Qui a peur du réchauffement?

walter

Sylvestre Huet s’est amusé à produire une carte météo de prévision du climatoscepticisme. Ca fait déjà un moment que je me dis que l’hiver 2009-2010 – plutôt froid dans les régions où le « réchauffement planétaire » (global warming) figure au top ten de l’agenda médiatique – est le pire ennemi d’un récit qui prédit la montée des températures. Les gens cultivés savent bien qu’il y a une différence entre météorologie et climatologie – que les variations locales n’ont pas de signification à l’échelle des évolutions globales du climat. Mais la carte de Sylvestre Huet montre que cette affirmation scientifique pèse de peu de poids face à la sensibilité la plus immédiate et à la facture du chauffage.

Ainsi qu’en témoigne exemplairement une affiche du concours étudiant du festival de Chaumont (Alice Walter, école des Beaux-arts de Rennes, 2007, voir ci-dessus) qui se voulait au second degré, le problème du réchauffement, c’est qu’il ne fait pas vraiment peur aux habitants des zones tempérées. Il est probable que la plupart d’entre eux (Floride et côte d’Azur mis à part) ne verraient pas d’un mauvais œil leur thermomètre remonter de quelques degrés.

La perspective du réchauffement paraît difficile à transformer en menace tangible. Un téléfilm français (Les Temps changent, Marion Milne, Jean-Christophe de Revière, 2008) a tenté d’illustrer à grand renfort de sauterelles l’assèchement du sud de la France, sans réussir à nourrir l’inquiétude. Le premier blockbuster à exploiter la thématique de la catastrophe climatique (Le jour d’après, Roland Emmerich, 2004), proposait au contraire une inversion du schéma. Plutôt que d’affoler par le chaud, le dérèglement climatique y provoquait une vague d’un froid polaire, plus spectaculaire et plus effrayante qu’une hausse des températures.

C’est idiot, diront les climatoconvaincus – oubliant que le thème du réchauffement ne s’est véritablement installé dans l’agenda médiatique qu’à la faveur d’une série d’étés particulièrement chauds, depuis 2003. Le risque est réel que quelques hivers froids enterrent le sujet – aussi longtemps qu’une meilleure pédagogie des enjeux ne sera pas proposée.

9 réflexions au sujet de « Qui a peur du réchauffement? »

  1. L’académie royale des sciences de Suède a publié un rapport disant que le réchauffement climatique était bon pour eux…
    Pour ma part j’ai toujours vu ce terme de « réchauffement » comme un élément de propagande de la part de General Motors… Les gens paient pour aller au profiter de la chaleur, alors l’idée que la planète se réchauffe d’un degré ne peut déranger personne ou presque. Si on parlait de l’empoisonnement de l’air par les métaux lourds et les molécules cancérogènes et alergènes, peut-être que la question de l’impact de l’automobile sur l’atmosphère serait considérée avec moins de distance.
    J’adore le film d’Emmerich, il y a une scène incroyablement bête (à la Emmerich quoi) où les réfugiés sont poursuivis par le froid dans une bibliothèque… Ils courent, ils courent, la glace aux trousses, et puis ils arrivent à refermer la porte à temps, ouf!

  2. @Jean-no: Oui, c’est sur cette visibilité photogénique du froid, manifesté par l’envahissement de la glace, que joue Emmerich. Le paradoxe de voir le premier film sur le réchauffement jouer la carte du refroidissement manifeste mieux que tout autre symptôme l’impasse de l’imagerie. A moins d’aller dans les extrêmes de Fusion (autre film particulièrement idiot 😉 le chaud ne fait pas peur, il fait envie…

    Une idée peut-être pour le prochain sommet sur le climat: préférer Marrakech au mois d’août à Copenhague en décembre…

