L'art n'a pas de prix (mais le musée d'Orsay doit boucler son budget)

Je les ai manquées… J’étais dernièrement au musée d’Orsay – mais malheureusement pas le jour du tournage de la pub Etam… Dommage que Christophe Girard, le préposé municipal à la culture adjointe (et accessoirement ennemi de la photo au musée), ne nous ait pas donné son sentiment sur cette forme de distraction industrielle.

J’allais plus platement visiter l’exposition « Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde« , de Stephen Calloway, Lynn Federle Orr et Yves Badetz, qui ferme ses portes le 15 janvier. Belle proposition muséale, qui présente l’intérêt de reconstituer l’esprit d’une époque et d’une société, à travers un ensemble cohérent d’œuvres des beaux-arts mais aussi des arts décoratifs. Une association qui manifeste l’empreinte de classe de l' »aesthetic movement« , divertissement réservé à une élite de privilégiés. Plutôt qu’un musée, l’exposition donne l’impression de visiter un magasin d’antiquités, où il ne manque que l’étiquette du prix aux objets présentés. Un fauteuil, un buffet, une assiette, tous les objets du quotidien portent de manière inévitable la connotation de leur valeur économique, que l’on estime au doigt mouillé à comparaison de son propre équipement mobilier.

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L'art, c'est toujours un peu la même chose

Gros buzz sur les surimpressions de photos amateur de sites touristiques par Corinne Vionnet. Dont le principe confirme chacun dans l’idée que le touriste est un abruti dépourvu de toute imagination, qui ne fait que reproduire à l’identique ce qui existe déjà en cartes postales, ce qui est bien bête.

Mais où est la bêtise? Dans le fait d’ignorer que la construction des images du tourisme est un processus commencé il y a quelques siècles par les peintres et les graveurs, qui ont établi avant tout le monde les images de référence des sites? Dans la méconnaissance du mécanisme de l’appropriation qui permet à chacun de nous de transformer en expérience personnelle un spectacle institutionnalisé? Dans l’inconscience du caractère inédit du partage en ligne de ces images, qui crée de nouvelles circulations et de nouveaux usages? Ou bien dans l’oubli du caractère finalement très banal et très paternaliste des opérations de récupération par le Fine Art des productions industrielles ou amateurs, considérées comme un vulgaire matériau transcendé par le regard de l’artiste?

Le secret de l'oeuvre d'art

Le système narratif de Dan Brown est désespérant. Sous le lourd appareil ésotérique qui forme décor, il n’y a qu’un vulgaire jeu de piste. La mécanique du détective novel réduite à sa plus simple expression – litanie d’énigmes comme un clou chassant l’autre.

Mais pour le visualiste, ses romans présentent une particularité non dénuée d’intérêt: celle de mettre en scène, au cœur de ce dispositif de quasi-jeu vidéo, quelques icônes fameuses. Le Da Vinci Code (2004) situait dans La Cène et La Joconde quelques-unes des clés essentielles à la révélation de l’union de Jésus avec Marie-Madeleine. Le Symbole Perdu (2009) va chercher dans la Mélancolie de Dürer le carré magique qui permettra de décrypter le message caché.

Faire jouer à Léonard ou à Dürer le rôle de guide dans une saga à la Indiana Jones peut faire sourire. Le recours à ces figures relève sans doute d’un effet de couleur locale, où la mobilisation d’un référent ultra-connu produit une impression de « culture ressentie » particulièrement gratifiante pour le lecteur.

Un roman qui invite à relire Arasse ou Panofsky ne peut pas être complètement mauvais. Mais au-delà de l’usage très fonctionnel qu’il fait des œuvres, je trouve intéressant de voir comment de vieux points de repère de la culture lettrée peuvent être repris et partiellement revitalisés par l’industrie culturelle. Après tout, l’idée que les chefs d’œuvres les plus célèbres abritent des secrets, à la manière de la lettre volée de Poe, n’est pas qu’un truc de roman-feuilleton: c’est le moteur de l’histoire de l’art, qui carbure au décryptage toujours recommencé des œuvres. A se demander pourquoi cet art de l’interprétation n’est pas plus populaire aujourd’hui.