de Tintin…
Cette figurine de Tintin là ne sera probablement pas perçue de la même manière par ceux qui le rencontreront pour la première fois au cinéma (surtout aux USA qui connaissent peu le héros belge) et par ceux qui le retrouvent sous cette apparence légèrement différente (en Europe). Pour les premiers ce sera « Tinetine », pour les seconds, le Tintin de Spielberg… qui est lui-même dérivé de l’original (qui a lui-même dérivé de lui-même (d’une matrice) au fil des années et des albums…)
Le Tintin de spielberg pourra-t-il devenir une nouvelle référence ou simplement être condidéré comme une version de la matrice ?
On risque de voir deux Tintin(s) (assez cousins) se partager le monde, non ?
@Olivier Le partage devrait se faire naturellement me semble-t-il. On a deux marchés distincts parce que comme l’a dit André, le Tintin de Spielberg est nouveau.
Sa figurine n’est qu’au début du lent processus qui conduit le jouet manipulé par des enfants à devenir un objet de collection qu’ils n’auront plus le droit de toucher. Le stade ultime du processus étant le vrai/faux, la figurine « reproduite à la perfection » qui a la même fonction dans sa vitrine que la reproduction d’un tableau signé d’un artiste renommé sur un mur du salon. Ce n’est pas un jouet mais une oeuvre d’art supposée renvoyer aux autres (et à nous-mêmes) une image que nous pensons flatteuse de nos goûts artistiques.
Les produits dérivés du film de Spielberg connaîtront peut-être le succès des transformers dans les cours de récré, mais ce sera parce qu’ils sont issus du film de Spielberg, par parce que Spielberg s’est inspiré de Tintin. Son Tintin n’est pas plus dérivé du Tintin de Hergé que le film Blanche Neige de Disney n’est dérivé du conte des frères Grimm.
@ Thierry,
On est bien d’accord, le nouveau tintin est une création de Spielberg mais elle est dérivée du Tintin de Hergé ; la dérivation est la création d’un nouvel objet à partir d’un ancien…
Ma question porte sur le fait que le Tintin d’Hergé existait avant celui de Spielberg, mais pas partout de la même manière, ce que Spielberg a bien compris en le sortant d’abord chez les Ch’tis d’Europe avant d’aller conquérir le marché américain auréolé de son flamboyant succès chez les autochtones… Mais là-bas, la vraie cible en terme de public, Ti tin n’existe pratiquement pas, il va naître sous les traits de celui de Spielberg… Alors qu’ici, les deux vont se côtoyer…
Je comprends mieux maintenant le sens de la sortie en Europe… Les européens auraient mal vu qu’on leur impose un Tinetine déjà célèbre aux USA… Dans cette configuration là, il part d’Europe pour aller conquérir les USA…
C’est bien un nouveau Tintin, mais un nouveau Tintin qui vient en Europe prendre le relais de l’ancien…