Laissez parler les photos

A quoi sert la photo dans la presse? Dominique Strauss-Kahn apparaît comme le favori socialiste des sondages pour 2012. Une côte suffisamment élevée pour inquiéter le Figaro.fr. Pendant qu’un papier intitulé « La candidature DSK à l’épreuve de la crise » aligne quelques arguments rationnels, la photo d’illustration tape sous la ceinture. Le portrait du patron du FMI le montre le regard fuyant, un œil globuleux, l’autre éteint, la joue tachée, le menton luisant (photo AFP). Pas vraiment une photo de vainqueur. Mais qui apporte de façon subliminale la réponse à la question. DSK peut-il gagner en 2012? Mais non, regarde comme il est vieux et décati! Le journalisme visuel ou l’art de la suggestion.

9 réflexions au sujet de « Laissez parler les photos »

  1. Méthode très fréquemment utilisée contre Ségolène Royal également mais, la plupart du temps, par des titres… de gauche. De type Libé ou Rue89… mais en même temps ce sont des choses qui sont plus que fréquentes. Qui peut s’en offusquer dans Le Figaro. On n’est pas choqué de voir Sarkozy rabaissé (c’est le cas de le dire) régulièrement par les illustrations photos dans bien des titres de gauche et on n’est pas surpris de le voir efficace et martial un jour sur deux à la une du Figaro.
    Que DSK le magnifique en fasse les frais est sommes toute assez prévisible.

    La semaine dernière le nouvel Obs avait fait un sondage auprès de ses lecteurs. Le sondage donnait Royal gagnante sur quasi chaque question. (crédibilité, proximité etc.) L’illustration de l’article mettait en scène les trois grands leader du PS (DSK, Aubry, Royal) cote à cote en mode « portrait officiel de présidence ».
    Étrangement DSK était premier, Aubry seconde, Royal troisième.
    Ainsi la lecture du titre plus la photo donnait un sentiment très fort qui allait totalement à l’encontre du contenu.

    Bref, la méthode est classique et souvent révélatrice.

    Après tout Le Pen en a fait les frais (à ma grande joie) pendant longtemps. Et en même temps les personnes en charge de l’illustration devaient penser (et moi avec elles) que montrer ce Le Pen là (éructant, un peu suintant) était le plus révélateur de sa vérité profonde.

  2. Rien d’original, assurément. Mon propos ici est de souligner l’écart entre la forme écrite et la signification visuelle. Un journaliste du Figaro oserait-il écrire: il ne gagnera pas parce qu’il est trop vieux? Ça m’étonnerait. Mais le dire en photo est permis. Le journalisme se décrit comme objectif, mais l’usage des images est constamment subjectif. C’est cette étrange discrépance, nulle part avouée ni assumée, qui m’intéresse.

  3. Il a même une sorte de sonotone et semble avoir mal à la gorge… Vraiment, la photo est parfaite pour nous convaincre de sa combativité ! Heureusement que Le Figaro.fr est « jeune » et « indépendant » vis à vis de Sarkozy … 😉

  4. Techniquement, c’est intéressant dans la mesure où ils ont eu la main lourde sur le renforcement de la netteté. Autant le léger flou est largement utilisé par tout le monde pour bonifier un portrait, autant je n’avais encore jamais remarqué l’utilisation à l’inverse du plus net que net pour faire un sort à un ennemi personnel. Mais bon, ce n’est peut-être qu’un stagiaire qui a eu la main lourde sur Photoshop en redimensionnant l’image…

  5. Intéressant, en effet surtout pour la peau irrégulière de DSK.

    Pour ma part, j’ai lu « spontanément » autre chose dans cette photo : le visage large, le regard de côté (mis en valeur par le cadrage), que je trouve moins « fuyant » que chargé d’intention, d’autorité (il équilibre le mouvement inverse de la tête), et de domination (légèrement en hauteur) = quelle carrure dans la tourmente, quel maîtrise de soi face à l’ennemi qui approche, d’où qu’il vienne DSK saura le voir et l’écraser de son poing puissant et de son regard foudroyant.

    Je crois avoir spontanément « lissé » l’oeil mi-clos (en l’attribuant artificiellement à la direction du regard).
    La peau tachée me paraissait compatible avec cette vision de « lutteur » (qui doit étreindre la réalité, comme on sait rugueuse).

    Ma lecture est-elle déviante ? Suis-je un cas pathologique ? Ou cette ambiguïté est-elle dans la photo ?

  6. Oui, c’est bien là le nœud de l’affaire. Une photo ne parle pas comme un énoncé lingustique. Elle comporte une part d’ambiguité, les choses ne sont jamais dites nettement, et c’est cette dimension incertaine qui protège l’énonciateur et permet tous les jeux. Je l’ai dit? Mais non je l’ai pas dit…

  7. « Une photo ne parle pas comme un énoncé lingustique. Elle comporte une part d’ambiguité, les choses ne sont jamais dites nettement, et c’est cette dimension incertaine qui protège l’énonciateur et permet tous les jeux. »

    On pourrait élargir le propos, dans le domaine de l’image de presse, à la caricature (le journaliste Plantu ne jouit-il pas d’une plus grande licence que tous les autres journalistes ?) et, dans une moindre mesure peut-être, à l’infographie.

  8. La caricature me semble beaucoup moins polysémique que la photographie. Le trait du dessinateur ne reproduit que les éléments que celui-ci a voulu faire figurer dans son image, et la représentation graphique de ces éléments est totalement soumise à sa volonté (et à son habileté). Enfin de l’idée qui est à l’origine du dessin, il ne nous sera présenté qu’une expression.
    Un portrait photographique c’est une série d’instantanés, réalisés grâce, mais aussi malgré le photographe dans la mesure où la lumière, les vêtements, les expressions etc. du sujet sont reproduits et non déterminés par le photographe. Le caractère instantané de la représentation photographique, parce que ce sont quelques dixièmes ou centièmes de seconde, fait que la photo reproduit du réel, mais un réel qui ne correspond jamais à l’expérience sensible qu’un observateur présent physiquement pourrait en avoir eu. Ensuite, l’iconographe ou l’éditorialiste va sélectionner parmi ces images, celle dans laquelle il va projeter le discours qu’il veut associer à l’image. Et enfin le lecteur va à son tour projeter son propre discours en étant orienté par l’article, le titre et le cas échéant la légende de la photo comme le montre « Angela porte la culotte » http://culturevisuelle.org/parergon/archives/493

  9. Mieux maquillé sur le plateau de France 2, DSK vient de perdre sa place putative de candidat « de gauche ». Comme Lionel Jospin avait perdu la présidentielle le jour où il a affirmé que « son programme n’était pas socialiste », Strauss-Kahn, en estimant que la retraite à 60 ans n’est pas un « dogme », a donné le signal nécessaire pour apparaître comme le principal concurrent de Nicolas Sarkozy auprès de l’électorat de droite.

    http://www.youtube.com/watch?v=Glw3k_RWzHI&feature=player_embedded

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