  3. Si l’on considère la façon dont la perception des risques environnementaux est orientée par les productions des communicants spécialisés dans la mise en représentation de la nature et du climat, on observe des évolutions dans les résultats d’enquête sur les trois dernières années. Ainsi de l’étude publiée cette année par les américains Patrick Egan et Megan Mullin, et qui interprète des données recueillies aux Etats-Unis, pendant les 6 mois durant lesquels le film d’Al Gore a été diffusé dans les cinémas. Egan et Mullin montrent que plus l’individu est éduqué, scolarisé, plus il se déclare convaincu qu’un changement climatique imputable aux activités humaines est en cours. Les deux auteurs ajoutent que la météo locale joue un rôle au moins aussi important que la force de persuasion du film d’Al Gore : quand les températures locales sont normales ou plus fraîches que la normale, ce sont les personnes les mieux éduquées qui partagent le plus l’idée d’un changement climatique anthropogénique. Et si la température grimpe, les autres personnes viennent ajouter leurs voix. Autre élément relativisant grandement l’influence du film sur la perception qu’ont les personnes de la nature et du climat, les déclarants se disant convaincus que le changement climatique est dû aux activités humaines, sont d’autant plus nombreux que le film « Une vérité qui dérange » est diffusée dans les salles, et ce groupe régresse quand le film est déprogrammé progressivement des salles :
    http://as.nyu.edu/docs/IO/4819/egan_mullin.pdf

  4. J’imagine que c’est aussi pour ça que les associations environnementales ou les comités de vigilance choisissent de favoriser le terme de « changement climatique » , qui a l’avantage de ne pas évoquer le « réchauffement », laissant également planer l’incertitude sur ce que pourra représenter le changement en question …

  5. « le thème du réchauffement ne s’est véritablement installé dans l’agenda médiatique qu’à la faveur d’une série d’étés particulièrement chauds, depuis 2003″

    Intéressant! D’instinct j’ai mes doutes sur cette thèse mais je serais intéressé de vous lire là dessus. Le peuple réclame un billet: ‘Emergence de l’iconographie du réchauffement »!! 🙂

  6. A voir les jolis « deux hémisphères » (huit au total) dont vous nous faites cadeau, on réalise qu’effectivement tendance au réchauffement climatique et hivers froids peuvent aller de pair (ici, de paires) !

    Sur les effets destructeurs des accidents climatiques, un livre pour vos kids : Les enfants de Noé (une interminable tempête de neige dans les Alpes).

    //Description du livre: Ecole des loisirs / Medium, 2000.
    En février 2006, des expériences dans la zone polaire provoquent une gigantesque tempête qui ensevelit l’hémisphère nord sous plusieurs mètres de neige, paralysant toute activité. Quelques années plus tard, un jeune homme, Simon, raconte la longue lutte pour la survie matérielle et spirituelle qu’il a menée avec sa famille, dans leur chalet des Alpes, au coeur de ce déluge blanc. Dans leur arche perdue, le père, la mère et les deux enfants affrontent de multiples périls, la solitude, la peur, parfois l’angoisse, mais finalement c’est l’ingéniosité et l’espoir qui l’emportent. Ils réinventent des gestes ancestraux qu’ils croyaient oubliés. Auprès d’eux, leurs animaux familiers les aident, de diverses manières, à surmonter l’épreuve. Dans les livres qui les entourent, et dont le père lit chaque soir quelques pages au coin du feu, ils puisent aussi des leçons d’amour et de courage. Roman d’anticipation, récit d’aventure, fable écologique, ce livre est aussi une méditation sur la fragilité du monde ou nous vivons, et comme un manuel de survie pour les futurs naufrages de la société industrielle.//

    (Je l’ai lu : beau, solide, mais parfois l’angoisse de la mort est bien lourde pour des enfants non accompagnés…)

    Trouvé sur abebooks.fr

  7. Une autre lecture de l’iconographie : le réchauffement climatique, c’est chouette *et* c’est kitsch. J’ai l’impression de voir les sœurs de 118 et 218 au ski : bandeau de tête, lunettes, body, skis courtauds.
    Je m’interroge. C’est voulu ou les étudiant(e)s n’ont pas le budget pour travailler avec des photos d’agence ?
    http://www.gettyimages.com/detail/94116625
    http://www.corbisimages.com/Enlargement/Enlargement.aspx?id=AX931816

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