Je n’ai rien entendu. Rien du souffle nouveau qu’impose à l’évidence la litanie des crises des dernières années. A commencer par la critique du volontarisme, méthodiquement détruit par l’expérience Sarkozy. Comment peut-on encore sérieusement proférer « je serai le/la président/e de ceci ou de cela »? La plus inaudible dans l’incantation restant Ségolène, mais pas un des candidats socialistes n’a résisté à prendre la pose d’un bonapartisme pourtant exsangue. Qui parlait de 6e République? Je n’ai rien entendu.
J’irai voter tout à l’heure à la primaire, pour le plus à gauche des candidats, pour tenter de peser arithmétiquement sur les orientations futures, mais sans enthousiasme et sans illusions. Non, aucun n’a été à la hauteur de mes attentes – pas plus que Mélenchon ou Eva Joly.
Je n’attends pas d’eux qu’ils changent le système économique ou financier. Qui croit encore cela possible? Des régulations, bien sûr. Mais avant tout, j’attends une analyse et une réforme de ce qui ressort du domaine de compétence des politiques: le système démocratique, qui ne remplit plus ses fonctions – et qui semble précisément le lieu le plus hors de portée de l’action de responsables notabilisés. Mis à part la réforme fiscale, seul point concret et important, inspirée par Piketty, et des promesses vagues sur le cumul des mandats, on n’a rien entendu que la reprise de la définitivement insupportable mystique présidentialiste – la rencontre d’un peuple, etc… – que cette 5e porte comme sa croix de Lorraine.
Je ne veux pas d’un président « des solutions », qui décide à ma place, éclairé par je ne sais quelle supra-compétence ou je ne sais quel conseiller occulte que je n’aurai pas élu. Je veux un président qui me dise: on travaillera ensemble, on vous écoutera, on ne décidera pas sans vous. Celui ou celle qui me fera entendre cette musique, en ayant l’air d’y croire, commencera à m’intéresser.
M’intéressera plus encore quelqu’un qui sera capable d’énoncer que des solutions se testent et s’évaluent avant d’être mises en place. Qui dira non pas ce qu’il faut faire, toujours dans l’urgence, avant de faire volte-face, une fois les dégâts constatés, mais quelle méthode suivre pour arriver finalement à bon port, peu importe la durée du processus du moment que l’option retenue est la bonne.
J’irai voter tout à l’heure, à reculons, comme en 2002, car aucune de mes attentes n’a été remplie. Je ne comprends pas comment, devant la catastrophe prévisible engagée en 2007 par l’élection du plus minable et néfaste des prétendants, aucun responsable digne de ce nom n’ait de compréhension plus aigue de la situation de faillite du politique qui rend ce geste aujourd’hui presque ridicule.
Ils peuvent si peu, et nous écoutent moins encore – à quoi bon? Je n’en sais rien. Mais que faire d’autre? Je ne suis pas économiste, seul domaine de compétence qui a aujourd’hui voix au chapitre. Les questions culturelles, qui me semblent si essentielles et si urgentes, sont perçues comme des jouets pour riches, dont on s’occupera plus tard. Je n’ai que ma frustration à constater le décalage immense entre les besoins et l’offre politique. J’irai voter, comme en 2002, sans y croire, et la rage au cœur. Triste présage.
Amusant, je ne vais pas voter, pour les mêmes raisons que vous… Quand on n’a d’autre raison de voter que le » j’en sais rien » dont vous parlez, on peut sans problème en tirer la conclusion inverse, non?
C’est même probablement plus logique… A ce stade, je comprends fort bien. La seule différence repérable, c’est qu’il est plus difficile de titrer un billet: « Ne pas voter, la rage au coeur »… 😉
« Je n’attends pas d’eux qu’ils changent le système économique ou financier. Qui croit encore cela possible ? »
Il faut se sortir les doigts du c… abandonner la fausse monnaie pour la bonne monnaie. Nul besoin de voter pour cela. Le vote est l’absence de véritable liberté d’action individuelle.
On peut donc le faire par soi même par exemple en rejoignant OpenUDC : http://www.creationmonetaire.info/2011/08/openudc-standard-monetaire-respectueux.html ou tout autre projet de monnaie alternative s’il correspond à ce que vous estimez être juste.
Si vous ne faites rien attendez-vous au jugement des prochaines générations. Il ne sera pas tendre avec ceux qui n’auront pour juste récompense de leur immobilisme devant l’inacceptable que l’oubli dans la poubelle de l’histoire.
@Galuel: Mis à part le fait que vous êtes encore un vendeur de solutions (réformer la monnaie et tout ira bien), donc pas du tout dans la lignée de la reflexivité politique globale que j’appelle de mes voeux, je suis bien d’accord avec votre avertissement final. C’est vraisemblablement le sentiment que ressentent aujourd’hui de nombreux citoyens que cette impuissance paradoxale dans laquelle nous place de facto la « démocratie » occidentale. Une « démocratie » qui menace ses participants de subir un tel jugement a par définition cessé de fonctionner.
