Gondry est notre meilleur cinéaste actuel, celui qui a le mieux compris l’interaction avec la culture industrielle, tout en gardant sa part d’inventivité. Petit bijou qu’on a immédiatement envie de revoir en sortant de la salle, The Green Hornet fait partie des exercices de relecture au second degré typiques d’une actualité qui n’en finit pas de méditer ses classiques. Sortes de Bouvard et Pécuchet du super-héros, Britt et Kato en dévoilent le fond de sauce, qui est la jobardise. La réjouissante nullité d’ados attardés incapables de séduire ne serait-ce que la Milf du secrétariat est l’équivalent d’un coup de pied au cul à tout l’échafaudage mythologique soigneusement entretenu par Warner Bros. et Christopher Nolan.
Plus intéressant encore, le penchant qu’entretient le film pour la manipulation médiatique, discret fil rouge qui achève de miner les soubassements de l’idéal. Que ce soit du côté du justicier masqué ou du méchant procureur, un journal sert essentiellement à s’essuyer les pieds dessus et à fabriquer des campagnes d’auto-promotion parfaitement mensongères. La sauvegarde de l’honneur du Daily Sentinel passe d’ailleurs par une destruction physique quasi totale de l’immeuble (tout ça pour copier un fichier d’une clé USB finalement vide).
Pas étonnant que le film n’ait reçu que des critiques moroses de la presse. Parfaitement en phase l’humour geek des ados d’aujourd’hui, Gondry est le seul à pouvoir faire rire de l’informatique 1.0 (le Hornet enquête en laissant sa carte de visite avec son adresse e-mail), une blague qu’il n’est pas certains que beaucoup de chefs de rubrique entendent, eux dont les portefeuilles sont garnis de cartes de visite avec leur adresse e-mail.
(Accessoirement, je découvre à l’occasion de la discussion de ce film la « micro-critique ». Tu vas voir un film avec les gosses, tu publies un tranquillement un petit tweet pour tes followers, et te voilà listé parmi les micro-critiques. Rien ne se perd… Ah oui, et la 3D? Deux jours après, aucun souvenir. C’est comme de voir un film normal, simplement plus cher…)
Sur la 3D, tous les films que j’ai pu voir (une dizaine) ont le même problème: ne pas prendre en compte au début de la periode d’adaptation de l’oeil du spectateur à la 3D. Up des studio Pixar est peut être le seul a avoir trouvé une bonne parade commençant son film en fausse 2D. Pour Green Hornet la 3D rend le début totalement brouillon. Dommage, car il me semble que c’est le seul film avec Up (le début donc) et Coraline qui propose des axes interessants dans l’utilisation de la 3 D. Deux scènes surtout, la plus brillante est le split screen se divisant de plus en plus jusqu’à l’apparition de 8 veritables cases (avec hommage aux bandes dessinées de super héros). Dans certaine case la 3D donne à la profondeur de champs encore plus de visibilité et nous somme happés dans la case, mais d’autres cases par contre sortent littéralement de l’écran du cinéma grace a la 3D. Outre l’hommage aux comics, c’est aussi une continuité dans l’adaptation des « super héros » au cinéma. A l’instar de la bande dessinée qui de décennie en décennie a fait évoluer la mise en case de ses supers-héros capablent de plus en plus de sortir de la case, les supers héros au cinéma ont le même désir, juste avant la résurrection de la 3D on pouvait voir déjà dans The Hulk de Ang Lee ce désir de sortir de plan. The Green Hornet prolonge ce désir. L’autre moment ou la 3D offre une autre experience est le premier combat de rue mettant en scène les deux héros. Alors que The Green Hornet n’arrive pas à se dépatouillé de ses ennemis, Kato toujours dans la voiture, lui vient en aide. Il sort donc de la voiture saute sur le coffre et court droit devant lui (vers nous), on pourrait s’attendre à avoir l’impression d’une sortie de l’écran, mais c’est plutôt la voiture qui se démultiplie et qui s’enfonce dans le plan avec toujours cette accentuation de la profondeur de champ que recherche les réalisateurs travaillant pour la 3D. ça donne une sorte de travelling compensé a la sauce 3D. En dehors du fait qu’il est rare que ceux qui fabriquent les films en 3D pensent a la periode d’adaptation du spectateur à l’effet 3D, il me semble impossible de réaliser un film en 3D qui justifierait dans son intégralité la 3D. Ensuite c’est une question d’habitude.
On se pose plus vraiment la question sur l’utilisation de la couleur au cinéma.
Mais franchement combien de films sont tournés actuellement où l’on comprend que l’utilisation de la couleur à vraiment du sens? Beaucoup de films pourraient être tournés en noir et blanc que leur sens ne changeraient pas.
@Gaël Martin: Bonnes remarques. Oui, le split screen est du meilleur Gondry, brillant et savoureux. Mais l' »effet Kato », autre invention qui rappelle les trouvailles visuelles de Matrix, me semble pouvoir marcher aussi bien en 2D. En fait, mon souvenir n’est pas différent d’un film en 2D (une précision, la projection n’était pas en 3D numérique, mais en polarisé, ce qui amoindrit beaucoup l’effet). La couleur? C’est une bonne comparaison, à la différence près qu’on ne faisait pas payer plus cher les films en Technicolor 😉
l’augmentation du tarif pour la 3D est peu justifiable, mais ce n’est pas la faute de Gondry. L’augmentation en général des tickets de cinéma m’agace beaucoup, la taxe supplémentaire exigé pour avoir des grosses lunettes disgracieuses encore plus. Surtout que du même temps les cinémas capables de s’équiper de projecteurs numériques et de tout le matos nécessaire pour donner a voir des films en 3D suppriment des postes de projectionnistes ou/et suppriment des postes de caissiers pour les remplacer par des machines automatiques. Dans certaines salles comme le UGC ciné cité les halles à Paris, les seuls êtres humains que le spectateur rencontre dans ce multiplexe ce sont les vigiles (qui ne sont pas encore équipé de tazer mais ça ne serait tarder).
Je tiens à préciser que « The Green Hornet » est une conversion 3D. Le film a été tourné à l’origine en 2D puis un passage par un studio spécialisé l’a transformé en hybride stéréoscopique.
De plus, Gondry s’est risqué à de nombreux plans « osés » dans le film, je pense à celui où Britt emmène une fille dans le garage de son père pour s’embrasser dans chaque voiture en accéléré, qui aurait rebuté plus d’un producteur à Hollywood. Mais comme tu l’indique avec la carte de visite, Gondry a aussi cette notion du détail qui tue : cette clé USB-sushi que tous les geek tenteront d’obtenir après avoir découvert le film (moi y compris lorsque j’ai découvert l’objet).
Toutes les projections 3D d’aujourd’hui sont en numérique. C’est grâce au passage au projecteur numérique que l’on a pu plus facilement installer (de nouveau) la 3D dans les salles conventionnelles sans se risquer d’investir à perte. Seuls deux systèmes cohabitent : Dolby 3D (lunettes actives) et le Real-D (lunettes polarisées), sachant que le Real-D est devenu la norme aux USA, donc bientôt la norme chez nous d’ici quelques temps.
Merci de l’info. Cela dit, mon billet ne porte pas sur la 3D, mais sur le film. Je ne comprend pas pourquoi tout le monde s’excite autant avec un truc qui se voit si peu. Le marketing, d’accord, mais les fans pourraient parler un peu plus des films, et un peu moins des lunettes pour les voir… 😉