«Les dizaines, ça fait mal!» Me dit à brûle-pourpoint le contrôleur SNCF qui vient de scanner mon e-billet avec son appareil portable. «Vous inquiétez pas, moi je viens de passer les soixante, vous verrez, on s’y fait!», m’explique-t-il dans un grand sourire.
Pour apporter la réponse appropriée à cette proposition d’interaction sociale, j’ai environ une demi-seconde pour réaliser que le préposé vient d’avoir accès, via le flashcode de mon billet, à ma date de naissance (exigée lors de la réservation en ligne pour établir la catégorie de voyageur à laquelle j’appartiens). L’affichage du millésime 1961, qui annonce l’irrémédiabilité de mon cinquantième anniversaire, a réveillé chez lui le souvenir de son propre passage de décade, visiblement assez éprouvant pour qu’il tienne à me rassurer.
Pendant que la crainte du fichage se nourrit de l’hostilité pour Facebook, les pratiques réelles de circulation et d’archivage de nos données personnelles nous rendent chaque jour un peu plus transparents au regard des grands frères qui veillent sur nous.
Je m’étais également fait cette réflexion en jetant un oeil sur l’appareil du contrôleur qui fonctionnait mal et qu’il me montrait pour maudire la technologie… Et j’avais tiqué en voyant aparaître sur l’écran, non seulement mon nom mais en plus ma date de naissance complète… En quoi cette information doit-elle voyager dans le code ? Je trouve ceci très indiscret à dire vrai alors que je ne suis pas technophobe… Pourquoi ne pas avoir alors à renseigner sa confession, son niveau de salaire, etc… Les apartheids de demain seront bien plus subtils…