Puisqu’on en est réduit à essayer de produire des symboles à défaut de trouver des solutions, élisons une femme, ce sera déjà ça (même si l’exemple d’Obama, dont l’élection a été oh combien symbolique, se révèle peu convaincant).
J’ai bien peur que nous ne soyons plus dans une période où l’on peut se contenter de symboles…
Je te trouve un peu dur avec ces primaires, le menu n’est certes pas enthousiasmant, mais le simple fait qu’il y ait un repas à ce niveau-là, pour un euro seulement, est une belle promesse de démocratie ad-hoc, en dehors du rythme saisonnier des élections inévitables… Il ne s’agit pas encore du vrai débat présidentiel et des perspectives réelles d’avenir, et le collectif sort renforcé de cette mise ne scène réussie du débat démocratique… je trouve notamment que le fait d’avoir évité volontairement le jeu hypocrite de la guéguerre frontale et d’avoir fait ressortir différentes lignes de convergences et d’oppositions, a un peu recrédibilisé la parole politique… Mais le chemin est encore long…
peut-être n’était-ce qu’un long épisode « marketing » pour propulser le candidat de centre-gauche, mais le message est intéressant ; il est possible d’inventer de nouvelles formes de consultation des citoyens au-delà des cercles internes aux partis et autres institutions… Cela témoigne d’une certaine confiance dans le peuple français, en ces temps où la haine et la parano occupent le pouvoir, c’est plutôt sympathique…
Mais il est vrai que les nouvelles technologies le permettant, il est indispensable de refonder notre vie démocratique sur la parole des citoyens qui peut comme jamais dans l’histoire, se faire entendre dans l’espace public…
Ah, mais je ne dis rien contre le dispositif, je ne parle que de l’offre politique. Je suis bien d’accord avec toi que les primaires sont une proposition plutôt bienvenue et par ailleurs une manifestation politique réussie pour le PS. Il n’en reste pas moins que les nuances entre lesquelles on nous propose de choisir me paraissent très loin des enjeux du moment historique, et que tous les candidats, y compris Montebourg, ont joué en bon petits soldats le jeu du « quelle sera la première mesure que je prendrai si je suis élu », dans lesquels les ont cantonnés les médias. Ce qui témoigne à tout le moins d’une analyse politique un peu courte, car après cinq ans de coups de menton sarkozystes, il était évident que l’électorat souhaitait entendre une autre air que « Tiens, voilà du boudin »…
A propos de « tiens voilà du boudin », est-ce qu’on prend les paris pour que madame Carla s’y colle pour faire oublier à ce bon peuple de France le processus en question et nous présenter la progéniture de l’élu de son coeur ? Primaires : choisir entre la peste et le choléra, c’est pas facile… A reculons, probablement, symboliquement, probablement aussi, mais pour quoi en faire ? J’ai bien peur de la réponse…
même vote et mêmes demi-raisons pour moi !
Comme quoi, j’avais tort. Mon découragement était exagéré. Il s’est bien passé quelque chose hier, et le vote a modifié la donne. Montebourg 3e, je n’y aurais pas cru. A écouter les réactions ce matin, on s’aperçoit que la marge de Hollande est étroite. Le coup de barre à gauche, confirmé par la faiblesse du score de Valls, est nettement perceptible. Ça reconfigure sec, y compris chez les éditorialistes (Guetta devenu presque altermondialiste, Elkabbach qui oublie d’inviter Copé ou un ministre…). Ce qui ne veut pas dire que choisir entre Pantone 210 C et Pantone 211 C change fondamentalement la donne. Mais un message est passé. Il est encore utile de se faire entendre.
Vous qui cherchez quelqu’un « avec qui travailler » sur le sujet de la démocratie, comment la démocratie peut être viable aujourd’hui, allez voir du côté d’Étienne Chouard qui a un peu creusé cette question et en est venu à l’idée du tirage au sort. C’est très stimulant. Il y a quelques vidéos de conférences qu’il a faites sur le sujet, très pédagogiques, passionnantes, propices à la réflexion et hors du conformisme et de la résignation ambiants.
Je connais bien et j’apprécie le travail d’Etienne Chouard, qui n’est pas un inconnu. Sa réflexion sur les structures de représentation collective est utile et peut contribuer à la nécessaire réélaboration de notre démocratie.
//Le coup de barre à gauche, confirmé par la faiblesse du score de Valls, est nettement perceptible.//
Oui, un coup à gauche, deux à droite avec le ralliement « personnel » de Montebourg pour préserver ses chances de maroquin, et Hollande qui envisage une alliance avec Bayrou : j’ai bien fait de rester chez moi, je me sens un peu moins cocu !